Entretien avec
Bernard VITET Compositeur interprète

- Dans les ouvrages de référence vous êtes cité comme un grand trompettiste de jazz et de free-jazz. Que s'est-il passé ?

- Je ne me suis jamais senti défini parfaitement par ces termes. D'autre part il y a une évolution générale de la musique. Le jazz et le free-jazz, qui étaient des spécialités, sont aujourd'hui diffusés à travers l'ensemble des musiques vivantes. Le jazz n'est plus un axe de recherche comme il l'a été pour moi pendant un temps. Il y a eu un double détournement : le jazz s'est détourné de son objectif premier, l'émancipation, et moi je me suis détourné du jazz.

- Est-ce que la musique que vous écrivez est caractéristique de celle d'un trompettiste ?

- Sûrement dans une certaine mesure. Je suis particulièrement attaché à l'aspect mélodique de la musique.

- Depuis vingt ans vous écrivez en collaboration avec Jean-Jacques Birgé. Vous signez rarement seul.

- J'ai toujours été beaucoup plus intéressé par la collaboration que par la solitude créatrice. C'est un choix politique.

- Vous êtes l'interprète principal des chansons de CARTON. Vous chantez depuis longtemps ?

- Ça ne fait pas très longtemps que j'ai eu envie de chanter une chanson d'un bout à l'autre sans m'arrêter. J'aime bien les écrire parce que ce sont des petites formes, c'est ramassé, c'est tout le sens contenu dans une fraction de temps très court.

- Pensez-vous sérieusement rejoindre la variété française ?

- La variété française c'est vaste. Quand on dit variété française on pense toujours à faire de l'argent, ce qui n'est pas exclu, loin de là, mais ce n'est pas la question. C'est ma culture. Elle va de Dranem à Catherine Ringer en passant par Schönberg et Thelonious Monk.

- Schönberg, Monk, ce n'est pas de la variété française !

- Je ne suis pas un musicien traditionaliste. Sans cosmopolitisme la culture dégénère. CARTON fait le point, il est un regard sur l'état de la musique aujourd'hui, c'est un terrain d'exploration pour de nouvelles possibilités de création. Le multimédia va favoriser de nouveaux mariages, même contre nature, et les possibilités de l'interactivité bouleversent les formes de composition traditionnelle. Pour plusieurs chansons de l'album Jean-Jacques a aussi utilisé des logiciels d'intelligence artificielle, c'est très excitant.

- Vous voulez dire que c'est la machine qui a écrit la musique ?

- Pas plus que le violon n'écrit le concerto ! Souvent l'idée première est donnée par Jean-Jacques qui écrit les paroles, elles deviennent de la musique, ensuite on s'accorde, et on corrige, c'est un peu du ping-pong entre nous. Quelquefois je change un mot, et Jean-Jacques Birgé organise les timbres. J'ai du mal à finir un morceau. Quand il est achevé il ne m'appartient plus, c'est un drame.

- Comment avez-vous procédé pour enregistrer CARTON ?

- L'idée de départ c'était d'écrire des chansons mais pas du tout d'en être les interprètes. On n'a trouvé personne, on l'a fait nous-mêmes, c'est venu progressivement. On a fait une maquette pour faire entendre les chansons. On l'a peaufinée. On n'est jamais si bien servi que par soi-même...

- Vous avez un sacré passé dans le monde de la chanson.

- J'ai fait le métier de studio à une certaine époque, ce qui m'a donné l'occasion d'enregistrer avec beaucoup de gens intéressants, arrangeurs, compositeurs, interprètes. J'ai quelquefois fait le nègre pour des tubes. Je ne me doutais pas que ça me resservirait plus tard.

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