Sans sentiment national, je ne me sens nullement concerné par les championnats de foot ou de n'importe quoi (billet Rien à foot du 2 juillet), ce qui ne m'empêche pas de me passionner pour les énigmes. La réaction de Zidane pendant la finale finit par m'atteindre. C'est à n'y rien comprendre. Son réflexe impulsif n'est ni de son âge, ni cohérent avec les circonstances. Les athlètes sont parfaitement préparés à essuyer les quolibets et provocations de la partie adverse. Ils connaissaient parfaitement les talents en la matière de leurs opposants italiens. Ce n'est pas la première salve d'insultes du Mondial que dut essuyer l'équipe de France magnifiquement métissée. Il est si admirable d'assumer nos anciennes et actuelles colonies qu'on en est tout émus et fiers d'être français ! Même qu'on y repensera lorsqu'on assistera à un contrôle de papiers à Belleville et qu'on apprendra l'annonce d'un nouveau charter. Alors ?
On connaît les bruits de corruption que le sport véhicule, et l'Italie en a fait un sport national (actuel scandale du Calcio). Ce ne sont pas les seuls. Cela pourrait-il signifier que le match était arrangé ? Zidane aurait-il finalement été acheté ? On peut en douter évidemment. Deuxième interrogation, Zidane aurait-il préféré échapper à une quelconque complicité en se faisant expulser avant les tirs au but ? Tout le délire (ou son absence ?) qui tourne autour du coup de boule, devenu via Internet le nouveau tube de l'été, évacue toute interrogation au profit d'une humanisation du saint. Tant pis pour sa béatification, ce n'est qu'un homme, oune matcho veritabile, dont le sang ne fait qu'un tour devant les insultes visant possiblement sa mère ou sa sœur.
L'honneur est sauf, tout le pays soutient le réflexe brutal et impulsif. On n'est pourtant pas dans une cour de récré. C'est vrai qu'aller se faire traiter d'"enculé de musulman" mérite qu'on ne se laisse pas faire (si c'est "terroriste", ça pourrait même être un compliment dans la bouche d'un facho), mais nous sommes en finale de la coupe du monde, sur un terrain de foot pendant les dernières minutes d'un match où toute équipe se doit d'être solidaire. Zidane s'excuse, mais ne regrette rien. C'est beau le sport. Coubertin doit se retourner dans sa tombe, même si ce ne sont pas des Olympiades. Bel exemple pour les jeunes qui ne ratent jamais une occasion pour jouer des biscotos ! Il suffira d'invoquer quelque insulte familiale ou homophobe pour justifier la prochaine brutalité, il y aura eu jurisprudence. Le spectacle sponsorisé, l'usine à fric, ne met pourtant en scène qu'une guerre des boutons agrémentée d'un sacré refoulement homosexuel, sujet tabou, de quoi se faire casser la gueule. Ah, tous ces hommes ensemble qui défendent leurs couleurs et lavent leur honneur dans le sang ! J'exagère, il n'y a pas eu mort d'homme, du moins pas sur le terrain. Juste quelques démonstrations viriles sous le drapeau et pour l'amour des femmes. C'est vrai qu'en France les femmes ne se font jamais insultées dans la rue, j'oubliais. Donc, si c'est pour l'honneur, évidemment... J'aimerais tout de même qu'on me rappelle les chiffres, pas le score des matchs, mais ce que ça rapporte aux industriels du secteur. Ça pourrait tout de même nous mettre la puce à l'oreille, et nous oserions peut-être nous poser les vraies questions. Les jeux du cirque, une gigantesque affaire médiatique, une collection de placards de publicité, une mascarade ?

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