Comment voulez-vous que je me livre à quelque confession intime ou à de sincères provocations alors que je suis fils et père ? Mes limites sont fixées par le désir de ne point blesser ni choquer celles que j'aime. Il est de coutume de ne publier ses mémoires qu'après la mort de ses ascendants, mieux, d'attendre qu'elles deviennent posthumes à soi-même. Mais à les taire complètement, les secrets de famille disparaîtraient dans la tombe. Ne vous méprenez pas, je n'ai hélas rien d'extraordinaire à révéler. Du moins je le crois. Ce sont seulement certaines questions qui me plaisent à sous-entendre parfois en conférence devant un public nombreux, mais que j'exprime à demi-mot, voire au quart ou, plus hypocritement, en généralisant l'affaire pour noyer le pois(s)on. Il y a bien des sujets que j'évite d'aborder en public et que seuls quelques uns sont autorisés à partager. Tout est pensable en deçà du passage à l'acte. Encore faut-il que mes ami(e)s aient l'esprit ouvert. Non, vraiment, rien d'extraordinaire, mais la question honnêtement posée est d'importance. Que ma fille me pardonne, j'en dis toujours trop pour elle dans mes billets persos. Ils peuvent pourtant s'avérer les moins complaisants, et passionnent, paraît-il, d'autres lecteurs et lectrices, plus friands de faits que d'avis. Aujourd'hui je n'aurai rien écrit.