70 mars 2008 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 31 mars 2008

Le goût d'avant, le goût d'après


C'est le printemps. Les primevères ont envahi le jardin d'Antoine et Chloé. Samedi, il ne pleuvait plus. On était trop contents d'aller les voir. Et sur le chemin on ne pouvait pas faire autrement que de retourner à la ferme de Mauperthuis faire nos courses de produits frais. Tous les fromages sont à tomber par terre : c'est la région du Brie et du Coulommiers... Si nous habitions plus près, nous prendrions un abonnement, mais c'est tout de même à 50 km de Paris. Vrai poulet, vrai lapin, vrai jus de pomme... Comme s'il pouvait y avoir de faux fruits, de faux légumes, de fausses bêtes ! Il est de plus en plus difficile de trouver du lait cru. Ici ça sent l'étable. Tout y est. L'endroit est presque trop bien tenu, on se croirait en Suède tant le moindre détail est à sa place, visite de la ferme, échantillons dégustation, parking, possibilité de réceptions, etc. C'est évidemment plus cher qu'à l'hyper du coin, comme le dimanche au marché des Lilas. On a l'impression de vivre dans deux mondes, un pied dans l'industrie normative, l'autre dans une flaque de bouse qui sent bon la nature. Le sous-vide a quelque chose de faussement hygiénique, c'est une poudre aux yeux, la lyophilisation du vivant, une usine de mort, celle du goût certainement et, par extension, celle de tous les sens.
Françoise tente depuis deux ans de s'inscrire au panier de l'AMAP (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne), mais il faut s'y prendre des mois à l'avance, c'est un peu dissuasif lorsque l'on a envie d'essayer... Pourtant, cela semble vraiment sympa et intelligent. Chaque semaine, un agriculteur bio de votre région vous fournit un panier de légumes. Comme vous payez à l'avance en début de saison, l'agriculteur s'assure un revenu stable et, de votre côté, vous bénéficiez d'un beau panier de légumes de saison à un tarif plus intéressant qu'en grande distribution puisque l'achat se fait directement entre le producteur et le consommateur. C'est tentant. Il y en a dans toute la France, dans les grandes villes, dans les campagnes, tout un réseau s'organise pour lutter contre l'absurdité de la consommation en général. Comme pour le reste, on revient au particulier, à la proximité, pour pouvoir ensuite s'étendre à nouveau. Il faut se grouper, se rencontrer, multiplier les fronts de résistance... Ici pour le ventre, ailleurs pour l'esprit !

dimanche 30 mars 2008

Des pierres roulaient dans le champ


L'autre soir, j'ai regardé Gimme Shelter de Albert Maysles, David Maysles et Charlotte Zwerin que je n'avais jamais vu malgré sa réputation et celle du festival gratuit d'Altamont qui marqua la fin des années 60 et du petit nuage psychédélique que Monterey et Woodstock avaient réfléchi. À l'époque, j'avais probablement craint un truc violent, comme je voyais le hard rock, que Led Zeppelin, entre autres, incarnait à mes oreilles. Les Rolling Stones en faisaient partie, trop lourds, trop physiques à mon goût. Je préférais le côté planant de la West Coast (j'ignorais qu'Altamont se situait près de San Francisco) et je n'en avais plus que pour Zappa et Beefheart. Altamont eut lieu le 6 décembre 1969 à l'initiative des Stones. Y étaient programmés Santana, Jefferson Airplane, The Flying Burrito Brothers et Crosby, Stills, Nash and Young, les anglais clôturant l'évènement. Devant le manque d'organisation catastrophique, le Grateful Dead avait annulé sa prestation.
Au delà de l'énergie de Mick Jagger qui m'a toujours bluffé, je suis subjugué par le film, véritable documentaire de création sous la forme d'une enquête policière sans que les auteurs aient eu besoin d'ajouter le moindre commentaire. Ils eurent la chance de se trouver là pendant les préparatifs, les tractations avec l'avocat retors des Stones (qui avait été celui de Jack Ruby, l'assassin d'Oswald dans l'affaire du Président Kennedy), le concert évidemment, mais également tout ce qui s'est passé off stage, magnifiques instants capturés parmi la foule des 300 000 spectateurs, ambiguïté de Mick Jagger sur la conduite à tenir, et, surtout, le meurtre d'un jeune black par un des Hell's Angels survoltés. Meredith Hunter, facilement repérable dans son élégant costume vert pomme, avait dégainé un flingue vers la scène lorsqu'il fut ceinturé et poignardé par les Anges, chargés du service de sécurité. Les cadrages d'Albert Maysles sont époustouflants, le montage de Charlotte Zwerin aussi intelligent que le sera son génial film sur Thelonious Monk, Straight No Chaser. Il n'y a pas que la musique, Gimme Shelter est tout simplement un grand film noir. Ce documentaire exceptionnel est édité en dvd sur le label de référence Criterion, remasterisé de main de maître, avec un paquet de bonus passionnants (attention, Zone 1).

samedi 29 mars 2008

Comment supporter nos chaînes ?


Ces pas font sourire. On en a forcément besoin. Le rythme n'a pas changé. On voit bien d'où ça vient. Les esclaves avaient heureusement la danse et la musique pour tenir le coup. Et nous, qui sommes-nous si ce n'est d'autres esclaves ?

N.B. : Trampled Under Foot figure sur l'album Physical Graffiti de Led Zeppelin (1975). J'aimerais bien connaître l'auteur du clip.

P.S. : je ne vais pas en rajouter, toute la presse en parle, mais Poptronics, sous la plume de Jean-Philippe Renoult, l'évoquait déjà jeudi, et donnait surtout à l'entendre, des chercheurs ont réussi à décrypter le plus vieil enregistrement de l'Histoire, daté d'avril 1860, dix-sept ans avant le phonographe d'Edison ! D'autres sons (dont une trace de 1857) enregistrés sur le phonautographe d'Edouard-Léon Scott de Martinville et d'autres détails sur First Sounds...


En commentaire du blog des cultures électroniques, j'écrivais Formidable ! Bouleversant... On retrouvera peut-être un jour une image de la Cour de Louis XIV captée par une camera obscura et fixée par je ne sais quel phénomène accidentel... Edouard-Léon, dont la librairie était située rue Vivienne, là où je vécus mes premières années, rejoint bien tardivement le petit club des fondateurs du monde moderne.

vendredi 28 mars 2008

Recompositions d'Aldo Sperber


J'ai d'abord connu Aldo Sperber peintre et sculpteur. Probablement avait-il eu d'autres vies encore avant cela ? J'adorais ses collages qu'il encadrait après leur avoir donné du volume. Dans le salon, Françoise accrocha une valise lumineuse creusée par un petit autel où trône un personnage kitsch en coquillages et posa un vase constitué de deux ampoules électriques évidées, soudées à une forme de poids et mesures et au manche d'une fourchette...
Je n'ai pas été convaincu d'emblée lorsqu'Aldo est passé à la photographie. Lorsque l'on change d'outils et de support, il faut souvent un peu de temps et beaucoup de travail à l'artiste pour retrouver ses billes éparpillées dans cette nouvelle cour de récréation. Et puis voilà, Sperber refonde son site Internet et classe ses œuvres en quatre catégories : extérieurs, intérieurs, monde des jouets, portraits. Toutes forment un ensemble de situations cocasses, d'illusions suggestives, de parties cachées où l'humour se joue souvent sous l'angle des dimensions.
Dans la partie Indoor, on reconnaîtra quatre images du Ciné-Romand et deux où le chat Scotch a prêté sa fourrure. Toy World renvoie les modèles à leur matière plastique, désincarnant les corps pour souligner leur conventionnalisme. Des appendices rhabillent les portraits. Toutes les images, souvent drôles, parfois très inquiétantes, réfléchissent le monde du rêve et de l'inconscient...

jeudi 27 mars 2008

La femme est le prolétaire de l'homme


En jetant un coup d'œil en arrière aux images qui illustrent les billets récents qui s'affichent lorsque je déroule l'écran, je note que beaucoup traitent de femmes lorsqu'elles n'en sont pas les incitatrices. Je ne m'en étais pas aperçu. Le Journal des Allumés est mis en pages par Daphné Postacioglu, Lucie Cadoux m'indique des films d'animation, Anne Montaron nous enregistre en concert avec Ève Risser et Yuko Oshima tandis qu'Agnès Varda nous filme, le blog de Fani croque toute cette jeunesse à belles dents, la voix de Channy Moon Casselle flotte dans le salon, Françoise est partout, Marie-Dominique Robin enquête sur Monsanto, les dessins érotiques de Melinda Gebbie sont magnifiques, Maïwenn signe un film bouleversant, enfin Louise Bourgeois coiffait hier le tout de sa sensibilité et de son intelligence... J'aurais pu remonter jusqu'aux premiers jours du mois, Sonia Cruchon dirigeant l'équipe pour les Ptits Repères, Karine Lebrun, Christine Lapostolle et Danièle Yvergniaux aux Beaux-Arts de Quimper comme Barbara Dennys aux Arts Décos d'Amiens, Marjane Satrapi avec Persepolis, Danièle Huillet laissant seul son Straub, etc.
Le statut des femmes a bigrement changé depuis un demi-siècle. Nous n'entendrons heureusement bientôt plus qu'il y a peu de compositrices ou de grandes peintresses dans l'histoire de l'art. Dans le passé, les femmes devaient arrêter leurs activités créatrices dès lors qu'elles enfantaient. Pour les plus résistantes, leur mari signait à leur place ou elles prenaient un pseudonyme masculin. Les écrivaines ont donné le ton, telle Colette se dégageant de la tutelle de Willy. Combien d'Alma Mahler durent se taire et de Gertrude Kolisch s'effacer devant son Schönberg ? Edward et Nancy Kienholz signent désormais ensemble, comme Christo avec Jeanne-Claude...
Si les femmes prennent le pouvoir en art, elles singent brutalement les hommes en politique ou dans l'entreprise. Là où règne la violence, il n'est pas facile de développer sa spécificité féminine et de s'imposer. La parité passe par l'indépendance. Dans le monde du travail (comme si l'art n'en était pas !), le féminisme a encore de beaux jours devant elles. Dans l'esprit des mâles, tout reste encore à faire, et leurs "compagnes" en sont hélas imprégnées. Les jeunes gens ne peuvent imaginer à quel point le statut des femmes a changé. Elles n'eurent le droit de voter en France qu'à partir de 1944 et d'ouvrir un compte en banque sans l'accord de leur mari qu'en 1965 ! Les combats menés tout au long du siècle dernier portent lentement leurs fruits. Je me faisais régulièrement engueuler lorsque je soutenais que les femmes artistes n'expriment pas la même sensibilité que les hommes. En 1981, lorsque nous engageâmes un tiers de filles dans le grand orchestre du Drame, l'esprit du groupe respira la santé ! Mais chaque fois que nous bouclons un nouveau numéro du Journal, nous nous rendons compte que la gente féminine est encore bien peu représentée. Françoise note tout de suite que tel festival a un jury 100% masculin ou que parmi les films présentés il y a encore si peu de réalisatrices. En 1975, alors que j'étais assistant sur le disque produit par le Parti Communiste célébrant l'année de la femme, le Comité Central refusa la phrase d'Engels qui donne son titre à cet article. Elles sont là, mais on ne leur laisse encore que des strapontins. À suivre.

mercredi 26 mars 2008

Rabashung


Lorsqu'on écrit une chanson, se pose toujours la question de savoir si l'on écrit les paroles ou la musique en premier. Les deux ont leurs avantages et leurs inconvénients. Alain Bashung a l'originalité de mener les deux de front, mais pas ensemble. Il accumule du matériau, et cherche souvent ensuite à rapprocher les unes des autres. Quelles paroles sur quelle musique, quelle musique sur quelles paroles ? Pour ce faire, il bosse l'articulation qu'il soigne plus que n'importe quoi. Il y a là un véritable travail d'interprétation.
Pourtant, je suis déçu par Bleu Pétrole. Le dernier Bashung est sympa, mais pas de quoi grimper au rideau. La voix est belle, mais les mélodies et les orchestrations banales. Je ne suis pas friand de Gaëtan Roussel (des groupes Louise Attaque et Tarmac) qui écrit la plupart de l'album et les reprises de Suzanne de Leonard Cohen ou d'Il voyage en solitaire de Gérard Manset (qui participe aussi à Bleu Pétrole sur Vénus, Comme un Lego et Je tuerai la pianiste) ne sont pas à la hauteur des originaux voire même de la reprise du tube de Manset par Cheb Mami en son temps. Je réécoute les albums Play Blessures, Osez Joséphine, Chatterton, mais c'est vrai que cela fait déjà quinze ans ! J'avais adoré les live du cd Confessions Publiques et du dvd de La tournée des Grands Espaces, mais, que voulez-vous, j'ai chroniquement besoin d'être surpris...
Le logiciel Opendisc présent sur le cd donne aussi accès à des bonus sur Internet, mais pour l'instant rien ne fonctionne encore correctement... Si vous cédez à la tentation, cela se comprend parce que le disque s'écoute tout de même avec plaisir, optez pour la version de luxe qui comprend un magnifique livret et un dvd pour seulement quatre euros de plus. Comme avec Radiohead, l'objet est le meilleur rempart contre le piratage...

Louise Bourgeois, la femme araignée


96 ans et toujours en activité, Louise Bourgeois est exposée au sixième étage du Centre Pompidou pour notre ravissement. Il est amusant de constater les influences ou les coïncidences que son œuvre partage avec les grands courants du XXème siècle, d'autant qu'elle n'adhéra à aucun. Son œuvre est unique, drôle et sévère, psychanalytique et ludique, puissante et provocante... Passé les dessins, les peintures et les sculptures dont ses célèbres araignées (j'ai toujours eu un faible pour les araignées !), nous sommes fascinés par ses lieux de mémoire, les Cellules que l'artiste réalise dans les années 90 (elle est donc née en 1911), installations ressemblant aux pièces d'une maison où viennent s'inscrire de rares objets qui sèment partout une fiction fortement inspirée par son vécu, en particulier ses années d'enfance et sa découverte de la sexualité. Je suis intéressé par les passerelles que les Cellules dressent vers le cinématographe sans pour autant aucune référence filmique. On découvre d'abord l'œuvre monumentale dans son ensemble, on tourne autour (travelling), on s'approche de détails sans y avoir auparavant prêté attention (gros plans qui font soudainement oublier tout le reste, cut), les miroirs disposés dans le décor recadrent les scènes (découpage), on commence à tisser des liens entre tous ces éléments (montage), on y est même plongé corporellement. Ces chambres de bois ciré ou grillagées me rappellent vaguement un Kienholz qui aurait pris ses distances avec son sujet ou une boîte de Cornell dans laquelle nous aurions été rapetissés par Lewis Carroll, à la taille de ses poupées de tissu rose. Les vidéos projetées au quatrième étage du Musée, où se poursuit discrètement l'exposition (ne manquez rien), sont exceptionnelles. Je vous laisse découvrir le reste, c'est jusqu'au 2 juin...

mardi 25 mars 2008

Films en (re)vue


À une époque où je sortais plus que je n'accumulais, je fonçais voir les nouveaux films le mercredi, voire même à la séance de 14 heures pour être certain de ne rien avoir entendu auparavant qui risque d'influer sur mon appréciation. Je ne lis d'ailleurs jamais aucune critique avant de m'être fait ma propre opinion et j'évite autant que je peux de déflorer les films dont je parle dans mes billets ou mes articles (pardonnez-moi ci-dessus l'extrait du film de Maïwenn). Il m'arrive de temps en temps de me laisser entraîner au Cin'Hoche, la salle d'art et essai municipale de Bagnolet qui passe une excellente sélection de films récents en version originale, mais le plus souvent je les découvre sur mon écran dans la salle de cinéma que je me suis construite il y a déjà huit ans. J'attends souvent qu'ils passent sur les chaînes satellite auxquelles je suis abonné, et si je ne peux pas résister à la tentation, je les commande sur des sites américains, le taux du dollar étant actuellement si bas qu'ils donnent chaque fois l'impression de faire une affaire.
Tout ce préambule pour expliquer que j'ai regardé quelques gros films populaires à commencer par Redacted de Brian de Palma que m'avait conseillé Jean Rochard qui s'était rattrapé de son énervement contre le petit dernier des frères Coen (rien d'étonnant, je suis moi-même peu friand de leur maniérisme brutal). Redacted commence par un remarquable générique en forme de caviardage, la censure transformant sans cesse le sens de la phrase sans que l'on n'ait vraiment le temps de lire, mais seulement de deviner. La suite est un astucieux montage de séquences comme filmées par des équipes différentes, sous des angles choisis, film amateur en dv, documentaire à la française, télé américaine, diffusion de scènes scandaleuses sur le Web, caméra de surveillance, etc. La guerre en Irak est traitée avec un regard acéré et critique sans aucune concession à la politique bushienne. De Palma montre surtout qu'aujourd'hui plus aucun événement n'échappe à sa surexposition, qu'il soit (plus ou moins) réel ou totalement fabriqué. Au delà de ce film, seule la culture politique (voire cinématographique, mais ce souhait est encore plus improbable !) de chaque spectateur lui permettra de comprendre toutes les situations surmédiatisées et de faire peut-être le tri entre le bon grain et l'ivraie.
Je ferais mieux de taire Bienvenue chez les Ch'tis dont la lourdeur n'a d'égal que la vulgarité, racisme et homophobie aidant, Juno dont la légèreté morale est suffocante, avec scénario, pourtant oscarisé, d'une convention et d'une platitude achevée, ainsi que The Darjeeling Limited de Wes Anderson dont les précédents m'avaient été encensés par une bande d'étudiants américains et qui se révélèrent être en effet de grosses couillonnades potaches dont le succès critique m'épatera toujours, sans parler de l'esthétisant et soporifique The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford d'Andrew Dominik qui ressemble à du James Ivory au Far West (ce qui me rappelle que j'ai commencé à regarder le film muet de Koulechov, Mr West au pays des Soviets, mais je ne sais pas si la curiosité me tiendra en éveil non plus jusqu'au bout...). Grosse déception avec There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson dont j'avais apprécié essentiellement Magnolia, grande fresque pétrolifère d'un classicisme achevé où l'on ne reconnaît nulle part la personnalité de P.T.Anderson, pas plus que l'on n'est épaté par la direction d'acteurs qui le caractérisait dans ses précédentes œuvres.
Je préfère largement The Host du coréen Bong Joon-ho (Bong est le nom de famille), film de monstre plein d'humour et de clins d'œil acerbes sur la pollution, les origines des virus, le SRAS, l'ingérence américaine et les manipulations médiatiques (on y revient toujours !). Le scénario repose sur un accident réel, survenu en 2000. Le film a incité les écologistes de Corée du Sud à demander une enquête sur la pollution causée au pays par les bases militaires américaines : Albert McFarland, un entrepreneur de pompes funèbres travaillant pour les forces américaines en Corée, qui aurait ordonné en 2000 le déversement de formaldéhyde dans la rivière Han qui traverse Séoul, fut condamné à deux ans de suspension et mis en liberté sous caution, voir le détail des références difficiles à comprendre par un occidental sur Wikipédia). Sous ses fausses allures de film d'épouvante, nous assistons à une comédie politique (c'est le plus gros succès coréen de son histoire avec 13 millions de spectateurs !).
Je terminerai par deux films nettement plus stimulants que l'ensemble sus-cité, le premier vu à la télé, soit Pardonnez-moi de Maïwenn Le Besco, le second découvert grâce à la Scam, soit le documentaire de Mosco Boucault, Roubaix, commissariat central, affaires courantes. Ces deux films posent la question de la véracité : comment Maïwenn réussit-elle à tourner avec tant de naturel alors qu'elle joue plus ou moins son propre rôle et comment Boucault arrive-t-il à filmer des individus dont le témoignage risque de leur porter préjudice ? Roubaix suit les enquêtes d'un commissaire new look en proie à la misère des petites gens. À la méthode manipulatrice des interrogatoires policiers répondent les mensonges des suspects. Aux termes de l'enquête les assassins seront piteusement démasqués. C'est très fort, on en reste bouleversé longtemps après que l'on ait rallumé la salle. Même constat avec Pardonnez-moi, stupéfiant règlement de compte familial qui joue également du filmage comme élément scénaristique. Son auteure sera-t-elle capable de relever son nouveau défi de filmer ''le bal des actrices'', sa seconde fiction documentaire actuellement en fabrication ? Face à l'industrie étatsunienne, l'artisanat local a de beaux jours devant lui, ça résiste bien !

lundi 24 mars 2008

Vestiges


Françoise aurait rêvé emporter cette peinture sur bois installée dans la rue principale de Luang Nam Tha, devant l'immeuble administratif en construction, mais le peintre n'est pas de la région. L'enquête nous aurait menés à Ventiane où nous aurions dû passer des jours de guichets en bureaux pour connaître l'auteur anonyme de cette scène réaliste. Dans les bazars laotiens, elle cherche des artistes comme celui-ci, mais les tableaux proposés aux touristes sont autant de poulbots ringards et couchers de soleil sur rizières à peine dignes de figurer sur un calendrier des postes. Le business des souvenirs est d'ailleurs étrangement conventionnel ; les mêmes choses sont exposées partout ; il faut être sur le qui-vive pour sentir l'objet unique lorsqu'il passe à portée. Françoise aurait peut-être dû se lancer dans l'import-export ? Lorsque les autres filons auront été exploités, on découvrira probablement les œuvres qu'a produites le réalisme socialiste chinois. Les galeristes mettront la main sur ces artistes singuliers comme ils s'entichèrent du Congolais Chéri Samba aujourd'hui exposé dans les musées d'art moderne du monde entier. Cela nous changerait des vacuités adolescentes que répand régulièrement le Palais de Tokyo. Inculture et arrogance sont devenues les mamelles de la France. Vous pensez que je divague, que je passe du coq à l'âne ? En effet : le président qu'elle s'est choisi répond bien à cette image, même s'il aurait préféré un poster de Mount Rushmore ou la photo d'un beau voilier...

dimanche 23 mars 2008

Traité de bave et d'éternité


Enfant, j'entendais mes parents parler d'un poète avec un nom qui sonnait bizarrement musical et dont le style onomatopique résonne encore à mes oreilles comme mon père imitait la poésie lettriste. Dans les années 50, Isidore Isou, comme Boris Vian, rédigeait des petits textes grivois pour une revue légère dont mon père s'occupait. Ni l'un ni l'autre ne signaient ces petites choses destinées à arrondir leurs fins de mois. Il est probable que les singeries musicales paternelles m'influencèrent plus tard dans mon goût pour les allitérations et la musique contemporaine !
Dans le volume 2 de l'Anthologie "Avant-garde" éditée en double dvd par Kino à partir de la collection Raymond Rohauer (édition américaine multizones lisible sur un lecteur dvd français, sous-titres anglais non optionnels), je découvre enfin le Traité de bave et d'éternité de l'inventeur du lettrisme, aux côtés d'un magnifique Paul Léni, Rebus-Film n°1, d'un des deux films de Jean Epstein que j'ai maintes fois mis en musique avec le Drame, La chute de la Maison Usher (l'autre, La glace à trois faces, figure avec Le tempestaire sur le Volume 1), du Pacific 231 de Mitry avec la musique d'Arthur Honegger, et de films de Willard Haas, Marie Menken, Sidney Peterson, James Broughton, Gregory J. Markopoulos, Dimitri Kirsanoff et Stan Brakhage que je n'ai pas encore eu le temps de regarder. Le volume 2 couvre la période 1928-1954.
Les deux premiers tiers du film de deux heures d'Isidore Isou (1951, une version expurgée de 78 minutes figure sur ubu.com) est une déambulation dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés tandis que le poète, devenu cinéaste pour l'occasion, déballe une loghorrée de provocations incisives et mégalomaniaques, critiques explosives du cinéma bourgeois anticipant le situationnisme de Debord, humour dévastateur qui trouve son apogée dans la dernière partie où les outrages graphiques à la pellicule sont enfin accompagnés de poésie lettriste. Le film fait partie de ces objets rares, culte pour certains, dont on a entendu parler, mais qui furent longtemps difficiles à voir ou entendre, comme Pour en finir avec jugement de dieu d'Antonin Artaud ou Radiophonie de Jacques Lacan, comme le film La dialectique peut-elle casser des briques ou maints chefs d'œuvre du cinéma expérimental.

samedi 22 mars 2008

On bande dessiné


Je suis passé au Monte-en-l'air déposer des exemplaires du Journal des Allumés illustré par d'excellents dessinateurs et trices dont les inédits enflammés raviront les fans de bandes dessinées... J'en profite chaque fois pour y faire mes courses avant d'enfourcher ma monture pour entamer la dernière grimpette vers la Porte des Lilas via Gambette.
Je n'ai pas fait attention que le Tome 4 du Combat ordinaire de Larcenet était paru. Il faudra que j'y retourne. Je venais chercher le nouvel Art Spiegelman, en fait la réédition de ses Breakdowns initialement parus en 1978 aux USA. Grand format, papiers spéciaux comme pour son précédent À l'ombre des tours mortes, le somptueux album offre une variété de travaux antérieurs à Maus. Le côté juif new-yorkais à la Woody Allen, drôle et déprimé, se précise. En plus, c'est dense, il y a de quoi lire. J'adore Spiegelman, des Crados au chef d'œuvre qui lui valut le Prix Pulitzer...
Mais la révélation vient de l'épais volume que le libraire dévore seul dans son coin à l'ombre de sa guérite. Cette phrase sonne comme un contrepet bien compliqué. Fruit de la collaboration d'Alan Moore et Melinda Gebbie, Filles perdues est un ouvrage qui fera date dans l'histoire de la BD, par sa qualité graphique, l'érotisme qu'il dégage et l'intelligence de son propos. C'est à la fois torride et élégant, inspirant et soufflant. Melinda Gebbie puise ses sources chez les peintres des débuts du XXe siècle. De quoi se secouer l'art nouille, jouer les fauves et tremper ses pinceaux pour en voir de toutes les couleurs à l'ombre de trois jeunes filles en fleurs à qui personne ne pourra plus ensuite conter fleurette. Remarquablement écrit, sa traduction n'a pas dû être zézée. Rappelons qu'Alan Moore est l'auteur de V pour Vendetta, des Watchmen, de La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, et que les premiers comics de sa femme (serait-ce donc en tout bien tout honneur ? Debbie et Alan se sont mariés l'année dernière...), Fresca Zizis, furent interdits, il y a vingt ans déjà, dans leur pays, ô perfide Albion ! Si les superbes dessins revendiquent leurs lettres de noblesse, les récits font référence tant aux chefs d'œuvre de la littérature érotique qu'aux contes de fées et gestes dont les héros racontent une enfance tourmentée, moins à cheval sur ses principes que l'on n'imaginait. Pour adultes. Pour adultes aimant les belles choses.

vendredi 21 mars 2008

Themroc, c'est pas de l'amour, c'est de la rage !


THEMROC de Claude Faraldo est diffusé ce soir sur ARTE à 23h30.
Le film, sorti en 1972 et difficilement visible depuis, a laissé un souvenir inoubliable à tous les jeunes gens de l'époque.
Michel Piccoli y est grandiose.
Une fable anarchiste sauvage, dialogue inintelligible, avec la troupe du Café de la Gare, mais passé l'extrait vidéo dans le métro, je vous laisse découvrir ce film qui ne ressemble à aucun autre. L'année précédente, Claude Faraldo, récemment disparu, avait réalisé Bof... Anatomie d'un livreur dont Jean Guérin avait signé la musique avec les camarades Bernard Vitet et Jean-Louis Chautemps. Ici le son d'Harald Maury a évidemment la part du lion... Bonne soirée !

Monsanto, l'invasion des profanateurs de nos cultures


Arte, qui a diffusé le film de Marie-Monique Robin la semaine dernière, publie en dvd Le monde selon Monsanto, disponible en exclusivité sur arteboutique et dans les magasins Nature et Découverte. Un livre est également paru aux Éditions de la Découverte.
Au même moment, mercredi, le Conseil d'État a heureusement rejeté les recours de producteurs qui réclamaient la suspension de l'arrêté interdisant la culture du maïs OGM en 2008, ce qui confirme la décision du gouvernement prise en janvier dernier. Le Conseil d'Etat a décidé de rejeter les recours déposés le 20 février dernier par des producteurs français de maïs et des semenciers. Cependant, la décision du Conseil n'est pas définitive, puisque l'institution devra encore se prononcer sur le "fond" du dossier, à une date qui reste à fixer. Le groupe américain Monsanto, qui commercialise le maïs OGM MON810, s'est dit "déçu" de la décision du Conseil d'État, mais est "convaincu" de pouvoir l'emporter par la suite. De leur côté, les ONG, la fédération France Nature Environnement (FNE, 3000 associations) et Greenpeace, se sont "réjouies" de la décision.
Il est absolument nécessaire de comprendre la bataille acharnée que se livrent les industriels des biotechnologies et les militants anti-OGM. Rappelons donc certains faits. Monsanto, après avoir fabriqué l'agent orange utilisé pendant la guerre du Vietnam, les PCB qui contiennent de la dioxine, produit un insecticide, le Roundup, qui tue toutes les semences exceptées celles qu'elle produit. Ses graines ne sont pas replantables d'une année sur l'autre, obligeant les paysans à racheter chaque année ces semences brevetées et les ruinant, après avoir ruiné leurs terres. Les contrevenants se voient infliger de lourds procès ! En Inde, près de 700 paysans ont ainsi été poussés jusqu'au suicide. Là où cela se corse, c'est que les semences génétiquement modifiées pour résister à l'insecticide maison et à toutes les agressions (sauf celles des faucheurs !), polluent les cultures traditionnelles. On ne peut empêcher le vent de les faire voyager pas plus qu'on ne peut empêcher les nappes phréatiques de courir et les sols de communiquer. Les paysans se laissent abuser par la publicité sur les qualités mensongères des produits Monsanto ou Pioneer et se retrouvent ensuite acculés à ne plus pouvoir utiliser d'autres semences. Il suffirait ensuite à cet industriel qui détient les brevets de plus de 90% des OGM cultivés sur la planète de ne plus livrer ses commandes pour affamer des populations entières pour faire pression sur tel ou tel pays rétif à la politique américaine ! Les OGM ne sont donc pas seulement dangereux écologiquement, criminels, mais probablement l'arme de guerre la plus puissante et la plus simple à utiliser par les États Unis.

jeudi 20 mars 2008

La marche bègue ou le progrès par bonds


En discutant au téléphone avec Bernard du concert du Triton, je me rends compte à quel point la fragilité de nos expériences scéniques est inévitable et la démarche incontournable. Lorsque nous travaillons en studio ou sur le papier, nous pouvons essayer ci ou ça, et corriger nos errances au fur et à mesure. Nous affinons le travail jusqu'à ce que nous obtenions ce dont nous rêvons. Lorsque nous expérimentons des rencontres inédites en spectacle vivant, puisqu'il est ainsi coutume d'appeler les représentations publiques, nous ne pouvons éviter les tâtonnements, les à peu près, certaines provocations maladroites ou gauches tendresses. Il est indispensable d'en passer par là pour préciser les rôles et savoir où cela peut aller, jusqu'où peut-on "aller trop loin". C'est le jeu de la découverte qui donne son sel à l'expérience. Les collaborations durables s'inventent ainsi au jour le jour, les "premières" se révélant plus déterminantes que nulle part ailleurs. Comme dans la vie quotidienne, c'est en marchant, en se heurtant, en découvrant nos complicités que nous fabriquons l'œuvre en devenir. Généralement le public s'en fiche, il assiste à un mouvement plutôt qu'à un aboutissement, et sa présence est nécessaire, car tout ce qui se produit là, en scène, lui est directement ou indirectement adressé. Lorsque la rencontre a eu lieu, c'est-à-dire qu'elle s'est bien passée, que la passe a eu lieu, que l'échange de passes a été fructueux artistiquement et riche d'enseignement, il ne nous reste plus qu'à recommencer (sans pour autant reproduire !) pour mettre à profit ce que l'évènement a suscité de réflexions et de désirs.

mercredi 19 mars 2008

Le n°21 des Allumés est imprimé


Si les abonnés ne le recevront dans leur boîtes à lettres que début avril (c'est gratuit, pour le recevoir chez vous dès le prochain numéro), vous pouvez déjà le télécharger au format pdf.
Le dossier "La musique vaut-elle le dérangement ?" rassemble un entretien avec le philosophe Bernard Stiegler (par J.Rochard et votre serviteur), un débat rapporté par Olivier Gasnier avec Fabien Barontini, Jean Rochard, Jean-Paul Ricard, Mathieu Immer, Leïla Cukierman, Valentine Gautier, Gaëlle Bougeard, Pablo Cueco, Pascale Labbé, encore moi (qu'allez-vous penser ?), et des réponses de Muriel Teodori, Michel Thion, Fabien Barontini et Cueco...
Vous retrouverez des articles de Jean Rochard (avec qui je partage la rédaction en chef du Journal), Pablo Cueco, Jean-Louis Wiart, Étienne Brunet, Jean-Paul Ricard, des entretiens avec Bruno Chevillon (devinez de qui sont les questions !), Benjamin Bondonneau (M.Immer), ma chronique dvd (ainsi qu'un texte sur le web 2.0), le Coin du Polar de l'Inspecteur de Paul, les commentaires de Lydia Domancich, Jean Morières, Sylvain Kassap, Bertrand Denzler, Xavier Garcia et JT Bates sur leur participation à la soirée des Allumés du Solo à Brest. L'écrivain Claude Chambard écrit ses impressions à l'écoute des 20 nouveautés sorties sur les labels adhérents des Allumés du Jazz en s'inspirant d'un tableau de Charlotte Salomon. Le pianiste Marc Sarrazy commente la photo de Guy Le Querrec. Le numéro est illustré par les dessinateurs Jeanne Puchol (couverture), Cattaneo, Johann de Moor, Efix, Sylvie Fontaine, Laurent Percelay, Andy Singer, Pic et Zou...
Très beau numéro encore cette fois imprimé sur un joli papier blanc, qui tâche moins les doigts que d'habitude, par Rotographie à Montreuil.
24 pages denses, aérées, avec beaucoup à lire et autant à s'insurger ou rigoler. Les pages centrales ont été revues entièrement, les disques à vendre apparaissant label par label. Mise en pages toujours plus claire grâce aux bons soins de Daphné Postacioglu qui s'est chargée de ce numéro en l'absence de Valérie.
La formule du Journal est donc toujours gratuite, mais vous pouvez aussi soutenir les Allumés et leur Journal en envoyant de 0 euro (c'est pas beaucoup) à infini euros (?, ce n'est jamais trop !) à Allumés du Jazz, 128 rue du Bourg Belé, 72000 Le Mans. Dons non obligatoires, mais fortement appréciables pour que l'on puisse continuer en ces périodes troubles où le gouvernement flingue à tours de bras tout ce que revêt le mot culture...

mardi 18 mars 2008

Retour sur mon duo avec Nicolas Clauss


Donc, le lendemain, pour mon duo avec Nicolas Clauss à L'Échangeur, je n'emporterai pas de clavier. Mon instrument principal devient mon micro devant lequel je chante, joue de la flûte et de la trompette à anche. Je transforme tous les sons en temps réel, les miens comme ceux que Nicolas produit en jouant de ses modules interactifs, avec mon Eventide (une sorte de synthétiseur d'effets que j'ai programmés) et mon AirFX que je module sans le toucher en faisant au dessus de lui des passes "magnétiques" (en fait, optiques, puisqu'il s'agit d'un rayon avec un système de repères en 3D). Jamais nous ne sommes parvenus à faire aussi bien ressortir l'humour grinçant de Jumeau Bar, les effets amplifiant les intentions critiques que véhicule ce petit bar de campagne. Après un White Rituals des plus SM, voix et flûte aidant, j'accompagne L'ardoise avec mon Tenori-on dont je joue ce soir pour la première fois. J'oscille entre le côté kawaï (mignon) des dessins d'enfants et les sujets graves qu'ils évoquent. Lorsque je n'installe pas le cadre, décor qui permettra tous les possibles et parfois même l'impossible, je cherche surtout la complémentarité avec les images projetées par Nicolas. Nous terminons notre petite prestation par de délicats et lugubres Dormeurs qui s'écroulent au combat comme des quilles s'affalant sous leur propre poids et font sonner leur marche ralentie au son d'une martiale trompette à anche. Rebelote. Nicolas et moi sommes aux anges, impatients de recommencer l'expérience du duo, et heureux d'avoir participé à une si belle soirée. Françoise Romand a réagencé quelques extraits de notre prestation pour le petit film qu'elle a réalisé.
Mirtha Pozzi et Pablo Cueco avaient ouvert le bal par leur duo de percussion, avec Étienne Bultingaire aux manettes. Grosse surprise du remarquable jeu théâtral de Didier Petit qui partage la scène avec son violoncelle et le chorégraphe Mic Guillaumes. Final avec Jean-François Pauvros transformant son instrument en vielle et revenant progressivement vers ce qu'elle est, une guitare électrique vrombissante.
Le surlendemain, je vais écouter Pascal Contet maltraitant délicatement son accordéon devant l'installation végétale de Johnny Lebigot, Lucia Recio donnant la réplique aux sculptures en bois que José Lepiez caresse astucieusement, et les WormHoles dirigés de main de maître à l'archet par l'ami Didier Petit, grand organisateur de ce somptueux et malin mini-festival, hôte parfait, qui sait mieux que personne ce que signifie la générosité... Lucia passe d'un registre à l'autre, tantôt grave et bruitiste, tantôt rock et coupant ; Camel Zekri à la guitare en demi-teintes et Edward Perraud au jeu inventif et grinçant, Bultingaire aux effets métropolitains complètent ce quintet original dont la clarinettiste Carol Robinson est l'invitée et que je n'avais pas revue depuis l'enregistrement de Sarajevo (Suite). À l'entrée (et à la sortie !), Théo Jarrier et Hervé Péjaudier tiennent la boutique de disques installée sur des tréteaux de fortune et ça marche. Lors du concert au Triton, les vinyles du Drame étaient partis comme des petits pains, les plus jeunes étant friands de 33 tours. Même succès pour le nouveau Journal des Allumés que je suis allé chercher à l'imprimerie de Montreuil, livré en primeur à L'Échangeur... (à suivre)

lundi 17 mars 2008

Retour sur le concert avec Donkey Monkey


J'attendais que Françoise Romand ait monté cet extrait de notre concert pour revenir sur ma rencontre musicale avec Donkey Monkey, le duo formé par la pianiste alsacienne Ève Risser et la percussionniste japonaise Yuko Oshima. Le résultat fut à la hauteur de nos espérances. La complicité humainement partagée s'est laissée transposer naturellement sur la scène du Triton. La première partie, s'appuyant sur des morceaux du duo, était plus popisante tandis que la seconde, basée sur mes programmations virtuelles, était plus explosée. Comme chaque fois, il en faut pour tous les goûts et nous avons entendu assez de commentaires pour saisir que les uns ou les autres préfèrent tel ou tel morceau. C'est toujours ainsi. Si l'on écoute les avis des spectateurs, il faut en récolter suffisamment pour que tous les passages trouvent leurs admirateurs ou leurs détracteurs. Tout entendre, mais n'en faire qu'à sa tête, en l'occurrence un être tricéphale dont les méninges carburent au-delà de la vitesse autorisée. Après cette première rencontre sans véritable répétition, nous nous sommes découverts dans l'action. Je perçois ce que je pourrais améliorer à mon niveau : soigner les codas et développer les complicités avec chaque musicienne indépendamment de leur duo, dramatiser mon apport par des ambiances de reportage et des évènements narratifs, étoffer mon instrumentation acoustique lorsque les morceaux durent plus que prévu, par exemple j'emporterais bien le trombone et le violon vietnamien, mais je supprimerais les projections sur écran difficilement compréhensibles pour le public en les remplaçant par des compositions où l'improvisation libre se construit autour de modèles dramatiques.
J'en saurai plus après avoir écouté l'enregistrement de la radio. Nous avions en effet commencé la soirée par un petit entretien avec Anne Montaron puisque France Musique diffusera la soirée le 23 avril à 22h30 dans le cadre de son émission "À l'improviste".
Les filles ont lancé le mouvement, je les ai rejointes en commençant à jouer depuis les coulisses avec un petit instrument improbable que j'ai acheté dans un magasin de farces et attrapes il y a près de 40 ans ! C'est une sorte d'appeau dans lequel je dois souffler comme un malade pour en sortir de puissants sons de sax suraigus. Sur le dessus de cet instrument tricolore affublé d'une petite percussion en métal sur bois, je bouche le trou unique pour rythmer mes phrases. J'accompagne mon solo de déhanchements suggestifs tandis que je rencontre l'objectif d'Agnès Varda venue filmer notre performance en vue de son prochain film provisoirement intitulé Les plages d'Agnès. Mes guimbardes tiennent alternativement le rôle de basse et de contrepoint rythmique au duo excité du piano et de la batterie. Le second morceau est plein d'humour, Ève et Yuko chantant en japonais un blues nippon que j'accompagne avec des effets vocaux qui vont de l'électroacoustique déglinguée à des imitations yakuzesques de comédiens nô. La première partie se clôt sur un longue pièce de pluie où les sons tournent des unes à l'autre sans que l'on ne sache plus à qui sont les gouttes qui éclatent ici et là. Ève a préparé le piano avec des tas de petits objets étranges tandis que Yuko est passée au sampleur... Après l'entr'acte, les filles s'amusent à suivre ou contrarier de nouvelles gouttes, cette fois sorties tout droit du diagramme de FluxTunes projeté sur l'écran derrière nous, ping-pong qui nous oblige à rattraper les notes comme si c'était des balles. Les trois garnements étalent ensuite leurs jouets pour trois petits solos et une coda en trio (carillon, toy-piano, jeu de cloches, synthétiseurs et Theremin à deux balles) suivi d'un duo de pianos où Ève doit sans cesse rebondir face à mes quarts de ton renversés. Nous terminons par un zapping de ouf où je joue du module Big Bang face aux deux filles qui usent, abusent et rusent irrévérencieusement avec leur répertoire pour me couper systématiquement et alternativement la chique. Le petit rappel est on ne peut plus tendre, Ève s'étant saisie de sa flûte traversière, Yuko nous enchantant de sa langue maternelle et ma pomme terminant dans le grave de ma trompette à anche. Nous espérons maintenant pouvoir remettre ça un de ces soirs, ça, une véritable partie de plaisir !
Sauf les rares jam-sessions où je ne jouais que du Theremin, c'est la première fois que je jouais aussi peu de clavier. Mes touches noires et blanches et mes programmes construits au fil des années incarnent une sécurité dont je souhaite me débarrasser. Aussi, le lendemain, pour mon duo avec Nicolas Clauss à L'Échangeur, je n'en emporterai carrément pas... (à suivre)

dimanche 16 mars 2008

Zappa, Roma di Luna, Dr Alexei et Mr Crescent


En attendant le printemps et son cortège de nouveautés, j'écoute deux albums qui tournent sur ma platine l'un après l'autre, et l'autre après l'un. Le premier est un fantôme, le second une apparition. Particularité commerciale, les deux ne semblent commandables que sur Internet, et même très recommandables. Ça tourne !
La famille Zappa publie un double cd du grand orchestre que mon grand initiateur réunit en 1972 pour enregistrer Waka Jawaka et The Grand Wazoo, mais jamais aucun disque n'était sorti de la tournée de cet ensemble exceptionnel de vingt musiciens. C'est peut-être la période la plus jazz de Frank Zappa et forcément la mise en sons la plus claire de sa boutade critique, "le jazz n'est pas mort, mais il a tout de même une drôle d'odeur !" Si l'orchestre flotte parfois, la musique nous entraîne dans des sous-bois où les cuivres gazouillent puissamment au risque de s'égosiller, où percher sur des cordes donne souvent envie de se balancer, les piverts rythmant la symphonie de la forêt à coups de becs pointus. Je suis venu au free jazz grâce à Zappa, je me suis intéressé à la musique contemporaine par le même chemin et mon goût pour les sons symphoniques vient de cette vallée ensoleillée où les timbres relaient les mots sans qu'il y ait besoin de plus d'explication. Album instrumental majeur, Zappa/Wazoo ravira les amateurs d'invention musicale...
Jean Rochard m'indique le disque très folk de Roma di Luna intitulé Find Your Way Home. La voix de Channy Moon Casselle rappelle un peu celle de Sandy Denny dans Fairport Convention, nous faisant totalement chavirer par son timbre et ses intonations célestes. Le duo qu'elle forme avec son mari, Alexei Moon Casselle, me fait aussi parfois penser aux émotions produites par Leonard Cohen. Très personnelle, la musique est d'une extrême tendresse, même lorsqu'ils s'enfoncent dans de sombres abîmes, absolument craquante. Ils s'accompagnent à la guitare, au violon, au piano et ont, depuis l'enregistrement, étoffé le groupe avec une section rythmique. Jean me raconte qu'Alexei mène une double vie musicale sous le nom de Crescent Moon. Il devient alors le MC des groupes hip-hop Oddjobs puis Kill the Vultures. Double personnalité vivant dans les Twin Cities, les villes jumelles de Minneapolis et St Paul, il incarne aussi bien le Dr Alexei que Mr Crescent. Écoutez Roma di Luna et Kill The Vultures sur MySpace...

samedi 15 mars 2008

Le blog de Fani


Fani est la cadette de la famille Labbé-Morières, mais elle rattrape frère et sœur, père et mère, à la vitesse d'un petit cheval lancé au galop. Passionnée par ses études graphiques, elle dessine avec humour des personnages qui racontent la vie de ses proches sur son jeune blog. Fani Morières n'a pas froid aux yeux. C'est frais et on peut se demander comment tout va bouger, tandis que sa grande sœur Mathilde passe du montage à la réalisation, que le frère Antoine tape sur ses fûts avec toujours autant de véhémence, que maman Pascale roucoule et s'insurge et papa Jean souffle zen dans sa zavrila. Petit clin d'œil amical en signe d'encouragement à tous les bloggeurs et bloggeuses qui tentent une régularité de publication de leurs billets, et un grand sourire à toutes celles et ceux qui cherchent à trouver leur propre ton pour aborder l'exercice ! Rien de facile, beaucoup de temps, du travail et de la persévérance...

vendredi 14 mars 2008

Séance de rattrapage : je joue ce soir avec Nicolas Clauss


... pour celles et ceux qui n'ont pas pu venir hier soir au Triton. Les commentaires viendront plus tard...

Toutes les informations sur WormHoles An2 Coïncidences du 10 au 16 mars à L'Échangeur de Bagnolet (59, avenue du Général de Gaulle, 93170 Bagnolet. M° Galliéni) sont à cet endroit !
Ce soir vendredi à 20h30 précises le programme est dense avec rien que du bon :
Improvisations Préméditées avec la percussionniste Mirtha Pozzi, le zarbiste Pablo Cueco et Etienne Bultingaire au pupitre électronique
Entre eux deux avec le violoncelliste Didier Petit (qui organise l'évènement) et le chorégraphe Mic Guillaumes
Duo Impromptu Opus n°1 avec Jean-Jacques Birgé et le peintre interactif Nicolas Clauss. C'est encore une création, Nicolas et moi n'avons jamais joué ainsi en duo... Je retraite en temps réel les sons de "Jumeau Bar", j'ajoute ma voix aux "White Rituals" et je joue du Tenori-on sur "L'ardoise", tandis que Nicolas intervient en direct sur ces modules originalement créés pour le site Flying Puppet ou en installation, ici projetés sur grand écran.
Solo Impromptu Opus n°2 avec le guitariste Jean-François Pauvros
Décidément, je ne joue que dans mon quartier, on pourrait croire que c'est pantoufles, je conseille vivement aux programmateurs de la Seine-Saint-Denis de se mettre sur les rangs et de me passer un coup de fil, m'envoyer un mail ou un pigeon voyageur, mais il me reste encore quelques villes limitrophes ou arrondissements de l'est parisien où je ne suis pas encore intervenu...

jeudi 13 mars 2008

Je joue ce soir au Triton avec les filles de Donkey Monkey


C'est ce soir au Triton (à 50 mètres du métro Mairie des Lilas, 20 minutes depuis Chatelet - au bout de la ligne 11) ! Je le répète chaque fois que je joue quelque part : ne manquez pas ce concert unique, exceptionnel, parce que je ne me produis plus que très rarement, peut-être deux ou trois fois par an dont une seule fois à Paris si les astres sont bien disposés. Le Triton m'accueille encore aujourd'hui, et, comme chaque fois, dans une configuration inouïe. J'ai raconté, écrit comment j'avais rencontré les deux musiciennes de Donkey Monkey. Je suis aux anges de partager la scène avec elles ce soir. Je ne sais pas comment cela va sonner, mais ça va dépoter sévèrement tant ces filles ont la pèche. Nous avons prémédité la conduite de la soirée, mais rien n'est fixé dans le marbre, rien n'est couché sur le papier, c'est une vraie rencontre musicale de personnes qui ont tout de suite vibré en sympathie dans la vraie vie. La surprise réside maintenant dans la transposition musicale. Anne Montaron vient enregistrer le spectacle pour son émission À l'improviste diffusée sur France Musique le 23 avril prochain à 22h, mais rien ne vaut l'émotion du direct, d'autant qu'Eve Risser et Yuko Oshima ont un jeu très physique et que j'utilise, entre autres artifices, un écran où je projette des machines musicales inventées pour LeCiestEstBleu, ici l'inédit FluxTunes dans une version béta et Big Bang, module avec lequel j'ai réussi à faire ce que j'avais raté avec le grand orchestre du Drame.
Venez nombreux partager notre plaisir !

mercredi 12 mars 2008

Répétition avec Donkey Monkey


Françoise filme les répétitions qui ont lieu au Studio GRRR. Il y a du vent, dans le jardin les clochettes tintent avec véhémence, et de la fenêtre on voit le forsythia et le cognassier du Japon, branches constellées de petites fleurs jaune ou rouge. Yuko Oshima joue de la batterie Gretsch, que nous a prêtée Le Triton (où nous jouons demain jeudi), et d'un échantillonneur virtuel qu'elle transforme avec des effets analogiques. Tandis qu'elle chante en japonais, je fais le yakuza en prenant une voix grave et rauque, on s'y croirait. Je me suis entraîné avant et pendant mon voyage au Japon en 1996 lorsque nous avons monté les expositions sur la fête foraine à Kumamoto et Osaka avec Raymond Sarti et Zeev Gourarier. Ève Risser est obligée de "préparer" mon grand Yamaha droit, un U3, mais elle aura heureusement un piano à queue pour le concert. Elle chante aussi en japonais et joue de la flûte traversière. Ni l'une ni l'autre, nous n'emporterons nos Theremin comme nous l'avions annoncé, nous avons suffisamment de matériel à trimbaler comme ça. J'utilise beaucoup ma voix que je transforme avec le H3000, je joue de petits instruments à anche et des guimbardes, j'ai mon sempiternel synthétiseur VFX et les machines virtuelles, développées avec Frédéric Durieu, que je projetterai sur un écran au-dessus de moi et dont je transforme les sons avec un effet dont l'interface est un rayon infra-rouge en 3D. Nous nous entendons bien, c'est un régal. J'apprécie beaucoup notre façon de procéder, en évitant de trop répéter, mais en mettant en place la suite des morceaux, choisissant les timbres, évoquant nos intentions, soignant les transitions. La première partie est constituée de pièces du répertoire de Donkey Monkey sur lesquelles je me greffe et que les filles adaptent à la situation. Je donne le ton de la seconde, cette fois c'est à Ève et Yuko de rentrer dans mon monde. Il y a encore des zones de flou que nous devons mettre au clair aujourd'hui. C'est drôle comme j'ai passé une bonne journée à les écouter et à m'égosiller devant le micro, mais je suis ratatiné, comme elles d'ailleurs. Nous devons encore prendre le temps de nous reposer et de préparer le matériel. C'est la partie que j'aime le moins de ce travail, je risque chaque fois de me coincer le dos, alors je rêve d'une salle de spectacle où tout serait installé et où je n'aurais plus qu'à jouer...

mardi 11 mars 2008

Toot, Whistle, Plunk and Boom


Si Lucie me conseille ce film de Walt Disney tourné en 1953, c'est qu'il présente l'évolution des instruments de musique à travers les âges. Pourquoi une trompe s'enroula sur elle-même et fut affublée de pistons devenant la trompette, comment les instruments à anche gagnèrent leurs clefs, etc. Et ça fait Toot, Whistle, Plunk and Boom, alors que je devrais être soit en train de me reposer après la journée de folie que nous avons passée samedi à ne pas réussir à boucler le Journal des Allumés, soit à m'entraîner en vue des "répétitions" pour les concerts de jeudi (avec Donkey Monkey au Triton) et vendredi (avec Nicolas à L'Échangeur).
Je dois réécouter quelques morceaux enregistrés par les deux filles et préparer les modules musicaux que je projetterai sur la surface blanche située au-dessus de moi. J'ai retrouvé le vieil écran perlé de mon père, une longue boîte allongée d'où il se déplie sur ses bras articulés avec une odeur chimique qui m'a toujours fait tourner la tête. Elsa m'apportera son PowerBook la veille, car FluxTunes ne tourne pas correctement sur les puces Intel. Il ne s'agit pas de répétitions à proprement parlé, mais de mises en place, tests d'alliages de timbres et de quelques principes nous permettant d'improviser librement. Idem avec Nicolas avec qui j'interprèterai un duo à partir des œuvres Jumeau Bar, White Rituals et L'ardoise.


Un autre petit film d'animation de la même année présente "la mélodie". Même professeur hibou, même choeur des élèves et le graphisme est aussi réussi. Il est intéressant de noter que ce fut le première tentative 3D de Disney, même si la version présentée est hélas en 2D. Ces deux films n'appartiennent pas à l'excellente et indispensable collection des Silly Symphonies sortie en DVD à l'origine sous boîtier métallique. Lucie m'indique enfin le blog Cartoon Modern dont l'auteur livre des images passionnantes de cette période...

lundi 10 mars 2008

Du nouveau sur le site LeCielEstBleu


On nous cache tout, on nous dit rien, et ça nous énerve quelque peu. Mais c'est tout de même sympa de découvrir les dernières créations interactives de Frédéric Durieu sur LeCielEstBleu et toutes celles en attente, puisqu'aucune mise à jour n'avait été faite sur le site depuis trois ans. Les kaléidoscopes Indien et Herbier (2005) se transforment lorsque l'on produit des sons devant le microphone de l'ordinateur. Durieu et Kristine Malden proposent d'adapter ce genre d'objet animé à des commandes institutionnelles ou industrielles comme ils le firent en 2006 pour Samsung avec Jean-Philippe Goussot, déjà actif sur la présentation du site de l'exposition Les animaux sortent de leur réserve à la galerie des Enfants du Centre Pompidou, où étaient montrées les cinq bestioles que j'ai cosignées avec Fred (Zoo, 2001-2002) comme de nombreuses œuvres présentées ici.


Sur le site, outre les modules d'archives que nous avons conçus ensemble tels Moiré (sonorisation hitchcockienne d'une illusion d'optique, 1997-2001), Week-End (que j'ai l'habitude de laisser interpréter librement par les joueurs/spectateurs pour montrer à quel point le son peut enrichir une œuvre graphique, 2001), le trytique musical Time qui réunit Big Bang, Forever et PixelByPixel (la variation HighByPixel, dont la musique est plus "douce", n'est hélas toujours pas en ligne), l'iMac Show (boudé par Apple et c'est bien dommage), les vœux 2002 et 2003 du site, la célèbre Pâte à Son (qui annonce le futur FluxTunes que Fred doit terminer depuis trois ans et qui verra probablement le jour avec la nouvelle version de Director), on aura la surprise de découvrir l'éléphant funambule (maquette d'un projet sur le cirque jamais abouti qui réunissait également Nicolas Clauss, Thierry Laval et Eric Ucla, 2003 - image ci-dessus) qu'il faut aider à traverser la piste en le propulsant sur son perchoir et en faisant grimper les animaux sur son balancier, Garden of Delight (un autre extrait d'une œuvre restée à l'état de maquette, réalisée avec la graphiste Veronica Holguin - image ci-dessous)...


Fred a donc fini par céder aux sirènes de Flash pour ses petits modules commandés par IBM : Gear, Ocean, Rational et Tivoli désarticulent un nouveau pantin en costume cravate. L'ayant inauguré avec la lettre O de notre cd-rom Alphabet (1999), Frédéric Durieu avait peaufiné son code pour son outil PuppetTool ainsi que l'iMac Show et le pantin en baskets de Free Zerpo (à nouveau actif sur le site, graphisme d'Étienne Mineur, 2002) que j'avais mis en musique pour Nike. Cette fois, la marionnette se fait malmenée par les engrenages des Temps Modernes, nage ou se laisse entortiller dans ses fils. Les modules sont réunis sous le titre Take Back Control, mais je crains que les salariés de l'entreprise concernée ne se laissent bernés par les apparences. Dommage qu'ils soient tous muets, j'aurais bien entendu un peu d'humour critique avec quelques sons biens sentis... Question de budget probablement ! Comme ses Orbites muettes dans le silence du cosmos (2007)... Par contre Psychelys (2005) et Pandamende (2007) sont élégamment accompagnés de sons, mais beaucoup trop illustratifs à mon goût. Par mon travail sonore, j'ai toujours essayé d'apporter quelque chose qui n'était pas déjà à l'image, insistant sur la nécessaire complémentarité dans les œuvres audiovisuelles.


Pour terminer ce tour d'horizon azuré et virtuose, j'apprends en surfant et tombant par hasard sur le site du CielEstBleu que notre Pâte à Son a été exposée en novembre 2007 au Shanghai eARTS Festival 2007 (Digital Art and Magic Moments, à l'initiative d'Ars Electronica en collaboration avec la Shanghai Cultural Development Foundation) et de novembre à janvier 2008 au DAT à Singapour (Digital Art & Technology, toujours à l'initiative d'Ars Electronica en collaboration cette fois avec le Singapore Science Centre). Si j'avais été prévenu, j'aurais pu y envoyer quelques amis et je n'aurais pas été contrarié de l'apprendre par hasard. Or, nous savons tous que l'aléatoire n'existe pas dans le domaine qui nous intéresse... Au moment d'Alphabet, j'avais inventé le terme "poésie algorithmique" pour évoquer le travail de Frédéric Durieu et je suis heureux de voir que, malgré des périodes de découragement, il continue à programmer. Le reste du temps, il est allongé sur l'herbe à contempler les insectes ou les étoiles...

dimanche 9 mars 2008

Le grand Content


Hervé Zénouda a découvert un film d'animation du jeune graphiste autrichien Clemens Kogler qu'il conseille à tous ses étudiants M1, M2 et doctorants de Toulon. Le Grand Content s'appuie sur le logiciel PowerPoint pour en sortir un "potentiel philosophique" amusant, par un jeu de diagrammes et d'intersections en chaîne. Il propose même une version alternative sur une musique d'Andre Tschinder au lieu de celle d'Aphex Twin. Son site recèle pas mal d'autres films intéressants où le graphisme guide son imagination d'animateur.
Les démonstrations s'appuyant sur des logiciels tels PowerPoint ou Keynote m'ont toujours hérissé le poil. Ils figent l'exposé, le soulignant généralement lourdement. Cet accompagnement visuel prenant par la main l'auditoire me donne chaque fois l'impression que l'on s'adresse à des imbéciles et rares sont les prestations réussies qui justifient ce modus operandi, incontournable dans le monde de l'entreprise, à l'université et dès qu'il y a la moindre communication publique d'un projet. Il suffirait de considérer la projection en question comme un complément plutôt qu'un appui pour que le recours à cet artifice se justifie. Et rien ne vaudra jamais la présence effective du narrateur, sa capacité à se produire en chaire ou en scène, de tenir son public en haleine, quitte à s'appuyer de temps en temps sur les ressources de la technologie pour compléter son exposé.

samedi 8 mars 2008

Bouclage du n°21 du Journal des Allumés


Le 8 mars, c'est la journée des femmes. On peut se demander si les 365 (année bissextile oblige) jours qui restent sont réservés aux mâles ?
Enfin, nous sommes au turbin une fois de plus, mais cette fois c'est Daphné Postacioglu qui se colle à la maquette, puisque Valérie est encore trop fragile pour reprendre son poste. Pour ceux ou celles que son état de santé préoccupe, les nouvelles sont bonnes. Jean Rochard et moi sommes secondés par Christelle Raffaëlli qui dirige de son ?il aiguisé la relecture de l'ensemble et corrige à tours de bras.
Le prochain numéro est plein à craquer. Le philosophe Bernard Stiegler s'entretient avec Jean et moi ; l'écrivain Claude Chambard a écouté toutes les nouveautés parues depuis le précédent numéro ; Fabien Barontini, Muriel Teodori, Michel Thion répondent à la question si la musique vaut encore le dérangement qu'Olivier Gasnier tente de rassembler après un débat qui eut lieu lors du festival Sons d'Hiver ; le contrebassiste Bruno Chevillon "pense la musique aujourd'hui", Jean Morières, Sylvain Kassap, Bertrand Denzler, Xavier Garcia et JT Bates évoquent la dernière soirée des Allumés du Solo à laquelle ils ont participé à Brest ; Marc Sarrazy commente le petit train rébus de Guy Le Querrec, Dordogne est interviewé par Mathieu Immer, Étienne Brunet signe son Paris Dakar ; Jean Rochard, Jean-Jacques Birgé, Jean-Louis Wiart, Pablo Cueco, Jean-Paul Ricard rempilent comme à chaque nouvelle parution et les illustrateurs Jeanne Puchol, Johann de Moor, Cattaneo, Sylvie Fontaine, Zou, Laurent Percelay, Andy Singer, Pic rivalisent d'humour ou de plasticité...
N'oubliez-pas de vous abonner au Journal, c'est gratuit et vous le recevez chez vous !

vendredi 7 mars 2008

Les P'tits Repères


Sonia me prévient qu'un nouveau jeu est en ligne sur le site des P'tits Reperes. La marque Repère de E.Leclerc et la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l'Homme se sont associées pour créer ce site tout en flash pour les enfants de 6 à 10 ans et où j'exerce régulièrement mes talents de bruitiste scatologique, puisque ma vie de designer sonore est rythmée depuis plusieurs années par un jeu rigolo tous les deux mois. Tout tourne autour de l'environnement, des économies d'énergie et du gâchis. L'ensemble est réalisé par le collectif Surletoit, une équipe formidable, enjouée et diablement efficace. J'adore la description de leur démarche où l'on peut cliquer sur certains concepts, les mots en rouge faisant apparaître des commentaires effrontés et intelligemment constructifs comme le FSCE (Fonds de Solidarité Contre les Enfoirés), caisse de solidarité contre les coups durs, les mauvais payeurs, permettant de lancer une injonction de paiement sans que l’indépendant touché par le mauvais payeur en supporte seul les répercussions !


J'ai choisi de tout sonoriser avec la voix, pour ne pas dire avec la bouche, ce qui est vraiment amusant et parfois bien difficile. Le premier jeu fut celui de L'Aspiro-Trucs où le p'tit repère juché sur un skate-board devait aspirer les crottes de chien et les sacs en plastique, mais surtout pas écraser les fleurs ou renverser les vieilles dames. On pouvait donc enfin se laisser aller à délirer sur des trucs scatos, ce dont les mômes raffolent et qui est généralement bêtement censuré par les éditeurs français. Il n'y a pas que ça ! Dans ta maison (quatre pièces plus le garage et le jardin), Dans ton assiette (De la terre à l'assiette, Les nutribulles, Ça balance !), Sur ta planète (Stop-les-gaz, Le Gachpalo, et les écogestes de La rue et Le square et le marché), l'atelier d’e-cards, Le MémoGloups, Le Tac-Taquin, Le P'tit Morp sont autant de petits jeux rigolos. Il y a même cinq jeux secrets (Le Kayak, À la bonne soupe, Simon, Le Clas lasso, Le Pique fruits) dont les codes sont cachés au dos des produits de la Marque Repère. Le graphiste Mikaël Cixous est en charge de la direction artistique et, le plus souvent, Sonia Cruchon m'envoie une animation flash provisoire et la liste des actions à sonoriser. Je prends des notes et lui passe un coup de téléphone où je lui chante tous les effets sonores avant de les enregistrer. Je m'enferme ensuite dans la cabine et j'enchaîne tous les ploc, broum, pschit, etc. avant de les traiter sous Peak. Les gens de passage qui me surpennent dans le studio comprennent pourquoi ma vie professionnelle peut être une partie de plaisir ! Sonia me retournera le module terminé après que les sons aient été intégrés pour que j'affine éventuellement l'interactivité et les intensités. Notre collaboration commença à Hyptique avec les huit cd-roms des Bonhommes et les Dames et l'exposition sur L'argent au Pass de Mons en Belgique, et plus tard, lorsqu'elle créa Surletoit avec ses amis, avec L'Anémone de Dassault Systems à l'Exposition Unverselle d'Aïchi au Japon. Sonia est un modèle de chef de projet, parce qu'elle met en confiance ses collaborateurs en la leur accordant et leur épargne l'affrontement démobilisateur avec les clients difficiles. La clef du succès !

jeudi 6 mars 2008

Retour de Quimper


J'ai trouvé une place très bon marché en première dans le TGV qui me ramène à Paris, avec une prise de courant pour brancher mon ordi. Je suis déjà impatient de mordre dans les sandwiches que j'ai réussi à me faire confectionner dans une charcuterie de la rue du Chapeau Rouge alors qu'à midi nous nous sommes régalés de sushis de poisson frais dans une petite gargote sous la Halle. J'ai oublié le nom japonais des petits desserts succulents que Karine nous a offerts, purée de haricot rouge enrobée de pâte de riz au sésame, et je me trouve monstrueux de rêver aux macarons que je rapporte dans ma musette. C'est trop bon de pouvoir manger du poisson frais en Bretagne ; après avoir voyagé, malgré les conditions de transport et la rapidité avec laquelle on le retrouve sur les marchés de la capitale, il n'a absolument pas le même goût. Je n'ai jamais su pourquoi. C'est comme les langoustines que Joëlle et Étienne avaient préparées lors du dîner avec Lors, cela faisait dix ans que je n'avais pas goûté ce parfum que l'on ne peut savourer ailleurs que sur la côte bretonne, et particulièrement autour du pays bigouden. La gastronomie fait partie des voyages. Mardi soir, la galette complète était un délice, celle aux algues wakamé et à la crème une surprise et j'ai fortement apprécié de pouvoir terminer avec une au chocolat et miel qui soit aussi au blé noir plutôt qu'à l'éternel froment qui m'a toujours un peu déçu.
Je m'accroche à des histoires de bouffe parce que je dors debout, assis à ma place. Trois jours durant, j'ai tenu le crachoir, concluant le workshop avec des projections de films où l'utilisation du son est exemplaire. J'attaque avec les premières mesures du Testament du Docteur Mabuse, chaque image, chaque mouvement, chaque son relèvent d'un langage des signes que Fritz Lang maîtrise remarquablement en expérimentant pour la première fois les possibilités du cinéma parlant. La presse à billets reprend le rythme de l'orchestre où les enclumes annoncent l'opéra de Wagner sifflé par le Commissaire Lohmann et couvrent l'action, permettant aux acteurs de jouer comme au temps récent du muet. Les gestes, encore expressionnistes, sont d'ailleurs ceux des muets. Les oreilles se tendent vers le moindre bruit que l'on devine, bien qu'il reste inaudible. Lohmann marche sur la pointe des pieds... Le silence qui a suivi le chahut n'a été brisé que par une tuile tombée du toit, un bidon qui roule et explose... J'enchaîne avec le début gore de Lancelot, fracas d'armures, sabots, flammes, oiseaux de malheur et le sang qui gicle comme une fontaine... Je ne résiste pas à passer intégralement Voisins de Norman McLaren après Synchromie et Blinkity Blank, sons synthétiques peints sur la piste optique. Je fais astucieusement suivre le ''John Cage'' de Peter Greenaway par le Mouvement 1A des Histoire(s) du cinéma. Les étudiants en prennent pour leur grade, plein les mirettes et les oreilles, nous aussi. K.O. technique ! Je rêve d'un bon lit, m'allonger auprès de ma mie. Je sais pourtant qu'aujourd'hui est une nouvelle journée bien chargée. Il faut que je tienne jusqu'au 15, après le bouclage du n°21 des Allumés, le trio avec Donkey Monkey (jeudi 13) et le duo avec Nicolas (vendredi 14). Cette addition de chiffres me berce comme le ronron des roues du wagon tandis que le soir tombe sur la campagne en soulignant de rouge les ombres qui ont poussé sur les collines.

mercredi 5 mars 2008

De la responsabilité des formateurs


Lors d'un workshop comme celui auquel je participe aux Beaux-Arts de Quimper, il est évidemment épuisant d'enchaîner les projets des étudiants les uns après les autres. Après l'exposé de chacun, il est indispensable d'avoir au moins une idée ou une remarque intelligente. C'est du moins l'enjeu que je me fixe chaque fois. J'essaie de comprendre, m'interdisant de juger, critiquant sans ne jamais acculer un étudiant ou une étudiante dont le travail peut sembler insuffisant ou abscons. Je me sers de tout ce que je trouve dans leur projet ou leur discours pour digresser sur des considérations plus larges qui fassent sens pour l'ensemble des présents. Chaque participation a valeur d'exemple pour tous, aussi leur demande-je d'être attentifs lors de l'énoncé de chaque travail personnel. Il est important que tous les étudiants puissent intervenir sur les exercices ou les œuvres des uns les autres, qu'ils suggèrent et s'interrogent. Je cherche moi-même à comprendre les motivations, les enjeux et la finalité de chaque projet. À la manière des petits enfants, j'égraine les pourquoi. Je me fiche des tâtonnements techniques et des maladresses. Seule m'importe l'originalité de la démarche ou plus exactement la manière dont chacun doit penser par soi-même. J'insiste aussi sur le fait que "ce qui est important n'est pas le message, mais le regard"...
La provocation n'est pas absente de mes interventions, outrepassant les raisons de ma venue, soit le rapport des sons et des images, ici l'utilisation du son dans les œuvres plastiques. Qu'est-ce qu'un artiste ? Y a-t-il toujours une souffrance en amont ? Parfois cachée, elle ne se révélera souvent qu'avec le temps. Quel modèle économique pourra permettre à ces jeunes gens de vivre de leur art lorsqu'ils seront jetés dans la vie active ? Je mets les pieds dans le plat en abordant le tabou de la technique ou de l'argent, des droits d'auteur et de la propriété... Karine et Christine réagissent au doigt et à l'œil. Ensemble, nous dessinons doucement le paysage apparemment inextricable que certains ou certaines arriveront peut-être à apprivoiser. J'aimerais être propulsé dans dix ans pour voir ce que seront devenus les plus créatifs, les atypiques, les révoltés...

mardi 4 mars 2008

Ce temps de latence


J'ai souvent envie de changer d'appareil-photo. Mon vieux CoolPix a l'avantage d'avoir un viseur rotatif me permettant de faire des photos sans me faire repérer. Je peux viser sans mettre l'œil en tenant l'appareil sur mon ventre ou prendre des images en plongée en le tendant au-dessus de ma tête. Mais le délai d'une seconde entre le moment où j'appuie et le déclenchement m'interdit de faire des instantanés. C'est très frustrant pour les portraits que j'aime prendre dans le feu de l'action. Je me fiche de la définition, puisqu'il s'agit la plupart du temps d'illustrer les billets de mon blog. Les cinq millions de pixels suffisent généralement à tous les documents imprimés. On l'aura vu lors de la publication de mon Poplab' ou pour la couverture d'un magazine annonçant notre opéra de lapins. À ce propos, Nabaz'mob va être enfin repris à "Paris" puisque deux représentations auront lieu au Cube (Issy-les-Moulineaux) le 5 juin.
J'ai une idée derrière la tête depuis un moment déjà. Je voudrais tirer le portrait des personnes que je rencontre, jour après jour. Cela me plairait. Nous en avons discuté avec Agnès Varda lorsqu'elle est passée à la maison, un dimanche où je travaillais avec Franck. Il n'y avait pas beaucoup de lumière, mais cela ne l'a pas empêchée de l'encadrer sur le canapé. Agnès a commencé comme photographe, elle a couvert le Festival d'Avignon à l'époque de Jean Vilar. J'aime beaucoup l'écouter lorsqu'elle parle de ses projets ou qu'elle évoque Jacques Demy. Je ne sais pas si je réussirai à faire cette série de portraits, parce que chaque fois que je décide de m'y mettre, j'oublie de le faire, et je m'en aperçois seulement quand la personne est partie. Je me rends compte que dans les arcanes de ma mémoire, c'est ce qui me manque. J'ai plus souvent conservé les voix, les écrits, mais rarement les figures. Ce dimanche-là, j'ai commencé avec Franck en copiant Agnès. Mais j'avais déjà oublié le lendemain. Je dîne avec Lors à Quimper et j'y repense seulement au petit-déjeuner. Je passe ma journée avec Karine et ses étudiants et je m'aperçois que je n'ai toujours pas commencé alors que je suis le dernier à quitter l'École des Beaux-Arts où j'interviens ces jours-ci. Il faut que je trouve un moyen de me discipliner ou peut-être ne m'y résoudrai-je jamais ? Est-ce de la timidité, le besoin d'être bien là, une fausse bonne idée ? Temps différé ou temps de latence ? Celui de voir ou celui de revoir ?

lundi 3 mars 2008

Quelques DVD vus et entendus


Au retour des vacances, nous avons bondi sur Ratatouille pour nous remettre à la cuisine française et au cinéma américain, c'est drôle, fin et ça se regarde sans faim (Jonathan Rosenbaum m'a confié l'avoir glissé dans son Top10 !). Mon grand-père disait que c'est lorsque l'on n'a plus faim que cela devient intéressant, parce que l'on ne mange plus que par gourmandise. Cuisine de l'amour, amour de la cuisine...
Le documentaire We Feed The World fait l'effet inverse (Éditions Montparnasse). Le message est clair : sus au gâchis et à la mondialisation assasine ! Dans les années 70, j'ai composé la musique du film L'avenir du futur de Marcel Trillat que Brigitte Dornès monta et dont elle soigna particulièrement la bande-son comme à son habitude. Beau cadeau qu'elle me fit ! Albert Jacquard, je crois, y racontait qu'il faut 7 kg de protéines végétales pour constituer 1 kg de protéines animales, donc nos porcs affament le Tiers-Monde en consommant ses céréales. Le message est clair, on pourrait largement nourrir toute la planète, au lieu de laisser crever de malnutrition 17 000 enfants par jour. De nouveaux réflexes s'imposent. Le film explique bien les mécanismes économiques inadmissibles qui sont à l'œuvre, même si sa réalisation reste plan-plan. L'entretien avec Jean Ziegler figurant en bonus et l'intelligent petit livret qui l'accompagne sont carrément plus éloquents. L'image des serres, où l'on cultive toutes sortes de fruits et légumes hors saison, qui recouvrent le sud de l'Espagne aux abords d'Almeiria, restera pourtant gravée dans nos mémoires. Froid dans le dos. Quitte à aborder un tel sujet, je préfère L'île aux fleurs, court-métrage nettement plus inventif.


Côté dessins animés, Persépolis est évidemment plus costaud (TF1 Vidéo). L'adaptation de la bande dessinée de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud est parfaitement réussie, même si je préfère la version du bouquin qui recèle tellement plus de détails bouleversants. Le film est remarquable et devrait être vu bien au delà de ses qualités graphiques. La résistance de la jeune héroïne est exemplaire, face à son pays, à sa famille, à sa recherche d'elle-même. Chiara Mastroiani et surtout Danielle Darrieux (90 ans, pas croyable !), qui ont prêté leurs voix, y sont absolument géniales, la prestation de Catherine Deneuve est plus fade. À voir et revoir. Comme les 16 courts-métrages Pixar présentés chronologiquement, autant de petites merveilles d'intelligence drôlatique. Le studio, qui a aussi produit Ratatouille, aborde toujours les concepts moraux de manière habile. Monstres et Cie reste d'ailleurs un de nos longs-métrages préférés produits par le studio dirigé par Steve Jobs, le type à la Pomme.


Les deux films fantastiques réalisés par Georges Franju, couplés dans le coffret des Cahiers du Cinéma, sont très inégaux. Si Judex nous emballe, Les Nuits Rouges sont une catastrophe. Le Black Book de Paul Verhoeven (Fox pathé Europa) est un excellent thriller d'espionnage, même si les derniers plans affadissent le film, aussi horripilants que la fin de La liste Schindler. A-t-on toujours besoin de rapprocher la Shoah de l'État d'Israël ? L'Histoire ne justifie nullement la politique colonialiste engendré par le sionisme. Je regarde Le temps du ghetto, premier long-métrage de Frédéric Rossif (1961, Éditions Montparnasse), images époustouflantes de Varsovie tournées par les Nazis, documents rares à couper le souffle, passionnant.

Plus anecdotique, Let the Sunshine In (Arte Vidéo) rassemble quelques pépites sur les représentations de la comédie musicale Hair avec une tripotée de bonus sur les hippies, le féminisme, des concerts filmés par Philippe Garrel, etc. Plus dérangeant, le second volume des films de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub rassemble leurs films "italiens" (encore Éditions Montparnasse). Je suis curieux de revoir De la nuée à la résistance, Fortini/Cani et de découvrir Sicilia ! pour constater si mon regard a changé. En lisant le livre que Noël Burch paru chez L'Harmattan, je suis pris de doutes. Son De la beauté des latrines honnit ce qu'il a encensé au profit d'une culture populaire selon le principe que le cinéma d'auteur et la cinéphilie riment fondamentalement avec machisme. C'est très intéressant, mais je crains qu'à vouloir démontrer son point de vue politique original, pourfendant le haut-modernisme et le formalisme, la théorie de Noël n'apparaisse comme une nouvelle doctrine. Le cinéma a beau être une vaste entreprise fabriquée par et pour les mâles reléguant les femmes au rang d'objets de désir, ne peut-on apprécier les films pour des raisons variables, inégales, injustes, partiales, formelles ou politiques ? Certains cinémas méritent certes d'être boycottés, mais je reste attaché à la complémentarité et au pluralisme, recherchant mon plaisir dans une démarche polymorphe parfois critiquable, mais si jouissive. Sa démarche a le mérite d'insister sur le sens des œuvres et donc sur ce qu'elles impliquent comme manipulation invisible des consciences.

dimanche 2 mars 2008

Range ta chambre !


Comme je ne regarde pas la télévision, beaucoup de choses m'échappent, certainement pas des informations primordiales, mais par exemple tout ce qui concerne la télé-réalité ou la publicité. Alors, lorsqu'Olivia me fait découvrir ces spots refusés par l'enseigne suédoise, je suis ravi de rigoler un bon coup.


Toute son enfance, je n'ai pas arrêté d'embêter ma fille en lui répétant "range ta chambre !". C'est le sujet de la campagne de publicité qu'Ikea commanda, mais ces spots furent évidemment recalés et jamais diffusés, sauf lors de magazines sur la pub tard en soirée...


Elsa a fini par apprécier les rangements... Lorsqu'elle a eu son propre appartement ! Est-ce dicté par mon comportement obsessionnel, mais j'ai tendance à penser que vivre dans un espace pas trop fouillis permet de faire le ménage dans sa tête et d'avoir les idées claires... Il y en a qui rigolent...


Ikea pense à tout. C'est une petite Suède en soi. Tout est prévu, réfléchi, pratique... Il n'y a plus la place pour la moindre fantaisie. C'est à se flinguer... La poésie est un acte de résistance.


Il ne s'agit évidemment de faire ici la pub de cette entreprise mouillée jusqu'au coup dans la collaboration avec l'Allemagne pendant la seconde guerre mondiale. Mais reconnaissons que ces spots interdits sont amusants et diablement efficaces.


Je sens que je vais me faire incendier.


Chez Ikea, ce n'est pas cher, mais c'est souvent de la camelote. Les objets ne sont pas d'une grande solidité, les vis ne sont pas toujours en face des trous, elles se déserrent, ça penche, ça craque, etc. Il faut vraiment faire le tri. C'est un peu comme chez Lidl. On peut faire des trouvailles formidables, mais tout le monde rique de se retrouver avec le même intérieur. En faisant les brocantes, on peut trouver moins cher, plus original, et de meilleure qualité, mais l'on n'a pas cette impression de neuf...


samedi 1 mars 2008

La musique tachiste de Michel Magne


En feuilletant le Jazz Magazine de janvier, arrivé lorsque nous étions au Laos, je découvre la réédition par Universal d’un disque du compositeur de musique de films Michel Magne, reprenant, entre autres, son disque de musique tachiste sous le titre générique Le Monde Expérimental de Michel Magne.
En 1959, j'avais sept ans lorsque mon père, alors journaliste à la radio, rapporta le 33 tours Musique Tachiste à la maison pour en faire la critique. J’ai ainsi conservé maints trésors discographiques des années 50 comme plusieurs aventures de Tintin (Les cigares du pharaon, Le lotus bleu, Objectif Lune, On a marché sur la lune), Blake et Mortimer (La Marque Jaune, Le Mystère de la Grande Pyramide), Buffalo Bill, Vingt mille lieues sous les mers (avec Jean Gabin), des disques d’épouvante qui me terrorisaient, bandes dessinées ou romans mis en ondes, ainsi que divers 45 tours bizarroïdes comme le Miss Téléphone composé de sons des télécoms de l’époque.


Dans l’attente de recevoir sa réédition, j’exhume le vinyle et découvre à quel point le disque de Michel Magne influença ma vie, tant par ses mélanges d'orchestres jazz, classique et bruitages joués en direct que par les images de Sempé qui illustraient chaque morceau. Je suis resté des heures à rêver devant Mémoire d'un trou (image ci-dessus), Méta-mécanique saccadée (image ci-dessous, mais ces deux pièces écrites en 1952 sont hélas absentes du cd comme les dessins pleine page du livret original), Self-service (plus bas), Carillon dans l'eau bouillante, Pointes de feu amorties au dolosal, Larmes en sol pleureur et Concertino triple (rire, prière, amour), écoutant la musique instrumentale en regardant les dessins. J’en usai le sillon jusqu’à devenir à mon tour compositeur de trucs innommables, oubliant ce disque fondateur au profit des élucubrations zappaïennes, solaires ou mécaniquement molles.


Si l’ensemble des œuvres ressemble à une musique électro-acoustique résolument inouïe, Magne précise qu’il n’y a aucun trucage magnétique, seulement ici le recours au re-recording après les déconvenues de la version live (début d’incendie avec arrivée des pompiers, distraction des interprètes devant la fille nue dans le piano, épuisement de la vaisselle avant la fin du morceau). Sur le 33 tours, se côtoient un solo de cymbalum englobant avec brèves interventions d'ondes Martenot, un contrepoint entre le cymbalum englobant exécutant un enchevêtrement rythmique s'accélérant jusqu'aux limites physiques des moyens de l'exécutant et une voix humaine poussant au paroxysme ses possibilités d'expression, des cloches en contact avec de l'eau en ébulition, le piano de Paul Castanier, la voix de Christiane Legrand, etc.


Tout a été remixé pour la réédition, voire remonté, en favorisant les éléments jazz au détriment du tachisme. C’est beau, c’est propre, brillant, mais je préfère, peut-être bêtement, la version originale du vinyle. Cela ne m'empêche pas d'en faire le disque phare de mes chroniques de disques pour le prochain Muziq (qui vient enfin de se doter d'un site propre !). Six pièces de 1968, jazz plutôt hirsute, avec Martial Solal au piano et les arrangements inventifs du très jeune Jean-Claude Vannier complètent Le Monde Expérimental de Michel Magne se terminant par deux inédits de 1970 et 1972, une délicate Musique sensorielle et l’amusant Mozart en Afrique. La série Écoutez le cinéma ! présente encore bien d’autres merveilles que je suis impatient de découvrir, des inédits de Gainsbourg aux musiques des films d’Alain Resnais…