Le dvd de Labyala Nosfell offre un concert complet au Botanique de Bruxelles, accompagné d'un paquet de boni tant vidéo qu'audio. Qui est Nosfell ? Je n'en sais rien, sauf que les yeux de Ludivine s'illuminèrent lorsqu'elle le compara à la nouvelle Camille. "Il faut les voir sur scène", dit-elle.
Les deux chanteurs utilisent leur voix de façon très originale. Si les paroles de Camille sont déjà mûres, celles de Nosfell ressemblent plutôt à du Kobaïen exilé en Irlande. Je commence par le point faible, ce côté BD "héroïque fantaisie" est un peu pompant à la longue et fait ressembler oklamindalofan à un jeu vidéo pour ados, lorsque Nosfell ne chante pas simplement en anglais. J'attends avec impatience de voir et d'entendre comment ce jeune artiste surdoué va mûrir, offrant peut-être un répertoire de sujets plus adultes, lorsqu'il se sera confronté au saut d'obstacles de la vie d'homme, et l'aura croisé avec son goût pour l'évasion fantasmagorique. Le maniérisme (seulement en scène, car à la ville, il n'a qu'un zozotement très courant chez de nombreux chanteurs actuels) de sa voix parlée (en français) fait plutôt penser à un bègue qui aurait vaincu son handicap, et qui s'épanouit dans une langue inventée (le Klokobetz), la répétition (pédale d'effets) et le chant, mais quel chant ! Grâce à une machine baptisée Repetto par son créateur Mathieu Pavageau, Nosfell échantillonne sa voix, la met en boucle, et rechante par dessus composant, couche après couche, un tissu dense de voix de haute-contre, de voix naturelle, de voix brisée et rauque et d'imitations de percussion extraordinaires (une des plus impressionnantes human drumboxes que j'ai pu entendre)... Il fait subir le même sort à ses deux guitares, tout comme son comparse, Pierre Le Bourgeois, à son violoncelle, soit la mise en boucles et coupes réglées de toute cette inventive pâte sonore. Aucun playback, seul l'enregistrement de séquences et leur restitution immédiate donnent à chaque concert une vision nouvelle. Camille et Nosfell montrent comment la chanson française s'empare enfin des recherches de la scène underground européenne, comme une Björk le fit de l'autre côté de la Manche ou de la Mer du Nord (on peut sentir l'Océan tout proche). Un potentiel énorme ! Nosfell nous rappelle parfois la grande Yma Sumac, tant Nosfell maîtrise cordes vocales, diaphragme et respiration ventrale (et dorsale !). Sans oublier tous les Phil Minton, Ghédalia Tazartès, Tamia, Frank Royon Le Mée, Greetje Bijma, Robert Wyatt, David Moss, Bobby Mc Ferrin, Klaus Nomi et tant de rappeurs. Sur son fil, Nosfell oscille entre Kabouki et Jim Morrison, avec des réminiscences de voix zoulou et des clins d'oreille vers le folk d'un Neil Young. Pour les amateurs, les boni audio sonnent bigrement comme de l'impro qu'une partie d'entre nous appelle jazz. Des compositions instantanées, dirai-je, duo superbe.
Mais Nosfell ne possède pas seulement une voix exceptionnelle (donc beaucoup de travail et de technique), c'est aussi un corps. Un torse nu, tatoué comme le dessin d'une île lointaine, une liane, un reptile qui se tord et se détord, glissant et s'écrasant sur la scène, pour se relever danseur de cordes... et mourir chaque soir.
Trois sites donnent quelques pistes à son mystère : www.nosfell.com, labyala.nosfell.free.fr, www.nostrumfellow.com.