Les rues sont désertes. Il fait nuit noire. Nous ne voyons pas où nous posons les pieds. J'aurais dû prendre ma lampe de poche. Je crains d'écraser un rat, de glisser sur une flaque de gazole ou tomber dans un trou de la chaussée défoncée. Les haut-parleurs perchés en haut des pylônes se sont tus. J'aime le son réverbéré que leur nombre procure lorsqu'ils hurlent dès le matin leurs émissions de propagande et la musique répétitive à base d'orgues à bouche. Tout est redevenu si calme. Même les postes de télé allumés sans interruption et trônant dans les logis quasiment vides d'autres meubles sont éteints. À neuf heures du soir, tout le monde est déjà couché à Luang Nam Tha, soixante kilomètres au sud de la frontière chinoise. Les Laotiens se couchent et se lèvent tôt. Le froid est tombé lorsque le soleil, brûlant dans la journée, s'est couché. Nous sommes le 12 janvier. Une boutique est restée ouverte à cause de nous, un Web Café où nous nettoyons nos boîtes à lettres saturées. Nous nous sommes déchaussés, comme chaque fois que nous franchissons un seuil. Je jette un coup d'œil au site Poptronics et m'aperçois qu'Annick Rivoire a mis en ligne ma "petite" contribution intitulée L'étincelle, augmentée d'un entretien avec Elisabeth Lebovici et elle-même, et complétée par plusieurs œuvres musicales inédites dont mes premières datées de 1965 et 1968. La veille, elle a annoncé mon PopLab ainsi, en titrant ''Birgé met le feu au pop’lab''...


Il est parti à l’autre bout du monde, en promettant de ne pas se connecter, ou le moins possible, n’a tout de même pas pu s’empêcher de poster ses vœux sur son blog pêle-mêle, depuis la frontière laotienne. La veille, il vérifiait encore de façon quasi-obsessionnelle la dernière virgule à rajouter sur son pop’lab. La sixième parution du magazine en PDF de poptronics, donc, est signée Jean-Jacques Birgé. Le musicien, compositeur, cinéaste, auteur multimédia, designer sonore et génial autodidacte s’est collé à ce qui démange, à ce qui dérange : à l’origine même de la création artistique.


Cet artiste prolifique doté à la fois d’une culture encyclopédique et d’un goût pour les nouveautés technos est un prototype à lui tout seul. Né en 1952, voilà plus de trente ans que le co-fondateur d’Un Drame Musical Instantané investit tous les domaines artistiques, en en transgressant toutes les frontières. Il fait chanter les lapins communicants et cultive son blog avec la même gourmandise qu’il emploie à mitonner avec ses amis les réalisations multimédias les plus inventives (« Machiavel », « Alphabet », « Somnambules »…).


Pour répondre à l’invitation du pop’lab, il a choisi d’écrire un texte enrichi de liens hypertextes et de sons parfois inédits, tirés de ses archives numérisées pour l’occasion. En parfait passionné de l’improvisation, Birgé y compose une réponse autour de l’étincelle créatrice. Est-il possible d’analyser l’acte créateur ? D’où vient l’impulsion ? Comment la préserver ? Comment entretenir la flamme ? Variations impromptues sur le même thème… Bien loin de la réflexion théorique maintes fois rebattue, Jean-Jacques Birgé pose ces questions à la première personne du singulier, profitant de l’exercice pour se réinventer au passage. Un « work in progress » à son image, amateur et référencé, littéraire et limpide, réfléchi, rythmé et imaginatif.
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