Depuis des mois, Françoise souhaitait acquérir un divan avec méridienne pour pouvoir regarder les films allongée. Comme j'ai déjà du mal à rester éveillé assis, je n'étais pas pressé. Je ne m'endors pas franchement, mais je pique du nez ; c'est frustrant, mais non réparateur. Depuis Noël, la décision était prise et nous avons regardé ici et là les canapés d'angle pour échouer hier chez Ikéa. La qualité n'y est pas géniale, mais au moins ça ne coûte pas cher. De toute façon, nous ne voulions pas de cuir qui colle aux fesses et n'avions ni les moyens ni le désir de nous offrir un truc luxueux. Alors autant faire simple ! Ce n'est pas Disneyland, mais vous connaissez forcément l'enseigne suédoise qui exploite et conditionne ses salariés. On y va pour un divan en L et on en revient avec une passoire que l'on peut poser au-dessus de l'évier, un grand pot de fleurs gris foncé ovale, des serviettes en papier assorties à la salle à manger, des prises multiples hi-tech sous globe plastique orange, une palette très large pour attraper les aliments au fond de la poêle, une brosse à vaisselle à ventouser sur le mur carrelé, etc. Et, après être passé par le rayon alimentation pour le poisson en tube et avoir attendu des heures au comptoir "retrait des marchandises" il faut faire rentrer tout ça dans l'Espace. Une astuce pour gagner une heure : passer une première fois en caisse avec les articles à retirer (un simple bon de commande) et retourner acheter les petits accessoires pendant que votre numéro est affiché par des employés trop peu nombreux. La compression de personnel se fait d'ailleurs aussi sentir dans les rayons. Si vous ne trouvez pas le prix d'un article, mieux vaut l'embarquer à bord de sa poussette et le laisser à la caisse si ça ne vous convient pas, un bac étant prévu à cet effet. D'ailleurs, tout est prévu chez Ikéa, on a l'impression d'appartenir soi-même au système suédois, ce qui explique le taux de suicide, ou du moins celui de l'ennui.
Après avoir évité les embouteillages de l'autoroute en passant par la banlieue, une heure de plus de transport que d'habitude, mais tellement plus "pittoresque" (une horreur en vaut une autre), il faut se coltiner de décharger les poids et haltères et monter le divan au premier. Argh ! Après avoir rayé le sol, défoncé les murs et le plafond, ratiboisé les marches de l'escalier, on se bousille le dos, les doigts et la santé à monter soi-même le kit vendu sans mode d'emploi. Quatre heures plus tard, vous êtes récompensés, même si vous n'avez pas réussi à fixer toutes les vis (encore faudrait-il qu'elles soient en face des trous), allez, ça tient... Il n'y a plus qu'à descendre le vieux divan dans le studio pour que mes clients ou camarades puissent s'endormir tranquilles pendant que je travaille sur le G5. C'est reparti pour un tour, en passant par le jardin !


Tout ça finit par un bon bain, un coup de Ventoline et deux di-antalvic ou son générique. Ce n'est pas vrai, j'ai résisté aux analgésiques, mais je ne suis pas certain d'avoir bien fait. Ce matin, je ne peux plus bouger ni poser un genou en terre. À force d'amorcer les vis avec les doigts, j'ai l'impression d'avoir les articulations écorchées vives. Après un dîner hébété, nous étrennons le nouveau dispositif devant un dvd acquis il y a longtemps et que je n'avais jamais regardé, craignant sa lourdeur rocky bien que ce soit une référence pour nombre de mes plus jeunes camarades. The Wall, d'Alan Parker sur un scénario du bassiste de Pink Floyd, Roger Waters, est une long clip d'une heure quarante-cinq plutôt réussi. Les animations du caricaturiste Gerald Scarfe sont formidables, le scénario plutôt sympa (mise en garde de la starification débouchant sur une fascisation et introspection sur le déséquilibre émotionnel des artistes), la musique beaucoup mieux que je ne craignais (j'étais un fan des premiers Floyd, jusqu'à Umma Gumma, abandonnant le groupe lorsqu'il est passé du psychédélisme planant au hard rock mou)... Après 25 ans, le film n'a étonnamment pas pris une ride. L'imbrication des époques, la façon de filmer et de rythmer le montage, le sujet, l'interprétation, le travail graphique en font une "comédie" musicale (dans les bonus, Waters fait remarquer que ça manque furieusement du moindre humour) intemporelle.