De Colmar où Françoise a dégotté une chambre d’hôtes formidable et bon marché (avec accès gratuit à Internet, euh, je m’étais pourtant juré…), nous descendons d’abord en Allemagne, à Weil Am Rhein, Vitra (photo ci-dessus du Musée du Design, dessiné par Frank O. Gherry, l’architecte du Gugenheim et de Bilbao, hallucinant, jugez par vous-même) où est actuellement exposé le designer italien Joe Colombo. Meubles et décor futuriste des années 60 digne de Barbarella et Orange Mécanique.

Quelques centaines de mètres plus loin, à Riehen en Suisse, se profile la Fondation Beyeler, dessinée cette fois par l’architecte Renzo Piano. Un plan d’eau prolonge la salle où sont exposés Les Nymphéas de Monet, le sol est au même niveau que l’étang. Une remarquable exposition temporaire Matisse occupe hélas les trois quarts de l’espace. J’écris hélas car j’ai toujours ressenti une impression claustrophobique devant ses œuvres. Je suis toujours resté un peu à l’écart de ce grand maître comme de Picasso que j’aime surtout pour ses sculptures. Mes goûts et mes couleurs me poussent plutôt vers Bacon, Klee (là je suis servi, la collection en abrite de merveilleux) ou Kandinsky. Même chose avec le bâtiment trop rigoureux pour moi, j’ai encore l’impression d’admirer le paysage au travers de barreaux.
Au restaurant de la Fondation, déjà énervé que la serveuse nous refuse une carafe d’eau, je suis sidéré qu’ils refusent les cartes bancaires (seule fois du voyage), mais ce n’est pas le plus beau : l’addition se montant à 26,43 euros (on n’est pas obligé de payer en francs suisses), je sors l’appoint ; la salariée zélée m’annonce qu’ils ne prennent pas les pièces, on croit rêver ; s’attend-elle à ce que je laisse 30 euros pour ce risotto trop cuit et ces courgettes fadasses ?

Quelques kilomètres plus loin, à Bâle même, nous arrivons au Musée Tinguely. J’en rêve depuis des années. J’adore aller visiter son Cyclop dans la forêt de Milly. J’en profite pour rendre visite à la Chapelle Sainte-Blaise-des-Simples où est enterré Cocteau, dont il a peint les murs en représentant des herbes médicinales et où il a gravé sur sa tombe « Je reste avec vous », et puis, le reste de la journée se passe à crapahuter sur les rochers des Trois Pignons. Mais je m’égare, et je me gare. Pas besoin de vous faire un dessin, Tinguely est si ludique, si sonore, c’est un enfant qui a continué à construire son Meccano…
Je suis enchanté, mais le plus extraordinaire, c’est une exposition à laquelle je ne pouvais m’attendre, celle consacrée à l’un de mes trois compositeurs favoris, Edgar Varèse (les deux autres sont Charles Ives et Frank Zappa). Manuscrits autographes, lettres de Debussy, Cage, Zappa (celle qu’il lui écrit à seize ans), partitions inachevées, images reconstituées des projections du Pavillon Philips dessiné par Le Corbusier pour lequel Varèse a composé le Poème Électronique, ombre du portrait en fil de fer tordu par Calder, catalogue merveilleux et copieux, dessins, peintures, témoignages, et voici le graphisme pour une improvisation jazz, cassette donnée à Robert Wyatt par Mark Kidel et qu’il me confia à son tour, la tête me tourne, j’y reviendrai…

De retour à Strasbourg, avant de reprendre le train pour Paris, nous nous promenons dans le Musée d’Art Moderne et Contemporain qui abrite actuellement les collages politiques de John Heartfield. Très bel édifice d’Adrien Fainsilber. Ce n’est pas tout ça, je dois rentrer travailler, on en parle demain.