Comme nous venions de voir le Fritz the Cat de Ralph Bakshi, Lucie nous a prêté le Crumb de Terry Zwigoff qui réalisa ensuite Ghost World et Art School Confidential d'après les bédés de Daniel Clowes. Le dessin animé de Bakshi librement inspiré et sauvagement critiqué par Robert Crumb est amusant. Le documentaire de Zwigoff révèle la personnalité renversante du célèbre dessinateur américain, avec ses deux frères encore plus atteints que lui par la névrose familiale, vivant reclus l'un chez leur mère et ne quittant jamais sa chambre, l'autre méditant sur une planche à clous et ne fréquentant personne. Leurs deux sœurs ont refusé de figurer dans le documentaire. Quelles révélations pourraient-elles apporter ? L'extrême violence du père, les jalousies internes de la fratrie, les rapports de force qu'elles génèrent et leur obsession sexuelle à tous trois les ont fait se retrancher dans le monde des comics. Robert Crumb est aussi misanthrope et misogyne que ses frères, mais il a su utiliser la bande dessinée pour prendre sa revanche contre un monde qui le rejetait. Son expérience du LSD sera déterminante, ouvrant une brèche graphique qu'il exploitera après être "redescendu". Charles Crumb se réfugiait dans l'écriture et la littérature du XIXème siècle, il se suicidera en 1991, un an après le tournage. Max Crumb fait la manche dans la rue sur sa planche à clous. Bob n'écoute que des 78 tours de musique américaine, s'habille comme l'as de pique et enfile les déclarations provocantes qu'il réussit à faire passer grâce à son génie de la caricature. Il dynamite les conventions familiales, revendique ses déviances, s'entête contre la commercialisation à outrance de son œuvre et déserte les États-Unis pour le sud de la France.
Les bonus du dvd évoquent la place de la musique chez Crumb dont le clip des Primitifs du Futur avec qui il joue de la mandoline et un entretien avec le compositeur Dominique Cravic, plus une présentation d'Antoine Guillot et un entretien du directeur du Festival de BD d'Angoulême, Jean-Pierre Mercier.