Entretien avec Antoine SCHMITT
directeur technique de Carton

- Directeur technique, qu'est-ce que c'est ?

- Sur ce titre, CARTON, j'ai participé à la conception et j'ai réalisé l'interactivité. L'interactivité, c'est ce qui réagit, ce qui donne de la consistance, de la présence. C'est ce qui transforme des images et les sons en objets, en univers.les rends tangibles, ça leur donne une physique.

  C'est ce qui m'intéresse. Il n'y a pas encore de mot pour désigner ce rôle dans une production interactive, alors on l'appelle "directeur technique", bien que la technique soit présente à toutes les étapes et soit maîtrisée par tous, graphistes comme musiciens. J'ai surtout essayé de faire exister les idées de Jean-Jacques Birgé et de Bernard Vitet. Ils étaient les concepteurs, Étienne Mineur la fée qui donne l'apparence et l'équipe de Hyptique les marraines attentionnées. J'ai été l'accoucheur, en rajoutant une touche de comportement.

- Quel est l'avenir de ce métier ?

- Il y en a probablement plusieurs. Cela ira du scénariste interactif, déjà présent derrière tous les jeux vidéos, au programmeur d'IA (intelligences artificielles) dans les futurs soap-opéras interactifs. Je pense que nous voyons naître en ce moment un nouveau domaine d'expression, comme le cinéma au début du siècle, et que nous allons assister à la fois à une standardisation des modèles et à des expérimentations sur le médium. C'est plein de promesses.

- Qu'est ce qui caractérise la "présence" de CARTON ?

- Je pense que c'est le toucher. On touche l'image, on touche le son. On explore par le toucher. On se retrouve dans des petits univers qui inspirent la curiosité.
Leur physique est simple et identique partout, on glisse, on clique, ça réagit ou pas, mais tous les univers sont différents et ont leur personnalité propre. Et ce sont de vrais univers multimédias, dans lesquels le son et l'image se répondent.

- Est-ce différent de travailler avec des musiciens ?

- Sur ce titre, Jean-Jacques Birgé et Bernard Vitet sont plutôt des cinéastes et des poètes, tant dans leur musique que dans les parties multimédia. Ils ont inventé des univers. Ils avaient des idées bien précises. Ils étaient réalisateurs et connaissent bien le médium. J'ai réalisé l'interactivité sur un autre CD-Rom expérimental, just from Cynthia, sous la direction d'Alberto Sorbelli, qui sera présenté au Centre Georges Pompidou dans l'exposition Made In France en février 1997, et dans lequel je présente aussi deux pièces personnelles. Les 30 artistes qui collaboraient à ce CD-Rom découvraient le médium CD-Rom et l'interactivité, d'où un certain chaos. Sur CARTON, nous arrivons à une sobriété et un achèvement remarquables.

- Vous parlez de pièces personnelles, que représente CARTON pour vous ?

- Mes recherches explorent les notions de temps, de présence, de destin, de narration. Dans CARTON, j'ai été très attiré par l'idée des univers correspondants aux chansons. Ca va dans le même sens. Aussi, j'avais déjà travaillé avec Jean-Jacques et Bernard et avec Étienne et nous avons des visions communes et complémentaires. Enfin, le concept de l'objet CD-Extra m'attire beaucoup.

- Quelle est pour vous l'apport du CD Extra par rapport au CD-Rom ?

- D'une part, Le CD-Extra est un bel objet. La musique et la partie interactive se soutiennent mutuellement. C'est quelque chose qui fait sens. D'autre part, c'est un beau produit. Il mérite une bonne place sur les rayons. Enfin, contrairement aux CD-Roms qui s'institutionnalisent de plus en plus, c'est un nouvel espace de liberté où il est encore possible de s'exprimer.

- Quels sont vos projets en cours ?

- D'abord terminer un moteur de scénarios interactifs, en collaboration avec Pierre Laffargue du S.P.E.C.T.R.E.. Par ailleurs, l'aventure "just from..." continue. Et il y a toujours cette présence dans la machine....

Antoine Schmitt

Alors 35 ans. Il vit et travaille à Paris, et fabrique des logiciels depuis 20 ans. Il écrit ses premiers jeux vidéo à 15 ans en 1976. Ingénieur Telecom (ENST 1984), il étudie et applique l'intelligence artificielle (1985), les réseaux neuronaux (1988), la vidéo interactive (1988), les CD-Roms (dès 1989), les systèmes d'informations géographiques, les interfaces graphiques, le groupware (1991). Il travaille avec plusieurs sociétés innovatrices (Act Informatique, NeXT, Hyptique...), à Paris et dans la Silicon Valley. Depuis 2 ans, comme consultant indépendant, il collabore à plusieurs projets originaux (DTour, Au Cirque avec Seurat, Nuit Noire, Carton...)
Depuis 1991, il fait aussi des recherches plastiques, utilisant l'ordinateur, la vidéo, la photo. Il participe à plusieurs expositions collectives (just from Cynthia à X/Y au Centre Georges Pompidou en 1995, Margalit chez Atau en 1996...).

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