Entretien avec Etienne MINEUR
directeur artistique de Carton

- Chez Hyptique, comment est venue l'idée de faire CARTON ?

- CARTON est la continuation d'un travail commencé ensemble sur un CD-Rom produit par la RMN Au Cirque avec Seurat. Nous travaillons sur les mêmes machines, mais à des fins différentes, la musique ou l'image. Nous nous sommes retrouvés (l'image et le son) sur la notion d'interactivité, sous la bienveillance du directeur technique, Antoine Schmitt.

- Comment avez-vous mené votre direction artistique entre les photos de Michel Séméniako et la musique de Birgé-Vitet ?

- Le travail du photographe Michel Séméniako est basé sur la révélation de l'image par la lumière mobile (des lampes torches, des projecteurs), grâce à un temps d'exposition assez long au niveau de la prise de vue. Mon principal intérêt était donc de travailler sur la lumière et la notion du temps, ce qui tombe bien puisque l'écran n'est que lumière et la musique ne peut s'inscrire que dans une certaine continuité. L'idée était aussi de ne surtout pas faire une sorte de diaporama sur fond musical ou un sous-clip vidéo qui n'apporterait rien de plus (voir moins) que la télévision.
Nous avons cherché à faire une « création » autonome propre à ce nouveau support, plutôt qu'une présentation passive de l'oeuvre sonore et photographique.

- Il y a un rythme particulier dans les images comme dans la musique de CARTON. Comment avez-vous abordé cette question ?

- Le travail sur le rythme est essentiel, aussi bien du point de vue du son, de l'image que de l'interaction. Dans CARTON nous passons de plages plutôt contemplatives (L'ectoplasme) à des zones très interactives et bruyantes (La démène à Jules).
Le travail sur le rythme se ressent aussi par l'opposition entre d'une part les transitions lumineuses et les différentes animations (une suite d'images codées sur 1bit afin d'obtenir une grande fluidité) et d'autre part des images fixes d'une grande finesse (photographie en 256 nuances de gris).

- Le CD-Plus est-il un objectif important pour Hyptique ?

- Le CD-Extra a un grand avantage : il s'adresse à tous, puisqu'en tant que CD audio, c'est un objet d'usage courant. Il joue donc le rôle du cheval de Troie pour la partie multimédia interactive. Cet atout devrait intéresser tout acteur, pas seulement musical, qui désire communiquer à travers plusieurs médias :
la musique, le CD-Rom et le web peuvent faire un très bon mélange.
Les major compagnies de la musique ne l'ont pas encore assez compris, elles qui vont devoir bientôt se mettre à la distribution en ligne de leurs produits, qui ne bénéficiera plus d'un packaging matériel (boîtier, livret, etc.). L'emballage sera donc électronique et interactif, et ce sont les plus innovants qui feront la différence. Déjà certaines formes de musiques alternatives (hip-hop, techno, jungle) pratiquent ce concept tout numérique, avec de petits moyens, en Californie et en Angleterre notamment. Nous en avons rencontré au Midem, avec lesquels nous avons échangé pas mal d'idées.
Les consommateurs ne seront plus obligés d'acheter ce que les grands points de vente leur imposent, mais ils vont pouvoir contacter directement les créateurs, les auteurs qui les intéressent afin de leur acheter directement leur production sans passer par les nombreux intermédiaires actuels.

Cet état de fait existe déjà dans le monde de la typographie (par exemple), nous pouvons acheter à un créateur de police de caractères sa création est la télé-charger instantanément par le réseau.
Par rapport au CD-Rom à gros budget, le CD-Extra est aussi une façon de ramener la production multimédia dans des délais et des coûts qui permettent d'être plus immédiatement créatif, ce qui ne fait pas de mal dans un monde en perpétuel mouvement comme celui de la musique aujourd'hui. Enfin, travailler sur le matériau musical d'autres créateurs est très stimulant.

Etienne Mineur

Alors 28 ans, diplômé de l'ENSAD (Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs) où il réalise une thèse sur "le design des médias interactifs". Fondateur d'Index+ avec E. Olivier, il y occupe la fonction de directeur artistique (91/92), puis chez Desgrippes & associés (92/94), et alors chez Hyptique.
Il a conçu l'identité visuelle de plusieurs sociétés, et conçu et/ou réalisé de nombreux produits, parmi lesquels : La colonne du savoir pour la FNAC, le CD-Rom musical DTour à Canal+/La Bande Son, le CD-Rom du groupe Stratégies avec MCD, le CD-Rom Moi, Paul Cézanne pour Index+, Télérama et la RMN, le CD photo Nadar pour la Caisse des monuments historiques, et enfin chez Hyptique Au Cirque avec Seurat pour la RMN et Gallimard.

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