Il pourrait sembler paradoxal d'illustrer un billet sur les panoramiques du photographe Jean Duquesnoy par une image au format 4/3 si la trapéziste n'était autre que ma fille Elsa, prise en vol au centre de la piste du Cabaret Sauvage lors du dernier Vrai-faux Mariage Tzigane.
Même si le panoramique est plutôt "fait pour les serpents et les enterrements" (dixit Fritz Lang jouant son propre rôle in Le mépris de J-L. Godard), les écrans larges nous submergent en dissolvant les bords du cadre dans les limites du champ visuel, no man's land où la perception remplace la vision. Duquesnoy titre "Tombé dans le pano", et c'est vrai qu'on y plonge, bain de foule ou extension du désert, interdit aux agoraphobes ! Sur son site, les images du Vrai Faux Mariage sont les plus représentatives que j'ai pu voir du spectacle de La Caravane Passe et de La Clique de Pléchti, celles qui rendent le mieux cette folie festive qui s'empare des danseurs jusqu'à épuisement deux heures plus tard.
Duquesnoy réussit son coup lorsqu'il filme les foules, les manifs, les scènes où il se passe mille choses à l'écran (je regarde ça sur mon ordi). Il réussit à donner cette impression de communauté, de partage qu'il est souvent difficile de capter, sauf à maîtriser le cadre serré, le hors champ en amorce. Ses clones forment aussi d'amusantes saynètes que le photographe pourrait développer dans l'avenir, à condition de prendre le recul nécessaire, ici comme ailleurs, à savoir mettre en scène ce qui se joue entre les différents personnages de ses tableaux vivants, créant ainsi une dialectique nécessaire dans un plan aussi large.