Brunhild Ferrari et l'association Presque rien viennent enfin d'ouvrir le site consacré au compositeur disparu Luc Ferrari (un conseil, laissez d'abord se dérouler le film avant de choisir la langue). Formidable réflexion de et sur son œuvre, le site est riche d'extraits de partitions, manuscrits, analyses argumentées d'extraits, images émouvantes d'un artiste indépendant qui fut probablement un des rares enfants d'Edgar Varèse, non dans l'imitation comme le fut Frank Zappa, mais par les leçons qu'il tira de la révolution sonore initiée par le Bourguignon nationalisé Américain. Il constitua, à son tour, une influence sur mes premiers travaux, lorsque nous affirmions le tout de la musique qu'il appelait à sa manière et avec élégance "presque rien".


À côté des films et entretiens qui le concerne directement, on découvre des extraits de 3 minutes des grandes répétitions qu'il a filmées pour la télévision : Et expecto resurrectionem mortuorum d'Olivier Messiaen, Momente de Karlheinz Stockhausen, Hommage à Varèse que je rêve de voir depuis très longtemps, Quand un homme consacre sa vie à la musique (Portrait de Hermann Scherchen) et Cecil Taylor ou la découverte du free jazz, tous témoignages exceptionnels qui mériteraient d'être édités en dvd.


Pour l'instant absente de la discographie ébauchée sur son site (d'où sont extraites les captures écran), Luc Ferrari avait cosigné en 1992 une pièce de 6'05" enregistrée au Studio GRRR avec Un Drame Musical Instantané. Comedia dell'Amore 224 (les chiffres indiquaient la date de chaque titre, soit ici le 24 février) réunissait Luc (reportage et voix), Bernard Vitet (trompette, bugle et piano), Francis Gorgé (guitare) et moi-même (synthétiseur et mixage). Je me souviens qu'il avait apporté un magnétophone pour enregistrer nos conversations pendant le déjeuner au restaurant cambodgien de la rue du Chemin Vert qui nous tenait alors lieu de cantine. Il s'en servit ensuite pour la composition "instantanée" réalisée ensemble l'après-midi-même (Opération Blow Up, dist. Orkhêstra). Pour illustrer sa participation parmi nos 14 invités, il avait envoyé une photocopie qu'il avait signée de Boucher et de lui-même. On l'y entend murmurer : "C'est la nuit, et voilà".