357. Voix off. À détruire, le goût de la destruction vous vient pour la seule destruction. Avant même qu'on soit ivre de vin, car il n'y a pas que cette ivresse.
358. Ils couchent le tonneau sur une table,
ils vont tirer le vin au robinet.
359. Mais ça ne va pas assez vite ;
ils mettent le tonneau debout,
ils le défoncent.
360. Ils puisent dedans.
Voix off. On voit qu'il y a un plaisir plus grand que de boire.
361 à 367. Les tableaux qui sont aux murs,
le vaisselier garni de verres,
les chopines alignées,
les bouteilles de liqueurs,
la machine à tirer la bière,
les vitres,
les chaises,
les bancs,
tout y passe.
Voix off. Et il y a de même un travail plus beau que de faire, une plus belle espèce de travail : c'est de défaire. Ils n'étaient plus fatigués.
368/369. L'aubergiste, qui avait été attaché, puis poussé dans un coin,
se trouve s'être débarrassé de ses cordes.
Il se jette sur ceux qui sont le plus près de lui (P.L.)
Une bouteille se brise sur son crâne (G.P.)
Voix off. Alors aussi on a connu qu'il y a encore plus de plaisir dans une autre espèce de destruction : quand ils virent couler le sang.

Hier à la plage, je repensais à cet extrait de L'Astre, scénario d'un long-métrage que j'ai écrit il y a dix ans d'après C.F.Ramuz. Un père à casquette faisait des pâtés avec le sable pour que son fils de deux ans puisse shooter dedans jusqu'à destruction totale. Et le père de refaire deux pâtés et de rappeler son fils à l'entraînement. Au delà du geste, ce qui me fit frissonner c'est le regard du père. Il ressemblait à celui que j'avais pu croiser aux check-points serbes en 1993.