Le premier album du nouvel Orchestre National de Jazz, dirigé artistiquement par Daniel Yvinec, sortira le 23 avril chez Bee Jazz. Ce n'est pas un disque de jazz, même si ici ou là certains chorus s'y réfèrent. C'est un recueil de chansons de l'auteur-compositeur-interprète pop anglais Robert Wyatt, autour des morceaux qu'il interpréta comme Shipbuilding, Del Mondo ou Te Recuerdo Amanda, de ceux de ses amis Peter Blegvad et John Greaves, et des siens.
La musique est délicate, avec des accents parfois un peu "trad" et des couleurs inattendues que le polyinstrumentisme des dix musiciens génère avec simplicité. Pas d'éclat, mais une musique tendre, toute en demi-teintes, tons pastels, faisant ressortir la beauté des voix convoquées à cette fête. Les arrangements de Vincent Artaud ont l'immense mérite de ne pas essayer de copier les originaux. C'est certainement l'hommage le plus réussi avec l'album italien The Different You. Comme tous les autres invités, Robert Wyatt a enregistré son chant sur lequel l'orchestre a ensuite joué en direct. Dans un précédent article, j'appelai cette technique le playforward en opposition au playback ! Si Wyatt entonne toujours aussi merveilleusement The Song, Kew Rhone, Vandalusia et Te Recuerdo Amanda, Rokia Traoré, Yaël Naïm et Arno, Daniel Darc, Camille et, à ma grande surprise, la comédienne Irène Jacob, peut-être la plus proche vocalement de la fragilité du maître farfadet, s'approprient élégamment Alifib, Just As You Are, O Caroline, Shipbuilding, Alliance, Del Mondo. Un instrumental d'Ève Risser au piano préparé joue agréablement le rôle d'entr'acte.
Encore un peu retenu, l'orchestre recèle des possibilités énormes que l'on découvrira sur scène le 23 mai pour la première en public. On sait que la seconde création de l'ONJ, Broadway In Satin, a déçu à Banlieues Bleues, insuffisamment préparée. Il faut laisser un peu de temps à l'orchestre pour trouver ses marques, ce qu'il ne manquera pas de faire pour la troisième création de la saison, le film muet Carmen dont la musique d'accompagnement sera confiée aux musiciens de l'orchestre... C'est probablement à cet endroit que réside désormais l'enjeu. Dépassant le statut de pupitres inventifs, les dix jeunes musiciens sauront-ils se saisir de l'outil pour le faire exploser ? Vous le saurez dans le prochain épisode de cette série pleine de suspense...
En attendant, Around Robert Wyatt doit être un disque très secret, car, sans m'en rendre compte ou en oubliant tout le reste, je viens de relancer le disque sur la platine pour la septième fois de la journée... Très agréable !