Je suis allé hier soir au Théâtre Paris-Villette pour la soirée de lancement du livre présenté par Agnès de Cayeux, "Second Life un monde possible", dont Poptronics livre quelques extraits en pdf. Comme le phénomène m'était resté hermétique, j'ai essayé de comprendre l'intérêt de cet univers persistant (évoluant en l'absence des joueurs), en ligne et en 3D, qui fait les gorges chaudes de toutes les communautés branchées, avides de nouveaux territoires pour échanger ou spéculer. On m'avait déjà expliqué que le "génie" de ce nouvel artefact était d'avoir inventé une monnaie qui manquait aux mondes précédemment créés sur un modèle proche comme l'Habbo Hotel. Le Linden Dollar est échangeable contre de véritables dollars US, et même indexé dessus ! Il n'est pas de mon ressort de décrire comment les Residents font évoluer Second Life, comment ils se construisent un avatar, acquièrent une parcelle, construisent une maison, etc. Le site lui-même (version française) ou Wikipedia sont là pour promouvoir l'objet. Je note seulement que la prostitution et les jeux d'argent font florès sur "Second Life", qui fonctionne comme l'écho virtuel du monde réel. La spéculation immobilière en est encore à ses balbutiements et il est tout de même possible de "jouer" sans argent, bien que tous reconnaissent que c'est plus sympa d'en avoir ! Les pauvres, principalement issus de l'Asie du Sud-Est, campent, faute de pouvoir se construire une maison d'architecte, jouant le rôle de métayer ou de gardien des propriétaires en titre qui peuvent ou non laisser entrer les visiteurs dans leurs demeures. Sur Second Life, il y a même une prison. L'intérêt de cet univers fantôme où l'exploitation de l'homme par l'homme acquiert de nouvelles lettres de noblesse est d'anticiper un modèle de commerce et d'échange à venir. Si la chose est expérimentale, elle ne manque pas d'intéresser en France les partis politiques, le Front National en premier, suivi par les Socialistes et les autres, comme par la BNP-Paribas qui y investit des sommes importantes. Chacun peut la façonner selon ses souhaits, mais l'heure et les saisons, communs à tous, sont évidemment celles de la Californie et l'arbitre se nomme Lindon Lab.
En dehors du fait que c'est d'une laideur achevée, Second Life m'apparaît comme une vision utopiste des plus réactionnaires où l'argent, la propriété, la spéculation, les communautés tribales et bien d'autres éléments dont j'aurais plutôt rêver me débarrasser dans le meilleur des mondes, dessinent une seconde vie des plus morbides.