Entretien avec Michel SÉMÉNIAKO Photographe |
- Que ressentez-vous à découvrir vos photographies dans le contexte multimédiatique de CARTON ? - La première chose c'est la mise en spectacle des images qui elles-mêmes s'inscrivent dans un processus de fiction, donc déjà ce n'est pas antinomique avec leur origine. La deuxième chose c'est de découvrir qu'on peut jouer avec les images. C'est la mise en jeu. Dans les accrochages d'expo ou les mises en pages de livres je joue un peu mais c'est quand même plus raisonnable. La troisième chose c'est la lumière. La qualité de ces images, leur transparence sur l'écran renvoient aussi à leur processus de création. Je trouve ça très beau. La dernière chose, quand je fais les images la nuit, c'est vraiment un truc de nyctalope et pas de noctambule, on a une perception du son très exacerbée, pendant les prises de vue j'entends toujours des sons, mais là pour une fois il y a des sons qui fonctionnent avec ces images, ce qui n'était jamais arrivé. - Vous avez aussi réalisé la photo de couverture du digipack. Qu'est-ce qu'une image négociée ? - Une image négociée va fonder son esthétique sur le dialogue entre le photographié et le photographiant. C'est fondamentalement photographique mais éludé par la plupart des photographes qui se voudraient les créateurs du monde. C'est une façon de dire que le monde existe, qu'il faut travailler avec, c'est une création partagée, parce que les pratiques solitaires à la longue... Ce sont des images sur le fil entre réel et fiction. - Birgé-Vitet dessinent votre portrait dans L'ectoplasme. A votre tour comment les voyez-vous ? - Ils sont comme moi explorateurs de territoires atypiques. Ce n'est pas de l'exploration pour s'égarer, c'est à la recherche du sens, et pour ça il faut s'éloigner des codages institutionnels du sens, et donc Birgé-Vitet ils ont un côté veilleurs de nuit, ils sont là quand les autres dorment. - Dans Radio Silence certaines photographies en couleurs donnent l'impression d'avoir été réalisées avec un logiciel d'images de synthèse époustouflant genre KPT Bryce 5. Pouvez-vous nous en dévoiler le secret ? - Ce sont les logiciels qui cherchent à imiter des choses de ce type. Avec la photographie on travaille dans le réel et on ne cherche pas à la refabriquer avec des algorithmes. Si la vague se transforme en brume c'est que le temps de pause est long et que la marée est montante. Plusieurs minutes. C'est la mémoire de l'eau. - Comment choisissez-vous vos modèles, ces lieux que vous hantez la nuit ? - Ce sont mes origines que je cherche. Quand j'ai l'impression que j'ai trouvé un lieu c'est que j'y suis bien pour faire mes photos. Mes origines sont universelles, c'est plutôt dans les universaux que je les cherche. En Chine même si le chinois on dit que c'est du chinois l'écriture chinoise nous parle. Je ne voudrais pas qu'on confonde l'universalité avec la mondialisation qui est un processus économique et politique. L'universalité c'est la culture des hommes. Vous me direz que la rapacité fait partie des universaux ! L'homme est identitaire, bizarre et en même temps solidaire. C'est dans ces choses un peu paradoxales que je me retrouve et que je retrouve aussi Birgé et Vitet. Michel SÉMÉNIAKO A l'heure où la nuit tombe, Michel Séméniako
promène le faisceau de sa lampe torche sur les paysages et les
architectures. Il pratique ce rituel de magie blanche en parcourant le
monde à la recherche de lieux de mémoire, que ce soit à
Carnac, en Casamance, en Chine, à Naples, dans les Alpes, en Inde,
au Japon ou en Lorraine. |