4 heures du matin. Je suis réveillé par un énorme vacarme au rez-de-chaussée. Redressé, je comprends en entendant le chat qu'il y a du grabuge à la cuisine. Je descends quatre à quatre pour me retrouver nez à truffe avec Scotch qui insulte le canapé. Je me baisse prudemment, lumbago oblige, pour constater qu'il n'y a rien dessous ! Le chat est hérissé, moi ahuri. Françoise me rejoint avec une lampe torche et aperçoit une petite chatte grise tapie derrière un pied. Elle est deux fois plus petite que Scotch. Bon, je ne vais pas la jouer brigade des sapeurs-pompiers, Françoise se saisit de Scotch qui se laisse faire et l'enferme en haut avec elle tandis que j'ouvre grand la porte d'entrée et avance le divan. La mignonne qui a préféré grimper jusqu'au second se laisse enfin attraper, complètement détendue... Nous comprenons qu'elle connaît très bien la maison et qu'elle a dû s'y infiltrer pendant notre escapade alsacienne, le chat étant parti en pension avec Elsa. Conclusion : ces deux-là se connaissent sinon cela aurait été autrement plus violent, et dorénavant nous bloquerons les issues félines en cas d'absence prolongée ! C'est la première chose que j'ai fait construire, ou plutôt creuser, lorsque j'ai pris possession de la maison, une double chatière dans le mur du salon, avec tapis en gazon synthétique entre les deux pour s'essuyer les pattes lorsqu'on revient du jardin. Côté rue, il faudra condamner le soupirail de la cave. Scotch a ses entrées des deux côtés. Évidemment le chat s'est rendormi, pas moi...

Parce que ce n'est pas tout ça, je dois continuer à composer la musique du film Le banquier, le maréchal et le missionnaire que j'ai enfin commencée dimanche après une courte période extrêmement désagréable de doute et d'incertitude. J'en paniquais, tant ce n'est pas mon habitude de caler devant la page blanche. Sentiment d'impuissance et d'incompétence détestable. Lorsque la matière résiste, c'est que le problème est mal posé. J'avais imaginé faire du faux-vrai, du "à la manière de". Le film est un montage d'archives sur la colonisation du Maghreb dans les années 20-30. Erreur, fatale erreur, sonoriser tout ça en jouant la carte de la reconstitution aurait donné un effet poussiéreux à l'ensemble. Et dans ce cas, il aurait mieux fallu de véritables documents plutôt que de tenter de reconstituer la musique d'époque avec des machines et les moyens du bord, très limités par mon inexpérience en la matière. Je prends le problème à bras le corps en utilisant la technique qui m'a toujours profité. Je me mets devant mon clavier et je joue, j'essaie des timbres avec le souvenir de la projection du film, surtout sans le regarder. Je m'amuse, m'apercevant que je n'ai oublié ni les gestes ni les sensations euphorisantes. Ça vient tout seul, je programme l'arpégiateur, je lui fais contrôler des tas de sons divers en fonction des notes que j'ai prise devant la table de montage. La musique se construit toute seule... Le lendemain, c'était hier, je ne peux m'empêcher d'écrire des séquences plus classiques, parce que ce sont celles qui m'angoissent le plus. Je reste victime de mes lacunes d'autodidacte, mais j'en profite en retournant mes faiblesses comme en aïkido. Je commence par des séquences de piano très debussystes et je termine avec tout l'orchestre. Je suis heureux, j'ai eu une bonne journée...

Le soir sur Arte, j'enregistre à 19h la première émission d'une série formidable, drôle et érudite, Les animaux ont une histoire. Le premier épisode, réalisé par Valéry Gaillard, était sur Lapin, extraordinaire ! Ça tombe vraiment bien au moment où je bosse avec Antoine sur Nabaz'mob. Antoine m'a demandé de ne plus parler de notre travail avant qu'on ait fini, alors motus et bouche cousue, surprise, venez le 27 mai (il faut s'inscrire, le spectacle qui est gratuit sera vite complet !) écouter 100 lapins en choeur... L'épisode de ce soir mardi est Ours, c'est de saison aussi, ça pourrait faire réfléchir quelques colonisateurs de nature pyrénéenne, le lapin ayant été superbement réhabilité hier soir ! Le commentaire est dit par Michael Lonsdale, absolument parfait. Cela me rappelle le ton qu'il avait lorsqu'il lisait pour moi le terrible Catalogue des cires anatomiques du Docteur Spitzner exposé à La Villette en 95 pour Il était une fois la Fête Foraine (disque Auvidis épuisé, dommage). C'est plein d'esprit et de toupet. Si ça reste du niveau du lapin (les réalisateurs/trices sont chaque fois différent/e/s pour aborder au cours de la semaine Hareng, Criquet, Castor), ne manquez surtout pas cette série qui n'a rien d'un documentaire animalier. C'est plutôt une encyclopédie cinématographique (remarquable bande-son, image en clair-obscur, etc.) qui ne ressemble qu'à elle-même. Il reste donc quelques auteurs à la télévision malgré les tentatives de les broyer sous le consensuel des prétendues attentes du public.