Nicolas Clauss, Françoise Romand, Antoine Schmitt, Xavier Boissarie, Antoine Denize, Electronic Shadow, Servovalve (je cite ici ceux avec qui j'ai déjà collaboré) et plein d'autres camarades figurent sur le nouveau guide Arts Numériques (Tendances-Artistes-Lieux et Festivals) réalisé sous la houlette d'Anne-Cécile Worms (M21 Editions, 330 pages, 29€). Nous avons tous envoyé une image de 16x22cm et une biographie, soit cent artistes numériques français préfacés par toute une ribambelle de textes passionnants dans leur diversité, totalement à côté de la plaque, visionnaires ou remettant salutairement les pendules à l'heure. Tous font ressortir la question de l'art, ce qui en est ou ce qui en naît.
Pour ma part, selon les jours et les humeurs, j'y cherche l'émotion, le rêve ou la critique. L'émotion du beau, le rêve de l'inouï, la critique de la narration, fut-elle abstraite ou d'essence philosophique. Quant à la technologie, je n'en ai absolument rien à fiche, si ce n'est pour m'allonger régressivement par terre à pervertir mes jouets. Le numérique ne signifie rien d'autre qu'un protocole industriel. Les concepts appris dans les écoles de beaux-arts assurent essentiellement la pérennité de professeurs souvent dépassés et de leurs élèves s'embourbant dans le scolaire et les nouveaux académismes. Les modes se suivent et se ressemblent par leur inanité heureusement éphémère. De ces marais fangeux, qui rappellent les univers sociaux de la publicité et de l'entertainment, émergent quelques personnalités portant sur leurs épaules des mondes, des visions, des souffrances et des colères. Encore faut-il avoir appris à ne pas confondre les phénomènes de foire (je n'y vois aucun inconvénient, à condition de savoir les identifier, comme se détendre devant un gros blockbuster macho américain ou jubiler devant une œuvre du septième art) et les véritables démarches artistiques. Pauses snobinardes de classe contre urgences hospitalières.
Mais comment s'y prendre pour trier le bon grain de l'ivraie ? Rechercher la nécessité : le choix ne fait que tatouer la surface de son encre délébile. Apprécier le rejet quand prend la greffe : combat ou soumission ? Le texte de Gilles Alvarez me surprend par son acuité à cerner les faux-semblants jusqu'à terminer par une phrase de Claude Debussy : "qu'il vaut mieux regarder le lever du jour qu'écouter la Symphonie Pastorale". Les œuvres ne sont que le reflet du monde, son inconscient monstrueux. Il y a ceux qui s'y plaisent et s'y complaisent, et de pauvres hères rêvant naïvement de le bousculer et qui enragent. Pour un artiste, le repos n'existe pas. Le sommeil est habité. Le mystère seul le calme. Il n'y a pas d'abonné au numéro que vous avez demandé. Aucune réponse n'est satisfaisante. Mais il avance. En aveugle. Qu'importe ! Il sait où il va. Nulle part. Parce que ce sera toujours mieux qu'ici et maintenant. Ses gestes lui sont dictés par une morale qui rejette tout ce qui est convenu sans être interrogé. Le travail est si colossal qu'il restera inachevé. J'écris il, mais c'est en nombre que leur pouvoir s'exercera. Les initiatives de regroupement sont indispensables.
Parallèlement à l'édition de l'ouvrage autour des artistes qui comprend également une importante partie sur les lieux et festivals, Anne-Cécile Worms qui s'occupe de la revue bimestrielle MCD (Musiques & Cultures Digitales) édite la version 2008-2009 du Guide des Festivals Numériques (MCD, 9€) dans lequel le président du Cube, Nils Aziosmanoff, cite les temps forts du dernier festival en commençant par notre opéra pour 100 lapins communicants, photo à l'appui.
Décidément, Nabaz'mob a la cote ! Avec Antoine Schmitt, notre clapier participe à la Nuit Blanche à Paris le 4 octobre pour 6 représentations (20h-21h-22h-23h-0h-1h) à Bercy Village, Passage Saint-Vivant (Métro Cour St-Émilion). Nabaz'mob sera aussi à Besançon le 2 novembre au Festival Musiques Libres et en 2009 il est fortement question d'une tournée sur trois autres continents en même temps qu'une installation durant six mois dans un musée parisien. J'en fais tout un fromage sans être dupe de la carotte qu'il représente. Nos élucubrations nous échappent, reprises par les vulgarisateurs que nous alimentons et qui, à leur tour, nous font gentiment manger du frais plutôt que des pissenlits par la racine. Un artiste doit aussi apprendre à voir avec les yeux de son public, savoir apprécier les déplacements de sens, partager les émotions. À moins de basculer dans l'autosuffisance, quand l'échec ne sonne pas comme une injustice, le succès a le goût de l'usurpation. L'insatisfaction est le moteur de l'œuvre. L'avenir est pavé de mauvaises interprétations. Rien n'a de valeur que le prochain geste.