Qu'ont donc d'humain les paysages de Michel Séméniako si ce n'est la présence invisible du peintre hantant chaque photographie tandis qu'il promène son pinceau lumineux sur les terrains vagues et les constructions improbables ? Lorsqu'il enclenche son appareil, le temps s'arrête. La pellicule, vivement impressionnée, se fige dans une pause de modèle endormi. Il peut dès lors entrer dans le cadre sans se faire voir et taguer les monuments d'une civilisation qui s'éteint à l'aube du nouveau siècle. Il n'y a que des gars comme lui pour en faire celui des Lumière, coude à coude avec sa compagne, la photographe Marie-Jésus Diaz, qui prend le temps de se battre pour les sans-papiers, entre deux tirages qu'ils réalisent eux-mêmes en numérique. Ce sont des œuvres somptueuses aux couleurs invisibles comme on dirait inouïes, contrastes qui font sens, autant d'énigmes...
Le 18 juin 2006, j'avais écrit un premier article intitulé L'ectoplasme : Michel Séméniako est notre frère en somnambulisme. Je livrais alors le texte du portrait chanté que nous fîmes de lui en 1997 sur le CD-Rom Carton (Birgé-Vitet, GRRR 2021, dist. Orkhêstra). Les images des modules interactifs étaient toutes les siennes. La pochette aussi. Beaucoup de noir et blanc. Les débuts de la couleur. Les images négociées côtoyaient les paysages nocturnes. Je ne savais pas encore glisser du son dans mes articles. La voici, chantée par Bernard Vitet :

La Galerie Le Feuvre, sise 164 rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris, expose les human landscapes de Michel Séméniako jusqu'au 18 octobre. L'accrochage est généreux, les noir et blanc sont en sous-sol, les couleurs explosent dans les trois salles du rez-de-chaussée. Les tirages sont à couper le souffle. Il y en a même quelques uns de très grands, comme celui reproduit ici. J'en ai rêvé la nuit.