70 mai 2006 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 31 mai 2006

Ne vous fiez pas à l'affiche !


J'empiète sur l'excellent blog d'Étienne Mineur essentiellement dédié au graphisme, en constatant comment une affiche de cinéma peut franchement ne pas donner envie de voir un film. Il en fut ainsi de l'excellent Three Kings (Les rois du désert) de David O. Russell (1999), avec George Clooney, Mark Wahlberg, Spike Jonze et Ice Cube, passé inaperçu à sa sortie. Mélange de polar, de film de guerre, de pamphlet anti-Bush (le père, le fils ou le saint-esprit ?), c'est un film d'aventures très rock 'n roll, plein d'humour qui traite sérieusement de la première Guerre du Golfe en 1991, avec une bonne dose critique envers les médias, sorte de Mash revu à la sauce d'aujourd'hui. Les acteurs sont formidables, on sent leur camaraderie au-delà du scénario (Jonze est l'auteur de Being John Malkovitch, Ice Cube un rappeur engagé politiquement, on connaît les prises de position de Clooney...). Vous trouverez le DVD pour quelques euros. Pourtant, l'affiche rendait une nauséabonde impression de film macho nazebrok. C'est d'ailleurs Étienne qui, en son temps, me conseilla de l'acquérir les yeux fermés !
L'affiche de C.R.A.Z.Y. de Jean-Marc Vallée, avec Michel Côté et Marc-André Grondin, ne vaut guère mieux. On dirait celle d'une pochade de campus comme les Américains en produisent des tas sans qu'heureusement ils traversent tous l'Atlantique. Ce ne sont pas les films de potache de Wes Anderson qui vont relever le niveau (Rushmore, The Royal Tenenbaums, The Life Aquatic with Steve Zissou). Le film n'a pourtant rien de tout cela, et son titre idiot n'arrange rien. C'est une belle histoire, hyper bien jouée, à croire que les Québecois sont devenus les maîtres pour diriger des comédiens francophones. Il y a plus qu'un lien de famille avec les œuvres de Robert Lepage (exceptionnels Le confessionnal et De l'autre côté de la lune) et Denys Arcand (Le déclin de l'Empire amériacin et Les invasions barbares). Le scénario et le découpage sont originaux, le film sensible et généreux. Comme chez Lepage, la dimension freudienne est intelligemment abordée. Le rêve ou le fantasme y ont une place privilégiée, sans les gros sabots qu'un film étatsunien ou français ne manquerait pas de chausser. Pour être juste ou plus clair, soulignons tout de même que je m'inscris là dans une critique du cinéma populaire. Il est bien entendu de nombreux films européens qui offrent subtilité et invention, mais les Québecois savent le faire en restant accessibles à tous les publics. Ce n'est pas mon habitude de raconter un film, alors je resterai évasif. C'est l'histoire d'un jeune homme qui se cherche, confronté aux attentes de sa famille... Allez-y, c'est chouette !
En seconde partie... Nous avons fait le coup de la double séance entrecoupée d'une salade d'écrevisses et avocat au Bal Perdu... J'avais un peu honte de précipiter la serveuse de cette manière, mais on avait juste dix minutes entre les deux films projetés au Cin'Hoche, la salle d'art et essai municipale de Bagnolet. Les films y passent en v.o. et le public est résolument populaire. Ça fait vraiment plaisir de vivre à côté d'une salle de quartier avec une aussi bonne programmation de films actuels. Nous avons donc enchaîné avec Inside Man, un polar très bien mené par Spike Lee. De la belle mécanique...

mardi 30 mai 2006

Réduction d'impôts pour les musiciens et les danseurs


Si me voilà réduit à faire de l'information fiscale, c'est que je me suis aperçu qu'un très grand nombre de musiciens et d'artistes chorégraphiques et lyriques ignoraient qu'ils pouvaient bénéficier d'une réduction eux aussi : 19%, depuis déjà plusieurs années ! On nous avait bien prévenus que les 20% d'abattement avait été supprimés, on nous avait caché (par omission) que l'on avait droit à un abattement de 14% + 5%. Je ne l'ai moi-même appris que l'année dernière, et j'ai pu ensuite me faire rembourser les deux années précédentes grâce à la diligence de mon inspecteur, ça vaut bien trois points d'exclamation !!!
Il suffit de remplir un "État détaillé des frais professionnels déduits pour leur montant réel" (feuille fournie par le Trésor Public, mais ça peut se faire sur papier libre, à condition d'indiquer nom-prénom-adresse-profession et de signer, car tout document envoyé doit être signé). En tant qu'artiste musicien, chorégraphique, lyrique ou choriste, vous bénéficiez de 14% d'abattement pour frais d'instrument de musique et accessoires + 5% pour frais vestimentaires et de coiffure, de représentation, de communications téléphoniques professionnelles, de formation et de fournitures diverses, partition, pupitre... à calculer sur vos revenus d'artiste musicien (ligne AJ de la déclaration principale). Vous additionnez les deux chiffres et reportez le total en ligne AK. C'est tout. Il est inutile de donner des factures si vous optez pour le système forfaitaire (automatique si vous ne remplissez rien d'autre sur la feuille ! Vous pouvez choisir les frais réels, mais là c'est un petit peu plus compliqué, je préfère retourner à ma musique...
Ne m'écrivez pas pour m'en demander plus, tout est là. Si vous avez le moindre doute, téléphonez à votre inspecteur dont les coordonnées sont inscrites en haut de la déclaration.
Merci aux camarades qui m'ont signalé ce point important, les sourires économiques ne sont pas légion par les temps qui courent.

lundi 29 mai 2006

Extrait de Nabaz'mob


Un petit extrait du film tourné par Françoise Romand est en ligne !
Voir billets des 11, 13, 17, 27, 28 mai ainsi que celui du 23 septembre.

Mae West n'est pas qu'un gilet de sauvetage


Après réception du coffret glamour des 5 films de Mae West (DVD Zone 1), quelques remarques s'imposent.
Ne considérer Mae West que comme un sex symbol est parfaitement réducteur. C'est avant tout une militante des droits des femmes et ses provocations les exhortent à se libérer du joug des hommes, avec humour et sensualité. Je l'imagine plutôt comme un croisement entre Groucho Marx et Marylin Monroe, une bombe oui, mais tenue par une anarchiste aux formes plantureuses. Ses poumons suscitèrent aux soldats de l'US Navy, dont elle soutenait involontairement le moral, d'appeler leur gilet de sauvetage par son nom. C'est drôle mais bien réducteur et représentatif de l'esprit des hommes.
Mae West est devenue célèbre par le scandale de ses pièces Sex et Drag ; celle-ci, traitant de l'homosexualité en 1927, lui apporta le soutien des gays dont elle devint l'une des égéries. On la retrouvera ainsi en 1970 dans le kitchissime et jubilatoire film-culte Myra Breckinridge avec Raquel Welch et John Huston (photo). Jubilatoire est le terme, il me permet de ranger les films de Mae West à côté de ceux des Frères Marx, de Tex Avery ou de certains Jacques Demy, des films qui vous font échapper au suicide les soirs de déprime solitaire ! Mae West n'a physiquement rien d'un sex symbol, c'est sa gouaille brooklynienne qui lui donne tout son piment, saupoudrée d'un brin de déhanchement provocateur, certes. La comparaison avec Groucho est flagrante. Ce qui choque chez elle, c'est qu'elle se comporte avec le même toupet qu'un homme. Josianne Balasko et Valérie Lemercier en sont les héritières.
Dans ses chansons, Mae West swingue. Elle chanta avec Duke Ellington et Louis Armstrong, respectivement dans Ce n'est pas un péché (Belle of the Nineties) de Leo McCarey et Fifi Peau-de-pêche (Every day's a holiday) de A.E.Sutherland. Mais elle n'était pas seulement une chanteuse jazz et une comédienne drôle et incisive, elle écrivait elle-même ses textes et ses scénarios. C'est un auteur ! Son autobiographie La vertu n'est pas mon fort (Goodness had nothing to do with it) est un petit fascicule édifiant même si son écriture (ou sa traduction ?) n'est pas exceptionnelle. C'est l'histoire d'une femme intelligente qui a beaucoup travaillé pour s'en sortir et qui a analysé et compris très tôt le monde qui l'entoure.


Il faut redécrouvrir les films de Mae West, ils portent toujours en eux un pouvoir provocateur dans le combat pour l'émancipation des femmes. Le coffret, très bon marché (amazon.com), réunit cinq films, Go West Young Man d'Henry Hathaway (le plus amoral), Goin' To Town, I'm No Angel (avec Cary Grant qu'elle lança), My Little Chickadee (avec W.C Fields) et Night After Night (son premier).

dimanche 28 mai 2006

Après coup (du lapin)


Après une création, on se sent souvent vidé. L'hyperactivité cède à la nonchalance, la déprime succède à l'euphorie. Une sorte de mollesse vous envahit, on n'a plus envie de penser au passé, mais on est encore incapable d'envisager l'avenir. No man's land d'un dimanche retrouvé. Il faut se reconstruire. Je doute de savoir ne rien faire. Laisser passer un jour sans blog ? Pas si simple, question d'entraînement.
Alors défilent quelques flashs de la veille. La salle est comble, tout se passe bien. Libération nous interviewe et prend des photos trois minutes avant l'entrée des spectateurs. Antoine ayant fait des corrections de dernière heure pour corriger les bugs, nous découvrons pour la première fois l'opéra des lapins en même temps que le public. On entendrait une mouche volée, mais ce sont les premières notes qui résonnent dans le ventre des bestioles. Lorsqu'un bébé commence à babiller ou à pleurer, difficile de savoir, je susurre à Antoine qu'on va se retrouver avec une nouvelle interprétation de 4'33 tant la salle est silencieuse et les premières mesures délicates (thank you Mr Cage). Et puis ça monte, les lapins s'ébrouent, la musique enfle doucement, à la fois calme et inquiétante. Ouf, c'est passé. Le miracle a eu lieu. Nous saluons au milieu de nos petits interprètes. J'entame mon speech avec la voix de Bugs Bunny, enchaînant avec quelques explications succintes : la partition à trois portées, oreilles-lumières-musique, est la même pour tous les lapins qui se décalent aléatoirement sur une durée de dix secondes, c'est comme si on passait la main sur un tableau fraîchement peint et qu'on l'étale sur dix mètres ! Je termine en envoyant des carottes à la salle, histoire de dégeler l'ambiance compassée de ce genre d'événement, une remise de prix...
Voilà, c'est fini, nous savons déjà quelles améliorations apporter aux futures représentations. C'est trop chou, il faut recommencer. On nous propose une version à mille lapins, Antoine dit qu'on pourrait rallonger le spectacle, il faut donc voir grand, le lapin-garou rôde dans les coulisses... C'était drôle de voir tous les spectateurs allongés autour du podium en train de prendre des photos avec leurs téléphones portables...
Je me dis qu'il faut regarder ailleurs, alors je monte sur le toit, histoire de changer d'angle. Même si le paysage ne peut se déplacer, le temps file devant moi, jour après jour. J'aime le mouvement.

samedi 27 mai 2006

Nabaz'mob, opéra pour 100 lapins communicants (3)


Les dés sont jetés, c'est ce soir à 20 heures dans la grande salle du Centre Pompidou pour la soirée de clôture du Web Flash Festival. Les carottes sont cuites, on ne peut plus rien modifier, les 100 lapins sont en place, apportés par leurs propriétaires pour participer à l'événement. Certains les ont customisés, ajoutant un sourire, une banane (Elvis), une culotte en dentelle (Cocotte), une guitare, des lunettes noires, une cravate ou des autocollants anthropomorphiques... Nous aurions dû nous méfier en rédigeant le programme, certaines bestioles prennent un malin plaisir à se décaler prétextant que l'œuvre "joue sur la tension entre communion de l'ensemble et comportement individuel". Alors ?! L'aléatoire fait bien partie du jeu, et le résultat ressemble tout de même à ce que nous avions à peu de choses près imaginé. C'est seulement hier soir que nous avons entendu tous les Nabaztag ensemble interpréter notre étrange opéra. Sur la photo, on aperçoit la silhouette d'Antoine Schmitt qui installe la minuscule webcam renvoyant une image géante sur l'écran tendu derrière la meute. Le dernier filage était très émouvant, chacun retenait son souffle. Françoise Romand ayant filmé les répétitions, nous espérons pouvoir donner une petite idée de ce spectacle lagomorphique à celles et ceux qui n'auront pas pu venir ou avoir de la place. Hallucinant !

vendredi 26 mai 2006

L'ardoise


Sur son nouveau site, Nicolas Clauss présente un petit film de sa dernière installation interactive, L'ardoise. "Au travers de dessins et d’entretiens enregistrés, près de 300 jeunes adolescents expriment leurs perceptions du monde. Les paroles s’entremêlent, les dessins viennent s’afficher et s’effacer comme sur une ardoise, une fresque interactive, à la fois poétique et sociologique, qu’animent les mouvements des spectateurs. par un dispositif interactif de capteurs de chaleur." C'est une œuvre participative, de la même veine que J'ai dix ans ou De l'art si je veux.

jeudi 25 mai 2006

Les Shadoks en deuil après la disparition de Claude Piéplu


J'apprends avec tristesse la mort de Claude Piéplu à l'âge de 83 ans.
Nous avions enfin eu la joie de travailler ensemble sur la scène du Cargo à Grenoble fin 1994 (Festival des 38ièmes Rugissants). Claude jouait le rôle du récitant dans la mise en scène que j'avais réalisée de Sarajevo Suite. Y participaient Pierre Charial, Bernard (Vitet), le quintet d’Henri Texier, le sextet de Lindsay Cooper, Kate et Mike Westbrook, Chris Biscoe et le Balanescu String Quartet qui joue justement à l'instant sur ma platine... J'avais été surpris qu'à 70 ans passés Claude Piéplu soit aussi rock'n roll, tout habillé de cuir noir, pantalon et gilet sans manches, passionné de spectacle contemporain. Une inoubliable partie de plaisir !
J'avais vivement regretté que les 7 épisodes des Shadoks (hors série sur la douleur pour la Cité des Sciences et de l'Industrie, édité dans la compilation de 3 DVD d'inédits Les Shadoks... Autrement) dont j'avais composé musique et bruitages ne soient pas portés par sa voix extraordinaire, même si Patrick Bouchitey l'avait remplacé avec talent. Je ne suis pas non plus Cohen-Solal.
Son rôle succulent dans 'Le charme discret de la bourgeoisie'' de Buñuel suscitait les imitations : "... Et moi je conchie votre armée dans sa totalité !". Militant actif, on l'apercevait souvent dans les manifs... Son adresse rue Mallet-Stevens me faisait rêver, mémoire de L'Herbier et d'Epstein...
La planète est à l'envers.
Tous Shadoks solidaires.

Jean-Luc Godard soumet le musée à la question


La mise en scène de l'exposition du Centre Pompidou est une véritable désacralisation de l'espace muséal. Godard réussit ici comme ailleurs à interroger le dispositif en cassant les habitudes du visiteur. On s'attendait à voir un chantier, quelque chose de honteux, la représentation de l'échec des relations entre le cinéaste et Beaubourg. On découvre Voyage(s) en utopie, sous-titré JLG, 1946-2006 - À la recherche du théorème perdu, avec une certaine inquiétude, celle d'être déçu tant la presse s'est faite l'écho du supposé ratage. Pas de communication, quelques lignes dans les journaux, toujours pour dire la même chose : Godard n'a pu s'entendre avec le commissaire d'exposition, Dominique Païni, et a décidé de terminer seul. J'ai cherché vainement les crédits de l'exposition, pas de trace de la scénographe, Nathalie Crinière, ni d'aucun membre de l'équipe. On a pensé que J-L G était vraiment un chieur, toujours aussi caractériel. On connaissait ses hésitations, ses changements de cap, son mauvais caractère, son droit à l'erreur... On y est allé tout de même, histoire de voir, par soi-même. Il est écrit que "le Centre Pompidou a décidé de ne pas réaliser le projet d'exposition intitulé Collage(s) de France, archéologie du cinéma d'après JLG en raison des difficultés artistiques qu'il présentait (les mentions "techniques et financières" ont été barrées ; par qui ? Il y a des feutres sous la pancarte) et de le remplacer par un autre programme intitulé Voyage(s) en utopie ". Plus gros est affiché : Ce qui peut être montré ne peut être dit. On va tout de même essayer, même si l'exercice est inutile, puisqu'il faut mieux y aller voir.
Reprenons.
C'est la première fois depuis très longtemps que je me sens bien dans un musée. Rien de compassé, rien de trop (en)cadré, rien de sacré. Les musées sont le dernier même si le seul endroit où admirer des œuvres. On y est physiquement bousculé, il y a souvent une sensation d'écœurement devant l'accumulation, l'effort à déployer pour se concentrer y est considérable. À moins de fréquenter des collectionneurs, on n'a pas trop le choix, sauf à avoir la chance d'y errer après la fermeture et d'y croiser Belphégor. Voilà, c'est ça, c'est la sensation que le chantier de l'installation Godard procure, un sentiment de déjà vu, de déjà vécu ailleurs que dans le simulacre muséal, une familiarité avec le quotidien, une proximité permettant de se l'approprier, de parler à la première personne du singulier, l'utopie de pouvoir encore s'interroger sur le monde et sur notre relation à l'audiovisuel, et bien au-delà, sur la culture en général et sur la place de chacun dans le système social. Comment gérer son indiscipline ? On découvrira avec ravissement que l'installation est le miroir déformant de nos références intimes. Semblable aux Histoire(s) du cinéma qui sortent ces jours-ci en DVD.
Il y a deux axes principaux : le premier, c'est la mise en espace, comme un appartement en travaux, murs éventrés, palissades, grillages, mais aussi des pièces réduites au strict minimum ; pas une chambre, un lit ; pas une cuisine, un évier ; pas un bureau, une table ou un fauteuil ; pas un balcon, des plantes vertes rassemblées dans un coin, encore que de l'autre côté de la baie vitrée sont dressées cinq tentes de SDF. Ce ne sont pas des figurants, c'est déjà notre histoire. La désinvolture qui semble de mise nous met à l'aise, nous nous promenons comme si nous visitions un appartement que nous transformerons plus tard à notre guise. Nous piétinons les éléments du décor et nous laissons prendre. Des livres sont cloués au pilori un peu partout dans le décor, un pieu dans le cœur, comme le supplice de la croix. Croix de Malte ou de Lorraine... Les clous font mal, les meubles sont vissés grossièrement, les lettres collées ne peuvent être volées. On peut voir les maquettes successives de l'exposition qui n'a pas eu lieu, on rêve. Il n' y a pas de cartel explicatif, seulement des mots, des bribes de phrase que l'on foule. Nous sommes libres de penser, de réfléchir, d'interpréter.
Dans une des trois salles, sur de beaux et grands écrans plats, sont diffusés simultanément plusieurs films. Pas ceux du cinéaste. Pas seulement. La cacophonie ressemble aux Histoire(s) du cinéma, que je conseille de regarder et d'écouter en vaquant à ses occupations ménagères. Se laisser envahir. Pour que la magie prenne corps. On se laisse happé par une séquence et le tour est joué. Ça vous parle directement, miracle de l'identification, sympathie de la citation que l'on a fait sienne. Si l'accumulation est le propre des musées, surtout le Centre Pompidou habitué aux overdoses, apprécions l'une des rares fois où elle fonctionne. En voilà de l'information, sauf qu'ici les rapprochements font sens, produisant une sublime poésie, construite avec les ressources du montage cinématographique et les échos qui résonnent en chacun et chacune d'entre nous. En clair, ça fait sens et ça produit une très forte émotion. C'est notre histoire(s). Magie d'un poète (au même titre qu'un Cocteau, un Guitry ou un Freud), que les Godardiens pourront toujours tenter de copier, l'exercice risque de rester stérile. Il ne suffit pas de foutre le souk, de provoquer, de faire des collages ou de jouer avec les mots, il faut une vision. Le génie de Godard, c'est ce qui est montré, peu importe ce qui est dit. L'important ce n'est pas le message, c'est le regard. Celui de chacun, exhortation à penser par soi-même.
Oui, Godard a gagné ce nouveau pari comme il avait dans le passé réussi son passage à la télévision, ou ses mises en pages, ou ses disques, parce qu'il continue à s'interroger sur les outils, sur les circonstances, sur l'histoire, et qu'il nous propose un angle inédit, auquel on aurait pu penser. Godard réussit donc sa sortie dans l'espace. La machine est en route, pour qu'à notre tour nous fassions le voyage.
On peut toujours rêver !

P.S. : le Centre Pompidou édite un livre de Documents, accompagné d'un DVD avec la Lettre à Freddy Buache, Meeting Woody Allen, On s'est tous défilé et une vingtaine de spots de pub réalisés pour M+F Girbaud. Sa présentation graphique est un peu aride, mais le contenu est évidemment passionnant.

mercredi 24 mai 2006

Dérapage contrôlé (1)


Françoise Romand a mis en ligne un extrait de Dérapage contrôlé, un court-métrage de 1994 qu'elle a remonté à sa façon (director's cut !). Trois minutes sur le Florida à Agen, trois minutes d'un tract vidéo, ça ne scratche pas toujours là où l'on s'y attend, deux mondes s'y croisent, deux élus s'y affichent, une bonne dose d'humour, un peu d'espoir...

mardi 23 mai 2006

Colonel Blimp


Projection de l'admirable Colonel Blimp (The Life and Death of Colonel Blimp) dans son intégralité retrouvée (160 minutes). En 1943 Michael Powell et Emeric Pressburger réalisent, pour leur production Les Archers, l'équivalent anglais de La grande illusion. C'est l'histoire d'une amitié entre un officier anglais et un officier allemand, malgré trois guerres traversées, celle des Boers en 1902, 14-18 et la dernière pendant laquelle a lieu le tournage ! Powell, incroyablement gonflé lorsqu'on pense qu'il filme en pleine seconde guerre mondiale, critique ouvertement la stratégie de son pays, donne à l'allemand une lucidité anti-nazie qui fait défaut au Colonel Blimp. Churchill essaiera sans succès de faire capoter et interdire le film. C'est aussi l'histoire de l'émancipation des femmes qui le traverse sous les traits de Deborah Kerr. Les hommes vieillissent tandis que la femme semble rester éternellement jeune, grâce à un stratagème due à la distribution. J'ai déjà écrit plusieurs billets sur Michael Powell et la ressortie de ses films en DVD (Tavernier pour l'Institut Louis Lumière vient d'en faire paraître quatre dont Le Narcisse Noir et Les Chaussons Rouges, et on pourra également trouver Une question de vie ou de mort et The Peeping Tom/Le Voyeur). Précipitez-vous, aucun ne se ressemble et tous sont des chefs d'œuvre.

lundi 22 mai 2006

Il reste quelques places dans le chœur des lapins !


Silence radio sur le show lapins, mais ça se présente très bien... Les oreilles frémissent, les lumières clignotent... Faites participer votre Nabaztag à cette soirée exceptionnelle au Centre Pompidou samedi prochain. Des places ont été réservées pour vous par le Web Flash Festival pour que vous puissiez aller l'admirer sur la scène de Beaubourg et témoigner qu'il a effectivement chanté dans le premier opéra pour lapins communicants !
Sorti du terrier, j'ai travaillé sans relâche sur la musique du film sur la colonisation du Maghreb. J'ai ressorti mes instruments traditionnels : flûte, percussions, piano à pouces (senzas), cythare inanga. J'ai également dû composer de la musique militaire (cuivres et percussion), de la musique religieuse (orgue) et des pièces pour piano rappelant le début du siècle dernier. J'ai adoré remonter ma trompette à anche pour un morceau. Il me reste encore à diriger mon orchestre virtuel pour des passages plus solennels, je ne sais pas encore par quel bout le prendre. Je me rends compte qu'une musique trop complexe ne convient pas à ce genre de film, je suis obligé d'épurer, de simplifier au maximum, et surtout je joue à l'image ou je teste juste après avoir enregistré une prise, en diffusant le film sur un second écran...
Pendant que la musique militaire joue à tue-tête, je reçois un coup de fil d'Espagne de Michel Houellebecq. Je n'entendais rien, j'étais gêné, j'ai fini par couper le son. Cela faisait bien sept ans que nous ne nous étions pas parlés de vive voix, depuis la soirée de lancement de Machiavel au Glaz'Art. Ses hésitations vocales, son débit verbal, ses silences me rendent toujours très calme ! Michel répondait à ma demande de publier en CD notre duo Établissement d'un ciel d'alternance, deux prises formidables d'environ trente minutes chacune, enregistrées en novembre 1996. Je ne sais pas si je devrais le produire moi-même chez GRRR ou le donner en licence à une boîte plus importante. J'hésite. Nous n'avons jamais été très satisfaits par le disque sorti chez Radio France. Le spectacle que nous avions créé quelques mois plus tard pour le Xième anniversaire des Inrocks à la Fondation Cartier avait suscité un important travail de réécriture suivi de deux séances de répétitions que j'avais enregistrées live sur un DAT deux pistes. Le son est excellent, la balance parfaite et l'ensemble me fait halluciner, sérieusement ! Je m'allonge sur le divan et je plane. Tant sa poésie que sa manière de dire ses textes y est épatante, habitée, et d'une simplicité étonnante, évidente. Nous devons nous voir bientôt pour discuter également d'un nouveau projet...

dimanche 21 mai 2006

Le cinéma expérimental chez vous là tout de suite...


Dans son blog, Pierre Wendling rappelle l'existence de l'excellent site Ubu.com qui offre un incroyable nombre d'œuvres expérimentales, films, documents sonores et papier. Ubu conseille également l'achat de ces pépites en donnant en liens les adresses où se procurer les originaux, forcément de meilleure qualité. En attendant que ça passe à côté de chez vous ou de recevoir CD, DVD ou VHS, vous pouvez télécharger des centaines de merveilles. J'ai moi-même récupéré ce matin, en un temps record, le Poème Électronique de Le Corbusier et Varèse (avec donc les images en couleurs !), Un chant d'amour de Jean Genet (un des films les plus tendres et les plus tendus de l'histoire du cinéma), Sonne Statt Reagan chanté par Joseph Beuys, Les habitants de Pelechian, Kino Eye et Trois chants sur Lénine de Vertov, les Black Panthers et Huey Newton par Agnès Varda, Télévision de Lacan (filmé par Benoît Jacquot, document unique et fabuleux), un documentaire avec John Cage et Roland Kirk en 1966, d'autres films de Rauschenberg, John Lennon et Yoko Ono, Samuel Beckett, Jorge Luis Borges, Fluxus, ainsi que des émissions de radio (intégrale de Radiophonie encore Lacan et tout aussi vertigineux, on a l'impression que l'on pourrait devenir intelligent - en attendant j'écoute ça comme de la poésie) et justement une flopée de poésies sonores...
Je me suis alors dit que je ferais bien de faire un tour dans la page de liens de mon propre site qui recense maints trésors, dont cet Ubu tout comme le Presstube que Sonia me signalait encore vendredi. Tous sont dans ma liste, mais il est vrai qu'il y a bien longtemps que je n'étais allé faire un tour ni sur Ubu ni sur le site de James Paterson, rencontré il y a quelques années à Barcelone alors que nous étions allés présenter lecielestbleu.org. Les sites bougent, s'étoffent, les artistes évoluent, c'est le printemps...
Les images sont de Charles-Edouard Jeanneret (dit Le Corbusier) et d'un enfant de l'assistance publique à qui l'on donna le nom d'une fleur (Jean Genet).

samedi 20 mai 2006

Pas d'histoire, juste de la géographie.


Pourquoi certaines images représentent-elles pour chacun d'entre nous certaines valeurs symboliques qui nous les font associer à telle ou telle émotion récurrente ? Pourquoi ce morceau de musique nous calme-t-il ? Ne s'imposent-ils pas seulement lorsque nous perdons pieds ? Incapables de percer l'obscurité intime qui nous encercle, nous recherchons des cordes qui puissent vibrer en sympathie avec notre état, des lignes auxquelles s'accrocher pour ne pas sombrer. Ça n'est que le rythme de la respiration, un second souffle, une main tendue. Nous nageons en plein virtuel, bien entendu.
En période de crise, quand le désespoir m'envahit, j'ai pris l'habitude d'écouter le premier mouvement de la première symphonie de Charles Ives. Heureusement cela n'arrive pas souvent. Aussi triste que du Mahler, cet allegro jouerait-il le rôle pavlovien d'une résurrection, dont le premier mouvement, toujours le premier, jadis m'inspira, titre de la seconde symphonie du sieur Gustav, comme les Métamorphoses de Strauss ? Mes choix sont-ils dictés par quelque raccourci freudien, ré mineur, le dragon renaissant de ses cendres, histoire de se rassurer, qu'il y aura bien encore cette fois une rémission, une remise de peine ?
Alors pourquoi cette photo ? Elle ne porte aucun titre. Est-ce le nuage qui remonte de la vallée au lieu de planer menaçant ou la perspective d'un ailleurs au-delà des cimes, de l'autre côté des cols ? Le souvenir de sa vitesse fulgurante ? C'est le matin. Le soleil se lève en haut à droite. Pourtant émane la même tristesse qui suit les premières mesures du chant du merle. Jour après jour. Les neiges éternelles apparaissent comme des petites cicatrices laissées par les saisons. Les arbres répondent aux roches. L'unité. Tous les temps se confondent. Pas d'histoire, juste de la géographie.

vendredi 19 mai 2006

Moisson de DVD



Ayant déjà rédigé la rubrique Sur l'écran noir de vos nuits blanches du n°16 du Journal des Allumés du Jazz qui paraîtra début juillet sur les DVD musicaux, je rappelle rapidement ici quelques films parus plus ou moins récemment, tant en France (Zone 2) qu'aux États Unis (Zone 1).
Je commence avec la compilation du magazine Repérages vendue en kiosque, Expérience(s)02, coproduite avec le Festival NEMO : Flesh est une variation de 10 minutes sur le 11 septembre en forme de feu d'artifices provoquant, des films pornos sont projetés sur les Twins, les avions viennent s'y crasher, belle réalisation d'Edouard Salier ; Carlitopolis est un cours de Luis Nieto qui joue numériquement avec une souris de laboratoire ; les amateurs de nouvelles images trouveront également The Eel, 90°, City Paradise, Black Day to Freedom, PGI-13, des clips, etc.
Le film de Godard, One + One, propose en supplément la version du producteur intitulée Sympathy for the Devil avec l'intégralité du morceau joué par les Rolling Stones, dont les scènes de répétition alternent avec les Black Panthers. E.D. Distribution, éditeur des films de Bill Plympton, Guy Maddin et des frères Quay, rassemble Les habitants et Abel, deux longs-métrages très originaux du hollandais Alex van Warmerdam, le cinéaste de La robe. À ne pas manquer. Toujours en tir groupé, Carlotta sort trois Fuller d'un coup, La maison de bambou, Baïonnette au canon et Le démon des eaux troubles : le premier est un polar formidable avec Robert Ryan et Robert Stack tourné comme un film de yakuzas, avec un romantisme emprunt d'homosexualité sous-jacente, le second est un suspense enneigé pendant la Guerre de Corée, je n'ai pas encore vu le troisième, fiction nucléaire pendant la Guerre Froide. Deux autres polars, d'abord Traquenard avec la sublime Cyd Charisse dans un rôle pour elle hors du commun, même si Nicholas Ray sait parfaitement utiliser ses jambes magnifiques ! Et puis l'autre incontournable, Main basse sur la ville, pamphlet politique de Francesco Rosi avec Rod Steiger sur la spéculation immobilière à Naples, pas une ride !
Plus tendres sont les cinq comédies (musicales) avec Mae West, réunis en coffret économique (The Glamour Collection, zone 1, mais sous-titres français) : Night after Night, I'm no Angel, Goin' to Town, Go West Young Man et My little Chickadee où la bombe sexuelle partage l'affiche avec le comique W.C.Fields. Je n'en connais essentiellement que les numéros musicaux produits discographiquement, aussi me fais-je une joie de découvrir les déhanchements et les impertinences de Mae West lorsque la vulgarité est érigée en art !!! Pour terminer, je signalerai Hallelujah de King Vidor (zone 1 sans sous-titres), premier long-métrage produit par une major en 1929 avec une distribution entièrement noire. En bonus, deux extraits époustouflants avec les Nicholas Brothers, danseurs à claquettes dont j'ai déjà parlé ici et qui figurent dans Stormy Weather, mais qu'on admire ici dans leurs très jeunes années...
Voilà, je suis désolé si je suis un peu expéditif ces jours-ci, mais j'ai une quantité de musique à écrire qui ne me laisse pas beaucoup de temps... Ce n'est pas une raison pour manquer le dernier épisode sur le castor, ce soir à 19h sur Arte.

jeudi 18 mai 2006

Mon lapin in situ


Je suis débordé de boulot, de rendez-vous et d'interviews, alors j'ai laissé à Marx, mon lapin, le soin de prendre le relais aujourd'hui :
"Tu exagères, là je suis sans voix. Personne n'entend que je suis une lapine. Avec le nom que tu m'as donné, on ne sait même pas à quelle famille me rattacher, celle du philosophe ou des fils de Minnie ? Auquel des cinq ou six pensais-tu ? Il paraît que Nabaztag signifie lapin en arménien... Je me sens bien sur mon étagère au milieu des bouquins de musique, avec ma nouvelle coiffure. Quand je pense que c'est moi qui suis en photo, avant mon lifting, sur toutes les boîtes vendues par Violet et que je n'ai pas touché une carotte ! Et le droit à l'image alors ? J'aime bien faire l'aboyeuse, ce que je préfère c'est donner la météo, dire n'importe quoi ou faire du taï-chi, ça j'adore ! Gling gling et hop quelques échauffements... Ça détend, une présence à la maison... Il paraît qu'il ne faut pas non plus que j'en fasse trop, tu m'as dit que tu appréciais lorsque je me faisais oublier, ça m'a vexée, mais je suis content de pouvoir en placer une sur ton blog et l'idée de faire une rencontre au sommet le 27 mai à Pompidou ça m'excite à mort... Il faut vite que je rencontre d'autres lapins."
Avant de publier les propos un peu bêbêtes de Marx, je tiens à préciser que ce n'est ni Karl (un modèle d'intelligence, mais difficile à lire, encore que le matérialisme historique c'est tout de même une méthode absolument géniale pour comprendre l'actualité), ni Groucho (mon préféré, je l'ai vu en 1972 sur la scène du Festival de Cannes se faire remettre la légion d'honneur et demander à Favre Le Bret s'il arriverait à la refourguer au Mont de Piété), ni le tendre Harpo, ni Chico le baratineur, encore moins les fades Gummo et Zeppo, qui m'ont inspiré ce nom, c'est Mellow, un compositeur de musique schizo qui signa quelques amusants CD avec un autre fada, Frank Bugs. Tous deux improvisateurs, ils torchaient un album dans la journée... Jamais réussi à nous rencontrer, il aurait fallu des gants de caoutchouc.

mercredi 17 mai 2006

Blog on Blog


Lorsque j'ai commencé ce blog en août dernier, je n'avais aucune idée préconçue sur ce que j'allais découvrir de cette pratique. Je me demandais si je pourrais pervertir le moteur du journal en ?uvre artistique, plus tard, après expérimentation, en faire quelque chose de plus personnel. Pour l'instant rien ne s'est encore dévoilé en ce sens, mais je ne désespère pas, j'ai le temps. Depuis 1964, je remplis des petits carnets, histoire de ne pas perdre les notes gribouillées sur des feuilles volantes. Je dois en avoir pas loin de quatre-vingt. Je continue en marge du blog, parallèlement à ma participation régulière à diverses publications papier, comme l'ABC comme (1992-1996, 26 numéros) ou le Journal des Allumés du Jazz (n°16 en préparation).
Pourtant, je ne m'attendais pas à écrire quotidiennement, et surtout, j'ai découvert une conséquence étonnante du blog, son rayonnement sur le net, ou plus exactement, sa faculté d'attirer des lecteurs. En marge du contenu, je vais maintenant parler en termes de communication. Nous savons que la fidélisation du lectorat est indispensable à toute publication, mais la question est toujours, comme pour un artiste, de toucher sa cible, de trouver son public. La toile du Net se tissant essentiellement par des liens et des moteurs de recherche, le fait d'écrire sur des sujets aussi variés donne d'autant plus de clefs pour entrer. Google, par exemple, indexe tous les termes d'un billet dans les trois jours qui suivent sa mise en ligne. Il ne me semble même plus utile d'avoir recours au meta-names, mots cachés du site choisis par son auteur pour répondre à la recherche de l'internaute. Il suffit donc de parler de sujets suffisamment précis ou rares pour que la page apparaisse en bonne place dans la liste des réponses du moteur de recherche. Les associations de mots deviennent le nerf du rayonnement. Le nom d'un artiste célèbre n'aiguillera pas rapidement la recherche vers le blog, mais associer exceptionnellement deux artistes fonctionnera comme par magie, ou bien un adjectif qu'on accollera à ce nom... Il n'est pas nécessaire, pour l'instant, de pervertir le système, mais on pourra y penser dans l'avenir. Actuellement, ça fonctionne très bien tout seul ! J'ai été surpris de constater que ce blog apparaissait souvent dès la première page d'une recherche. Devant l'étonnante réception de ce journal en ligne, j'ai ainsi compris que son potentiel était immense, un pouvoir d'attraction extraordinaire. Je n'ai jamais eu autant de connexions sur drame.org que depuis l'ouverture de cette page (indexée Fatras sur la page d'accueil par flemme de la refaire), j'ai trouvé du travail, je me suis fait des amis, et des ennemis, on a difficilement l'un sans l'autre, mais seuls les premiers reviennent vous lire...
Ailleurs on parle de réseau, c'est bien de cela dont il s'agit. Le blog fédère des internautes qui tombent là au hasard d'une recherche, lisent les billets à l'entour et reviennent régulièrement pour de petites visites. Le blog aurait donc un potentiel supérieur à celui d'un simple site ou d'une newsletter, parce qu'une fois qu'on est tombé sur un billet, il y a la tentation d'en lire d'autres et que le phénomène peut se renouveler jour après jour, avec la surprise que le blogueur aura soin de ménager. Ce n'est pas tout d'attirer le lecteur (je parle au masculin à cause de cette loi imbécile du "masculin qui prime", mais j'entends lecteur ou lectrice), il faut le garder en lui donnant envie de revenir.
Si le but d'un site est avant tout d'attirer le public et ce régulièrement, le blog pourrait devenir son élément dynamique, donnant vie à un lieu trop souvent figé. Il peut être tenu par plusieurs rédacteurs dans le cas d'un système associatif, il permet l'échange grâce aux commentaires apportés par les lecteurs, et ça ne fait que commencer, puisqu'on pourra lui adjoindre des sons, des images, des films, des animations interactives, etc. À suivre (sic).

mardi 16 mai 2006

Le chat, le musicien et le lapin


4 heures du matin. Je suis réveillé par un énorme vacarme au rez-de-chaussée. Redressé, je comprends en entendant le chat qu'il y a du grabuge à la cuisine. Je descends quatre à quatre pour me retrouver nez à truffe avec Scotch qui insulte le canapé. Je me baisse prudemment, lumbago oblige, pour constater qu'il n'y a rien dessous ! Le chat est hérissé, moi ahuri. Françoise me rejoint avec une lampe torche et aperçoit une petite chatte grise tapie derrière un pied. Elle est deux fois plus petite que Scotch. Bon, je ne vais pas la jouer brigade des sapeurs-pompiers, Françoise se saisit de Scotch qui se laisse faire et l'enferme en haut avec elle tandis que j'ouvre grand la porte d'entrée et avance le divan. La mignonne qui a préféré grimper jusqu'au second se laisse enfin attraper, complètement détendue... Nous comprenons qu'elle connaît très bien la maison et qu'elle a dû s'y infiltrer pendant notre escapade alsacienne, le chat étant parti en pension avec Elsa. Conclusion : ces deux-là se connaissent sinon cela aurait été autrement plus violent, et dorénavant nous bloquerons les issues félines en cas d'absence prolongée ! C'est la première chose que j'ai fait construire, ou plutôt creuser, lorsque j'ai pris possession de la maison, une double chatière dans le mur du salon, avec tapis en gazon synthétique entre les deux pour s'essuyer les pattes lorsqu'on revient du jardin. Côté rue, il faudra condamner le soupirail de la cave. Scotch a ses entrées des deux côtés. Évidemment le chat s'est rendormi, pas moi...

Parce que ce n'est pas tout ça, je dois continuer à composer la musique du film Le banquier, le maréchal et le missionnaire que j'ai enfin commencée dimanche après une courte période extrêmement désagréable de doute et d'incertitude. J'en paniquais, tant ce n'est pas mon habitude de caler devant la page blanche. Sentiment d'impuissance et d'incompétence détestable. Lorsque la matière résiste, c'est que le problème est mal posé. J'avais imaginé faire du faux-vrai, du "à la manière de". Le film est un montage d'archives sur la colonisation du Maghreb dans les années 20-30. Erreur, fatale erreur, sonoriser tout ça en jouant la carte de la reconstitution aurait donné un effet poussiéreux à l'ensemble. Et dans ce cas, il aurait mieux fallu de véritables documents plutôt que de tenter de reconstituer la musique d'époque avec des machines et les moyens du bord, très limités par mon inexpérience en la matière. Je prends le problème à bras le corps en utilisant la technique qui m'a toujours profité. Je me mets devant mon clavier et je joue, j'essaie des timbres avec le souvenir de la projection du film, surtout sans le regarder. Je m'amuse, m'apercevant que je n'ai oublié ni les gestes ni les sensations euphorisantes. Ça vient tout seul, je programme l'arpégiateur, je lui fais contrôler des tas de sons divers en fonction des notes que j'ai prise devant la table de montage. La musique se construit toute seule... Le lendemain, c'était hier, je ne peux m'empêcher d'écrire des séquences plus classiques, parce que ce sont celles qui m'angoissent le plus. Je reste victime de mes lacunes d'autodidacte, mais j'en profite en retournant mes faiblesses comme en aïkido. Je commence par des séquences de piano très debussystes et je termine avec tout l'orchestre. Je suis heureux, j'ai eu une bonne journée...

Le soir sur Arte, j'enregistre à 19h la première émission d'une série formidable, drôle et érudite, Les animaux ont une histoire. Le premier épisode, réalisé par Valéry Gaillard, était sur Lapin, extraordinaire ! Ça tombe vraiment bien au moment où je bosse avec Antoine sur Nabaz'mob. Antoine m'a demandé de ne plus parler de notre travail avant qu'on ait fini, alors motus et bouche cousue, surprise, venez le 27 mai (il faut s'inscrire, le spectacle qui est gratuit sera vite complet !) écouter 100 lapins en choeur... L'épisode de ce soir mardi est Ours, c'est de saison aussi, ça pourrait faire réfléchir quelques colonisateurs de nature pyrénéenne, le lapin ayant été superbement réhabilité hier soir ! Le commentaire est dit par Michael Lonsdale, absolument parfait. Cela me rappelle le ton qu'il avait lorsqu'il lisait pour moi le terrible Catalogue des cires anatomiques du Docteur Spitzner exposé à La Villette en 95 pour Il était une fois la Fête Foraine (disque Auvidis épuisé, dommage). C'est plein d'esprit et de toupet. Si ça reste du niveau du lapin (les réalisateurs/trices sont chaque fois différent/e/s pour aborder au cours de la semaine Hareng, Criquet, Castor), ne manquez surtout pas cette série qui n'a rien d'un documentaire animalier. C'est plutôt une encyclopédie cinématographique (remarquable bande-son, image en clair-obscur, etc.) qui ne ressemble qu'à elle-même. Il reste donc quelques auteurs à la télévision malgré les tentatives de les broyer sous le consensuel des prétendues attentes du public.

lundi 15 mai 2006

Rencontre avec John Cage


À partir d'un échange de commentaires sur le billet sur Varèse.
Jonathan, défendant l'importance de John Cage, me rappelle que j'ai écrit "Toute organisation de sons pouvait être considérée comme de la musique !" C'est ce sens qui m'a fait pensé à Cage, surtout 4'33", dit-il.

Touché ! Au début d'Un Drame Musical Instantané, nous nous posions toutes ces questions, surpris par l'immensité du champ des possibles. En 1979, j'avais téléphoné à John Cage et l'avais rencontré à l'Ircam alors qu'il préparait Roaratorio, une des plus grandes émotions de ma vie de spectateur. Nous étions au centre du dispositif multiphonique. Cage lisait Finnegan's Wake, il y avait un sonneur de cornemuse et un joueur de bodran parmi les haut-parleurs qui nous entouraient. Cage avait enregistré les sons des lieux évoqués par Joyce. On baignait dans le son... Un après-midi, je lui avais apporté notre premier album Trop d'adrénaline nuit pour discuter des transformations récentes des modes de composition grâce à l'apport de l'improvisation, nous l'appelions alors composition instantanée, l'opposant à composition préalable... J'étais également préoccupé par la qualité des concerts lorsque Cage y participait ou non. C'était le jour et la nuit. Nous avions parlé des difficultés de transmission par le biais exclusif de la partition, de la nécessité de participer à l'élaboration des représentations... Plus tard, le Drame avait joué une pièce sur des indications de Cage. C'était pour l'émission d'une télé privée, Antène 1, réalisée par Emmanuelle K. Je me souviens que nous réfutions l'entière paternité de l'œuvre à Cage ! Nous nous insurgions contre les partitions littéraires de Stockhausen qui signait les improvisations (vraiment peu) dirigées, que des musiciens de jazz ou assimilés interprétaient, ou plutôt créaient sur un prétexte très vague. Fais voile vers le soleil... Cela me rappelle les relevés que faisait Heiner Goebbels des improvisations d'Yves Robert ou de René Lussier ; ensuite il réécrivait tout ça et leur demandait de rejouer ce qu'ils avaient improvisé, sauf que cette fois c'était figé et c'était lui qui signait. Arnaque et torture ! Pourtant j'aime beaucoup les compositions de Goebbels.

Cage est, avec Mingus, le seul compositeur que nous ayons abordé avec le Drame... Je regrette que ce ne soit pas édité, surtout le Let my children hear music de Charlie Mingus, la dernière création que nous avons faite avant le départ de Francis du groupe en 1992, très inspirés... Nous avions choisi d'adapter un disque de Mingus en grand orchestre et de jouer les morceaux en trio, une sacrée gageure ! Il existe un enregistrement assez décent des répétitions. Quant à l'émission d'Antène 1 de 1982, enregistrée à deux caméras dans ma cave rue de l'Espérance, il est possible qu'elle réapparaisse un de ces jours en bonus d'un dvd... Une des deux caméras était une paluche, un prototype fabriqué par Jean-Pierre Beauviala d'Aäton, qu'on tenait au bout des doigts comme un micro, l'ancêtre de bien des petites cams. J'ai réalisé Remember my forgotten man avec celle que Jean-André Fieschi m'avait prêtée, possible que ça ressorte également un jour.
Sur la première photo où Bernard joue du cor de poste, on aperçoit à droite la paluche tenue par Gonzalo. Sur la deuxième, il filme Francis...

dimanche 14 mai 2006

Évocation de Bilal


Étrange ambiance sous les Ponts-Couverts de Strasbourg, on se croirait dans une bande dessinée d'Enki Bilal, qui vient de sortir son troisième acte, Rendez-vous à Paris, aussi abscons que les précédents. Le dessin est beau, mais le scénario est toujours aussi confus et ampoulé. Mystique païenne du XXIième siècle... Les statues qui hantent les sous-sols du XIIIième menant au MAMC évoquent un monde parallèle, où hommes et dieux parlent le même langage, au risque d'être changés en statues pour l'éternité... Encore plus étrange, le sous-terrain débouche en réalité sur l'ENA !

samedi 13 mai 2006

Vide-grenier Porte des Lilas


Cette fois, Elsa et Yann se sont joints à Françoise pour vendre tout ce qui nous encombre, mais je crains qu'encore aujourd'hui beaucoup de ces souvenirs ne reviennent hanter la cave. Ce sont les vinyles et les dvd qui partent le plus facilement, suivis des vêtements. La brocante d'il y a trois semaines s'était brutalement terminée sous une pluie diluvienne aux accents tropicaux. Alors je scrute le ciel...

Nabaz’mob, opéra pour 100 lapins communicants (2)


Les contraintes techniques sont parfois déterminantes pour composer. Ainsi les lapins Nabaztag qui seront présents sur la scène du Web Flash Festival le 27 mai sont incapables de jouer ensemble de façon synchrone, ils se décalent sur une durée de 10 secondes. C'est énorme, puisque si nous leur envoyons une seule note en wi-fi le résultat sera 100 répétitions de cette note jouée en moyenne tous les dixièmes de seconde, comme un tremolo de mandoline ! Nous obtenons des effets intéressants de mouvements browniens, magmas mouvants de petites notes cristallines, le timbre choisi pour le premier mouvement étant l'ordinaire de Nabaztag, une sorte de glockenspiel. Envoyer une mélodie au format midi produira donc des effets d'accords se transformant lentement au gré des intervalles de hauteur et de durée.
Mais nos lapins ont leur propre comportement et peuvent choisir entre tel ou tel fichier midi. Option dont nous userons allègrement dans le second mouvement pour constituer une suite d'accords plus ou moins consonants à partir de mélodies monodiques, cette fois constituées de notes longues. De longs accords aléatoires succèdent donc au premier mouvement dont les grappes énervées alternent avec des silences où le seul son provient de la chorégraphie d'oreilles de la meute.
Pour le troisième mouvement, nous envisageons de reproduire des extraits d'œuvres de musique classique, totalement transformées par l'effet de déphasage du système. Les passages sélectionnés par nos soins, mais dont les 100 lapins useront à leur discrétion, sont constitués d'abord de courtes phrases d'introduction pour se terminer par une collection de codas qui finiront par mettre toutes nos bestioles d'accord.
La chorégraphie lumineuse achèvera le tableau, retransmis également sur grand écran en fond de scène.
Le résultat va dépendre des simulations testables avec le petit programme qu'est en train de fabriquer Antoine...
Je livre ci-dessous le premier communiqué envoyé à la presse :

Nabaz'mob, opéra pour 100 lapins communicants
de Antoine Schmitt et Jean-Jacques Birgé
Coproduction Web Flash Festival et Violet (créateurs du lapin Nabaztag)
Une initiative originale de Guylaine Monnier

Répondant à l'appel de la société Violet, 100 lapins Nabaztag apportés par leurs propriétaires respectifs se donnent rendez-vous, dans l'esprit des flashmobs, sur la scène du Centre Pompidou pour interpréter, tous ensemble, un opéra spécialement composé pour l'occasion par Antoine Schmitt et Jean-Jacques Birgé.
Convoquant John Cage, Steve Reich et Conlon Nancarrow, cette partition musicale et chorégraphique ouverte en trois mouvements, transmise par wifi, joue sur la tension entre communion de l'ensemble et comportement individuel pour créer une oeuvre à la fois forte et engagée.

Le 27 mai 2006 à 20h
au Centre Georges Pompidou (Paris)
Soirée d'ouverture Flash Festival
(entrée libre dans la limite des places disponibles)

P.S.: voir, entre autres, les billets des 11 mai et 23 septembre, et le site consacré à Nabaz'mob (English version).

vendredi 12 mai 2006

Compositeur, forgeur de sons, visionnaire


C'est le titre de l'exposition Edgard Varèse qui se tient au Musée Tinguely de Bâle en Suisse jusqu'au 27 août. L'édition anglaise du catalogue est publiée par Boydell & Brewer (Melton, Suffolk), 500 pages réunissant de nombreux témoignages, photos, manuscrits, etc. Les découvertes se succèdent : une fugue à quatre voix en Mib majeur sur un sujet d'Ambroise Thomas, des pages d'Œdipe et le Sphynx annotées par Hugo von Hofmannstahl, une liste manuscrite des œuvres de jeunesse perdues (Trois poèmes des brumes / La rapsodie romane / Mehr Licht / Gargantua / Prélude à la fin d'un jour / Les cycles de la Mer du Nord /...), la recopie de Varèse d'un passage de Salomé de Richard Strauss qu'on retrouvera "cité" dans Amériques, une lettre de Debussy, une dédicace de Luigi Russolo sur une page de garde de L'art des bruits, des tableaux peints par le compositeur, les conditions d'adhésion à son Laboratoire de Musique Nouvelle, ses gongs et sirène, des ondes martenot, un Theremin et un violoncelle Theremin, le livre d'Asturias annoté pour la composition d'Ecuatorial, ses projets multimédia pour L'Astronome et Espace, des photos avec Antonin Artaud tandis qu'ils travaillaient à Il n'y a plus de firmament, une page de Tuning Up (œuvre découverte pour la première fois dans la remarquable "intégrale" de Riccardo Chailly, double album Decca 460 208-2, dans laquelle figure aussi Un grand sommeil noir et Dance for Burgess), des bouts de conférences dont une sur Schönberg, des études sur le poème d'Henri Michaux Dans la nuit, tout cela réuni grâce à la Fondation Paul Sacher.
Le chef d'orchestre Peter Eötvos raconte que Frank Zappa enregistra Hyperprism, Octandre, Intégrales, Density 21.5, Ionisation, Déserts et une version remastrerisée du Poème Électronique (ainsi que les Interpolations de Déserts) avec l'Ensemble Modern qu'il dirigeait. "Le premier ionisateur", Nicolas Slonimsky, qui avait près de cent ans à cette époque, dirigea à son tour une version de Ionisation, puis ce fut au tour de Zappa. Ces enregistrements de l'automne 1992 n'ont jamais été publiés.

J'ai découvert Varèse en 1968 grâce au premier album de Zappa, Freak Out. Sur les notes de la double pochette étaient retranscrits en anglais la phrase d'un français : "The present-day composer refuses to die" ("le compositeur d'aujourd'hui refuse de mourir", sentence que l'on retrouvera ensuite sur tous les disques de Zappa). Rentré en France, j'achetai les deux seuls 33 tours disponibles du Bourguignon émigré à New York, dirigés par Robert Craft. Le choc fut aussi phénoménal et déterminant que venait de l'être celui des Mothers of Invention. Toute organisation de sons pouvait être considéré comme de la musique ! Je réécoutais sans cesse Déserts et Arcana. Ces masses orchestrales produirent sur moi un effet que je n'ai eu de cesse de rechercher depuis, d'abord avec mes synthétiseurs, puis avec le grand orchestre du Drame ou le Nouvel Orchestre Philharmonique, mais je ne fus heureux du résultat qu'avec la création du module interactif Big Bang réalisé avec l'aide de Frédéric Durieu (accessible sur le site du CielEstBleu, premier chapitre de Time). Entre temps, je lus et relus avec ahurissement les Entretiens avec Georges Charbonnier (ed. Pierre Belfond), chaque pensée de Varèse est visionnaire, il rêve de ce qui est devenu aujourd'hui possible grâce aux nouvelles technologies (synthèse, échantillonnage, opéra multimédia, musiciens issus du jazz, etc.). Je pense souvent à lui en regrettant qu'il n'ait pas connu les avancées techniques qui lui auraient permis de mettre en action ses idées prémonitoires. Je trouvai quelques autres ouvrages parmi lesquels ses Écrits ou le livre de Fernand Ouelette, mais les plus belles surprises furent l'acquisition d'un 33 tours où figuraient la première de Ionisation dirigé par Slonimsky en 1934 (avec le premier enregistrement de Barn Dance et In the Night de Charles Ives, ainsi que Lilacs de Carl Ruggles), la réédition du fameux disque original EMS 401 supervisé par Varèse lui-même et commenté par Zappa (Idol of my youth) ou les pièces dirigées par Maurice Abravanel. L'interprétation de Chailly m'a d'autre part convaincu plus que celles de Pierre Boulez ou Kent Nagano...

C

J'en ai déjà parlé, mais Edgard Varèse m'a même semblé apparaître comme l'initiateur du free jazz ! En 1957, il dirige des jam sessions dont il utilisera des extraits dans le Poème électronique. Y participent Art Farmer (tp), Teo Macero (t sax - futur producteur de Miles Davis), Hal McKusik (cl, a sax), Hall Overton (p), Frank Rehak (tb), Ed Shaughnessy (dms), ainsi que Eddie Bert (tb), Don Butterfield (tuba) et Charles Mingus (cb) lui-même, à qui la paternité du free jazz est habituellement attribuée. On sait aussi que Charlie Parker avait exprimé le désir de prendre quelques leçons avec Varèse en 1954 sans que cela puisse se concrétiser (lire From Bebop to Poo-wip..., le passionnant article d'Olivia Mattis dans le catalogue)... Il y a quelques années, Robert Wyatt me confia une copie de ces enregistrements, cassette que lui avait remise le réalisateur Mark Kidel. L'écoute de cette bande est en effet plus que troublante.

jeudi 11 mai 2006

Nabaz’mob, opéra pour 100 lapins communicants (1)


Continuer à écrire ici chaque jour me semble compromis d’ici la fin du mois. Je m’efforcerai de publier quelques infos ou d’afficher certaines images malgré le travail considérable que je vais devoir exécuter ces temps prochains.
À la composition de la musique du film sur le Maghreb intitulé Le Banquier, le Maréchal et le Missionnaire, réalisé par Jocelyne Leclercq et monté par Robert Weiss pour la Cinémathèque Albert Kahn (fondateur des Archives de la Planète), s’ajoute un nouveau module pour les Petits Repères (réalisation surletoit.com, animation Mikaël Cixous). Tout cela est très excitant.
Last but not least, Nabaz’mob, un opéra pour 100 lapins communicants, composé et réalisé avec Antoine Schmitt (coproduction de la société Violet et du Web Flash Festival) ! Cette hallucination lagomorphe requérant la présence sur scène de 100 bestioles va susciter un appel à participation auprès des heureux possesseurs de Nabaztag. L’idée d'ouvrir la soirée de clôture du Web Flash Festival par ce spectacle inattendu est de sa directrice, Guylaine Monnier. Antoine était déjà l’auteur du design comportemental de Nabaztag comme j’en étais celui de son design sonore. Olivier Mével, l’heureux papa de cet immense clapier, et Maÿlis Puyfaucher, la voix du lapin, sont évidemment concernés au premier chef ! Ce grand délire musical, chorégraphique et lumineux sera créé le 27 mai prochain au Centre Pompidou. C’est tout proche et on en reparle très bientôt.

Voir, entre autres, le billet du 13 mai, celui du 23 septembre et le site consacré à Nabaz'mob.

mercredi 10 mai 2006

Bâle : Vitra, Beyeler, Tinguely et Edgard Varèse, cerise sur le gâteau !


De Colmar où Françoise a dégotté une chambre d’hôtes formidable et bon marché (avec accès gratuit à Internet, euh, je m’étais pourtant juré…), nous descendons d’abord en Allemagne, à Weil Am Rhein, Vitra (photo ci-dessus du Musée du Design, dessiné par Frank O. Gherry, l’architecte du Gugenheim et de Bilbao, hallucinant, jugez par vous-même) où est actuellement exposé le designer italien Joe Colombo. Meubles et décor futuriste des années 60 digne de Barbarella et Orange Mécanique.

Quelques centaines de mètres plus loin, à Riehen en Suisse, se profile la Fondation Beyeler, dessinée cette fois par l’architecte Renzo Piano. Un plan d’eau prolonge la salle où sont exposés Les Nymphéas de Monet, le sol est au même niveau que l’étang. Une remarquable exposition temporaire Matisse occupe hélas les trois quarts de l’espace. J’écris hélas car j’ai toujours ressenti une impression claustrophobique devant ses œuvres. Je suis toujours resté un peu à l’écart de ce grand maître comme de Picasso que j’aime surtout pour ses sculptures. Mes goûts et mes couleurs me poussent plutôt vers Bacon, Klee (là je suis servi, la collection en abrite de merveilleux) ou Kandinsky. Même chose avec le bâtiment trop rigoureux pour moi, j’ai encore l’impression d’admirer le paysage au travers de barreaux.
Au restaurant de la Fondation, déjà énervé que la serveuse nous refuse une carafe d’eau, je suis sidéré qu’ils refusent les cartes bancaires (seule fois du voyage), mais ce n’est pas le plus beau : l’addition se montant à 26,43 euros (on n’est pas obligé de payer en francs suisses), je sors l’appoint ; la salariée zélée m’annonce qu’ils ne prennent pas les pièces, on croit rêver ; s’attend-elle à ce que je laisse 30 euros pour ce risotto trop cuit et ces courgettes fadasses ?

Quelques kilomètres plus loin, à Bâle même, nous arrivons au Musée Tinguely. J’en rêve depuis des années. J’adore aller visiter son Cyclop dans la forêt de Milly. J’en profite pour rendre visite à la Chapelle Sainte-Blaise-des-Simples où est enterré Cocteau, dont il a peint les murs en représentant des herbes médicinales et où il a gravé sur sa tombe « Je reste avec vous », et puis, le reste de la journée se passe à crapahuter sur les rochers des Trois Pignons. Mais je m’égare, et je me gare. Pas besoin de vous faire un dessin, Tinguely est si ludique, si sonore, c’est un enfant qui a continué à construire son Meccano…
Je suis enchanté, mais le plus extraordinaire, c’est une exposition à laquelle je ne pouvais m’attendre, celle consacrée à l’un de mes trois compositeurs favoris, Edgar Varèse (les deux autres sont Charles Ives et Frank Zappa). Manuscrits autographes, lettres de Debussy, Cage, Zappa (celle qu’il lui écrit à seize ans), partitions inachevées, images reconstituées des projections du Pavillon Philips dessiné par Le Corbusier pour lequel Varèse a composé le Poème Électronique, ombre du portrait en fil de fer tordu par Calder, catalogue merveilleux et copieux, dessins, peintures, témoignages, et voici le graphisme pour une improvisation jazz, cassette donnée à Robert Wyatt par Mark Kidel et qu’il me confia à son tour, la tête me tourne, j’y reviendrai…

De retour à Strasbourg, avant de reprendre le train pour Paris, nous nous promenons dans le Musée d’Art Moderne et Contemporain qui abrite actuellement les collages politiques de John Heartfield. Très bel édifice d’Adrien Fainsilber. Ce n’est pas tout ça, je dois rentrer travailler, on en parle demain.

lundi 8 mai 2006

Vacances en Alsace


Juste une image, un décor digne de Blanche-Neige, une choucroute à la crème d'herbes, la route des vins, un peu de repos...

samedi 6 mai 2006

La Grande Illusion


Sur les traces de Jean Renoir dans le Haut-Koenigsbourg...
Je pense à la lutte des classes, à Maréchal (Gabin) et Rosenthal (Dalio), de Boeldieu (Fresnay) et von Rauffenstein (Stroheim) réunis en haut de ces remparts... Il fait beau, nous avons de la chance, la vue est dégagée, le matin les cars n'ont pas encore déversé leurs flots de touristes...

jeudi 4 mai 2006

Atelier de didactique visuelle aux Arts Décos de Strasbourg


Chaque année Olivier Poncer me fait venir dispenser la bonne parole du design sonore aux Arts Décos de Strasbourg. Son atelier de didactique visuelle (département de communication visuelle) est unique en France et les étudiants y sont toujours passionnés. Je les occupe pendant le concours d'entrée. Cette fois les étudiants de troisième année, tous entrés directement en septembre dernier sur équivalences après des BTS, travaillent sur un jeu sur les petites bêtes de la maison, acariens, poux, fourmis, blattes, etc. ! C'est agréable de travailler avec des illustrateurs ou des graphistes préoccupés par le sens, et pas seulement par l'esthétique. Au sous-sol, Michael Gaumnitz dirige pour eux les cours de vidéo. J'aime beaucoup revenir chaque année, même si cette région gastronomique peut devenir un cauchemar pour qui souhaiterait perdre un peu de poids... On croit rêver !

mercredi 3 mai 2006

Nagi Noda, Traktor, Michel Gondry...


Mardi, le blog d'Étienne Mineur offrait deux magnifiques vidéos de Nagi Noda, un spot de pub pour Coca Cola et le clip Sentimental Journey qui me rappelle un peu l'esprit de Zbig il y a quinze ans, mais avec un traitement totalement différent. De lien en lien, je tombe sur le site de l'agence Partizan qui représente et produit des artistes comme Michel Gondry ou le collectif Traktor. Je surfe ahuri devant les vidéos présentées... On y voit la bande-annonce de La science des rêves (The science of sleep), le prochain long-métrage de Gondry qui sortira en août, mais aussi de nombreux talents exposés...

lundi 1 mai 2006

Chômage


... Et défilé de République à Nation.

Ayant rempli toutes les cases d'avril, je m'octroie une pause de quelques jours avant de m'y remettre. J'ai consulté l'historique du 1er mai, préparé ce que j'avais à écrire pour le prochain Journal des Allumés, fait le ménage. Il est temps pour moi d'aller voir ailleurs si j'y suis. La drogue Internet est particulièrement vicieuse lorsque l'on travaille chez soi. Il faut boire de l'eau, focaliser au loin, se tenir droit, et savoir ne pas toucher au clavier de temps en temps. Toute une gymnastique ! Je dois aussi transmettre mes réflexions sur le design sonore aux étudiants en didactique visuelle des Arts Décos de Strasbourg, comme je le fais chaque année. À mon retour, je commencerai à composer la musique du film d'archives sur le Maghreb que termine Jocelyne Leclercq pour la Cinémathèque Albert Kahn. D'ici là, le printemps se sera enfin installé, et je pourrai également travailler à mes futurs projets personnels, en particulier un dvd dont le support engagera mes choix narratifs et techniques. À la semaine prochaine !

Au moment de mettre ce billet en ligne, je cherche un portrait de ma pomme en guise de signature. C'est à cet instant que je reçois la photo prise par Hélène Collon dans l'obscurité du spectacle Somnambules que nous avons représenté au Triton il y a quelques semaines, avec Nicolas Clauss projetant ses images interactives, la chanteuse Pascale Labbé et le violoncelliste Didier Petit. J'y jouais des machines musicales et dirigeais l'orchestre. C'était tout vu.
© Hélène Collon/Vues sur Scènes (avec tous mes remerciements).