La photographie date d'il y a deux ans. Mon petit film Le Sniper faisait l'objet d'une installation dans une rue piétonne d'Utrecht pour l'exposition Soft Target. War as a Daily, First-Hand Reality. Il était également projeté dans la Galerie Bak sur un petit moniteur au bout d'une cursive dont le plancher était en verre. Certains visiteurs enclins au vertige étaient incapables de franchir le corridor transparent. J'aimais beaucoup cette impression de suspension, palais des glaces vertical aux parois de métal lumineuses accentuant le malaise propre au film, impression de danger imminent pouvant survenir de toutes parts. Chacun évitait soigneusement d'évoquer l'aspect grivois du dispositif dont seul l'architecte était l'auteur et j'avoue être descendu prendre discrètement mes photos.
Est-ce le même rêve de vol qui me pousse à passer quelques jours dans les arbres au Laos ? Quelques fondus y ont construit des maisons dans une réserve de gibbons auxquelles on accède par des tyroliennes, des poulies avec harnais glissant sur de longs câbles au-dessus de la forêt.
Je me suis raccroché à cette branche, totalement épuisé d'avoir pondu quelques vingt mille signes hier pour le prochain Journal des Allumés. J'essaye de me débarrasser de tout ce que je dois écrire avant mon départ. Comme j'avais terminé les articles du Muziq qui sortira en février (le n°12 sort demain), je me suis attelé au n°21 des Allumés. J'ai donc sorti cette image de mon chapeau. Il est temps que je m'en aille loin pour recharger mes batteries et réalimenter le fonds dans lequel je pioche lorsque je suis en mal d'inspiration. N'empêche qu'à Utrecht ils ont de bons fromages hollandais et des petits poissons délicieux à dévorer dans la rue. Ça irait bien avec les cornichons au sel et les aux vinaigrés qu'Elsa nous a rapportés de Moscou. On comprendra que j'ai faim. Mais ne suis-je pas toujours affamé ?