Il y a quelques temps, Benoît Hické relatait, sur le blog de Poptronics, la sortie du dernier cd de Scott Walker et d'un dvd qui lui est consacré. J'avais évoqué ici-même deux albums absolument sublimes de cet ex-Walker Brothers (The Sun Ain't Gonna Shine Anymore) passé par l'adaptation de Brel en anglais pour arriver aux aussi brillants que lugubres Tilt (1995) et surtout The Drift (2006), recueils de chansons innommables tant par sa manière de chanter et la gravité de ses textes que par l'invention instrumentale.
Le fourreau sombre, à peine lisible, granuleuse surface lunaire de pierre volcanique, donne le ton. L'intérieur du digipack en papier recyclé fait renaître le toucher de façon presque maladive, comme caresser de la laine de verre. And Who Shall Go To The Ball ? And What Shall Go To The Ball ? est une pièce purement instrumentale composée pour un étrange ballet (la Candoco Dance Company comprend des danseurs handicapés) de Rafael Bonachela qui, lors de ses précédentes créations, a travaillé avec Kylie Minogue. Quelques sons électroacoustiques, le London Sinfonietta, des plaques de métal : la partition oscille entre un minimalisme ardent et une marche bancale qui n'avance que par à-coups. L'œuvre ne dure pas plus de 25 minutes, mais l'énergie qu'elle requiert suffit à vous donner envie de le remettre encore une fois sur la platine. Avec ce gros point d'interrogation, Scott Walker affirme sa démarche de compositeur résolument contemporain déjà présente sous sa voix de baryton atonal dans son chef d'œuvre précédent. The Drift (site à visiter) n'est pourtant pas à mettre en toutes les mains, car il risque de faire flipper pas mal de monde, comme jadis Captain Beefheart avec Trout Mask Replica. C'est trop lugubre, trop visionnaire, trop personnel pour que cela plaise aujourd'hui. On préférera généralement oublier la brutalité de l'époque dans une insipidité festive et une ivresse de surface. Il faudra probablement attendre pas mal d'années pour que son travail soit apprécié à sa juste valeur. Le trouble qu'il procure me rappelle aussi Pier Paolo Pasolini ou Joel Peter Witkin.
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