Retour à la case départ, un mois plus tard. Sur ce Monopoly, dépenser 20000 bats s'avèrera heureusement impossible. Nous nous faisons un week-end shopping de folie en nous enfonçant à nouveau dans Chinatown, puis dans les shopping centers où s'exposent les jeunes créateurs. Vente en gros, trois robes très Courrège vendues dix euros les trois, des pantalons à trois euros, douze slips de garçon aux couleurs vives (introuvables où que ce soit ! J'avais fini par croire que c'était impossible) pour quatre euros le paquet, une valise orange qui se remarquera aisément sur le tapis roulant, etc. Nous la bourrons avec nos achats à concurrence de vingt kilos, jusqu'à ce que je me torde le poignet en la descendant du taxi en arrivant à l'aéroport de Suvarnabhumi, superbe réalisation dûe à l'architecte allemand Helmut Jahn. Des petits os ont bougé et je passe la nuit à me tenir le bras tant la douleur me fait souffrir.
Et puis, nous montons et descendons le fleuve, nous arrêtant à l'Hôtel Oriental. Sa navette vient nous chercher et nous ramène, mais je me sens toujours un peu mal lors de ces incrustes sauvages. Le sentiment d'usurpation ne me quitte pas. Comme dans une église, j'ai l'impression d'y être démasquable, alors que j'ai passé ma vie à noyer le poisson en battant les cartes. C'est le fardeau de tous les autodidactes qui ont réussi malgré tout. Françoise, elle, s'y meut comme un poisson dans l'eau.


Époustouflante mêlée des poissons-chats le soir le long de la Chao Phraya tandis que les enfants leur jettent du pain. Nous n'avons jamais vu autant d'animaux se ruant sur la nourriture avec cette voracité. Les bestioles sont énormes. Est-ce une façon de les engraisser avant de les pêcher ? Je filme le grouillement terrifiant avec mon appareil-photo...


Le matin de notre départ, tandis que nous descendons très tôt dans les soys de Chinatown pour acheter des chaussures, nous nous retrouvons face soit à un cortège célébrant la mort de la sœur du roi, soit à une répétition du nouvel an chinois qui se profile, soit à une autre fête que nos connaissances en chinois ne nous permettent pas d'identifier. Les enfants se coiffent des attributs du dragon, figures monstrueuses, corps ondulant ; les musiciens font sonner cuivres, flûtes, cordes et surtout percussions brillantes composées de cymbales crash, de gongs puissants, de métal éclatant...


Nous n'arriverons jamais à acheter les petites chaussures qu'a repérées Françoise, car les boutiques ne vendent qu'en gros ou demi-gros et les tractations avec les Chinois sont extrêmement difficiles. On a l'impression que cela les ennuie énormément de vendre à des étrangers. "T'achète ou pas, moi je m'en fiche !" est le leitmotiv de la matinée. Bon, bien alors, on s'en passera. Et nous repartons nous empifrer de quelque spécialité gastronomique dans une cantine populaire... Dommage que les règlements d'hygiène soient si contraignants sous nos latitudes ! Ces petites échoppes vont terriblement nous manquer. Au retour, nous apprendrons comment l'industrie agro-alimentaire a mis la main sur la restauration en imposant des lois absurdes. Ainsi, comme il est interdit d'utiliser des œufs frais, les restaurateurs doivent se fournir chez Metro pour acheter d'un côté les blancs, de l'autre les jaunes, sous vide ! Ce n'est qu'un exemple, mais seuls les restaurants gastronomiques ont l'autorisation de se servir de produits frais à condition de tout jeter chaque soir. Les fonds de sauce maison sont d'une autre époque, à moins de prendre le risque d'une très forte amende...


Retour à Bangkok, à sa fourmilière, à ses désirs de revenez-y. La suite se jouera chez Paris-Store, chez Tang ou dans les petites épiceries de Belleville... Le voyage est terminé, dernier épisode de la saison un.