Liés par le secret professionnel, ni Antoine Schmitt ni moi ne pouvions parler de notre travail pour Violet, à savoir les deux nouveaux objets qui font suite au lapin Nabaztag. À peine leur sortie prévue pour le 23 octobre prochain vient-elle d'être dévoilée lors de la conférence de Violet à l'IFA de Berlin et dans Le Monde 2 que l'annonce fleurit sur le Web... Comme d'habitude, Antoine crée le design comportemental et je suis en charge du design sonore tant de Mir:ror que de Dal:dal.
Encore aucune photo pour la lampe Dal:dal, "objet sphérique qui change de couleur et qui émet des sons", et pour laquelle j'ai conçu et enregistré une palette de carillons. Comme la boule de cristal sonne les heures, j'ai cherché à créer des timbres et des mélodies mnémotechniques pour éviter d'avoir à compter les coups dès lors que l'on aura pris l'habitude de les entendre. Les sons du boot et de la connexion sont joués par le synthétiseur midi interne tandis que l'horloge est diffusée en mp3.
Sonoriser le Mir:ror (photo) fut une autre paire de manches, car nous n'avions comme instrument qu'un petit buzzer ressemblant de prime abord au son des premières puces musicales et un langage de programmation relativement archaïque (en opposition au système de gestion très sophistiqué de Violet). Leur nouvelle invention ressemble à un petit miroir rond de sac à main qui se branche sur la prise USB de son ordinateur (Mac et PC) et qui reconnaît les objets qu'on lui présente. Lecteur de RFID (Radio Fréquence IDentification à la norme ISO 14443 comme les passes Navigo ou Velib'), Mir:ror lit les Ztamps (petits timbres carrés de 1 cm de côté) que l'on peut coller sur tout et n'importe quoi. Un peu comme un code-barres dont chaque exemplaire est unique, il permet d'envoyer une information sur Internet, grâce à une console d'administration sur le site de Violet, comme déjà le lapin, pour déclencher des actions diverses. Le nez de Nabaztag/tag, la v2 du petit mammifère en plastique, abritait déjà un lecteur RFID, offrant par exemple de lire automatiquement à haute-voix un livre aux enfants qui lui auraient frotté le museau avec ! On affectera donc à chaque Ztamp une action comme envoyer un mail, délivrer la météo, compter le nombre de cafés ingurgités, etc. dès lors que l'on aura collé un Ztamp sur ses clefs (par exemple un message pour annoncer à son conjoint que "je suis arrivé" ou que "je m'en vais du bureau"), sur son parapluie (le prends-je ou pas aujourd'hui ?), etc. Peu importe le lecteur, lapin ou miroir de qui que ce soit, le lapin destinataire reconnaît le message. C'est donc un complément astucieux des 200 000 Nabaztags déjà écoulés... Mir:ror sera vendu 45 euros dès le 23 octobre avec 2 Nanotazs (supports en forme de lapineau de dix couleurs différentes pour qu'on s'y retrouve) et 3 timbres RFID Ztamps (les étiquettes identificatrices aux couleurs et logos divers et variés). Les Ztamps supplémentaires seront commercialisés au prix de 19€ la douzaine et les nanolapins 9€ pièce.
Comme pour tous les autres objets de Violet, Antoine a conçu les chorégraphies de couleurs. Pour sonoriser le Boot et le Quit (brancher et quitter), le WakeUp et le GoToSleep (réveil et sommeil, lorsqu'on retourne Mir:ror), la détection et l'enlèvement des Ztamps (Mir:ror peut en reconnaître plusieurs à la fois), les messages d'erreur (pas de réseau, logiciel non installé, objet non enregistré, crash), nous avons dû faire preuve d'ingéniosité avec les mélodies que j'ai composées. Grâce au tableau trouvé sur mon précieux Leipp (Acoustique et Musique, ed. Masson), j'ai traduit les notes en fréquences, puis les durées en secondes, et en jouant sur la rapidité des fondus nous avons pu varier les timbres sonores artificiellement, sans abuser des glissés de note à note. De son côté, Antoine fabriquait des codes lumineux colorés pour rendre ces messages explicites.
Il faudra donc encore attendre trois semaines pour pouvoir jouer avec ces nouveaux gadgets qui trouveront leur utilité selon chaque utilisateur. Comme pour un projet artistique, le temps de développement industriel est long entre les premières ébauches et l'objet fini, d'autant que le système développé par Violet est particulièrement complexe pour gérer tous les flux qui vont transiter par la Toile. Comme l'écrivent Olivier Mével et Rafi Haladjian dans leur déclaration d'intention, Let all things be connected (Après un lapin, connectons tout ce qu'il est possible de connecter) et traversons le miroir !

P.S. : dans Le Journal du Dimanche d'hier, le commissaire-priseur Pierre Cornette de Saint-Cyr, président du Palais de Tokyo, suggère les douze artistes "à ne pas louper" lors de la Nuit Blanche de samedi prochain 4 octobre : "deux compositeurs qui convoquent des génies comme John Cage, monument de la composition, de l'art conceptuel..." Notre opéra Nabaz'mob, présenté à Bercy Village, fait partie des élus : "C'est une œuvre enveloppante tournée vers le futur, et toutes les possibilités qu'elle annonce me rendent optimiste." Quelle carotte ! Nos cent petites bestioles ne vont plus tenir en place...