Jonathan Buchsbaum aide Françoise à vérifier les sous-titres anglais de Ciné-Romand. Ce sont les derniers mètres. La situation est tendue. Je les rejoins pour traduire les citations de Brecht et rendre intelligibles les extraits de ses films sortis de leur contexte. Faut-il être fidèle au texte original ou le rendre compréhensible au public anglophone ? Nous préférons adapter les dialogues, réécrire le film. Les sous-titres font partie intégrante de la création.
Dans un passage de mon propre film, La nuit du phoque, j'avais été jusqu'à insérer un texte contemporain de la réédition en DVD plutôt que traduire le texte de 1974, pour retrouver l'effet de l'original. J'avais souhaité étendre ainsi le décalage entre l'image et le son en produisant une distanciation dans le temps (plus de 30 ans !), évidemment uniquement accessible aux anglophones qui auraient des notions de français ! On connaît le célèbre exemple de Pierre Dac réalisant les sous-titres de Hellzapoppin et faisant du texte : "Ça se corse (chef-lieu Ajaccio) !" Pour Idir et Johnny Clegg a capella j'avais tenu à aller jusqu'au bout du processus de création en gérant le rythme des sous-titres avec la monteuse, Corinne Godeau. Comme c'est un film forcément musical les versions où l'un ou l'autre sont sous-titrés finissant pas constituer deux films différents.


Jonathan a réussi à attraper son train à la Gare Montparnasse et j'ai passé la journée de dimanche à faire de la correction les yeux rivés sur l'écran, l'Harrap's en quatre volumes et WordReference.com à l'appui. Françoise n'a jamais fini. Elle rajoute encore un dernier plan pour expliciter le commentaire d'un de ses invités quand il dit croire que la soirée est terminée, espérant enfin prendre un verre et qu'il constate que le frigo est ouvert : "Mais non, le film continue..." Alors à cet endroit du montage nous rajoutons le plan du téléviseur dans le congélateur qu'a photographié Aldo Sperber et qui lance le générique de fin.