La veille, nous avions regardé La mort de Dante Lazarescu du Roumain Cristi Puiu, l'histoire terrible d'un type qui ne sent pas bien, appelle une ambulance et se retrouve trimballé d'hôpital en hôpital en allant évidemment de plus en plus mal... Filmé comme un reportage, le film est remarquablement bien joué, mais bien trop sinistre à mon goût, d'autant que je supporte très mal l'univers hospitalier, même si je n'y ai jamais eu recours. Cela me donne le cafard et je préfère franchement les cimetières et les enterrements aux visites formolées. La critique du système de santé est féroce et nous nous faisions la remarque que l'action a beau se passer en Roumanie, cela ne doit pas être si différent chez nous. Le film est localisé, mais l'histoire est universelle. Je repense à la phrase d'André Ricros : "Pour être de partout, il faut être de quelque part".
Lundi après-midi, Françoise avait pris rendez-vous chez l'ophtalmologiste parce qu'elle sentait une gêne à l'œil droit. La voilà expédiée direct aux urgences de l'Hôtel Dieu pour deux petits trous et un début de décollement de la rétine. Vingt-cinq personnes attendent devant elle ! Certains ont une compresse sur l'œil, un gamin déchire tous les journaux qu'il trouve sous le regard de sa mère qui ne bronche pas, des pompiers ont les yeux rouges, tout respire le vieux, le vétuste et la maladie... Quelques heures plus tard, lorsque le nombre s'est réduit à onze, une infirmière dit que le médecin a dû filer au bloc opératoire, mais une autre susurre qu'il est probablement parti dîner mais que ça ne se dit pas. Françoise espère que c'est vrai, parce que s'il doit lui cautériser les lésions au laser, autant qu'il soit en forme ! Elle décide néanmoins de tenter sa chance en reprenant imprudemment sa bicyclette pour se présenter aux Quinze-Vingt derrière la Bastille. Il y a encore plus de monde, c'est complètement dingue. Une nouvelle infirmière lui raconte le scandale des urgences qui manquent cruellement de personnel. Françoise suggère de faire grève. Elle répond qu'ils sont déjà en grève et lui conseille un troisième hôpital, le Rotschild près des Buttes Chaumont ! On se serait vraiment crus dans le film de la veille. C'était pénible en fiction, mais cela devient carrément drôle à le revivre le lendemain malgré les inquiétudes. Et nous voilà repédalant vers les hauteurs pour enfin trouver une oreille attentive à son histoire d'œil. Il est minuit, l'interne lui fixe un rendez-vous pour le lendemain matin première heure en lui interdisant tout effort. Laser. Immobilisation totale pendant huit jours. Nous ajournons notre départ, décommandons nos engagements et regardons l'avenir avec patience. Françoise en profite pour téléphoner, une des seules activités praticables dans sa position. Mon œil ! Non, le sien, mais la dilatation s'est déjà résorbée lorsque je pense à le prendre en photo...

Rappel : jusqu'au 29 juin, je mène deux blogs de front, le second est une conversation avec Karine Lebrun sur tchatchhh.