La confusion la plus terrible règne parmi les compositeurs de musique dite contemporaine. Sur le site Musiques en vrac je découvre avec stupeur une pétition signée par plus de 500 personnalités s'insurgeant contre l'élection à la Villa Médicis de deux compositeurs de musiques actuelles. La confusion porte d'abord sur musiques et musiciens : il apparaît que les seconds sont plus en vrac que leurs productions pour avoir cautionné une telle initiative sans en avoir mesuré les causes et les conséquences. La confusion s'exerce entre la critique des autorités de tutelle et la division que certains tenants de la musique contemporaine officielle veulent continuer à imposer à des compositeurs qui ne sortent pas du sérail.
Premièrement, la pétition anonyme évite tout engagement de ses rédacteurs, pour ne pas se faire mal voir du Ministère de la Culture tout en le critiquant sous couvert de ses signataires.
Deuxièmement, passé le haro stérile et fratricide sur les musiques actuelles que l'on pourrait appeler musiques contemporaines populaires en cela qu'elles n'ont pas rompu leurs racines avec l'actualité sociale comme il était courant de le vivre avant les années 50, les deux compositeurs de musiques actuelles et leurs projets ne sont cités nulle part. Or il s'agit des projets de Claire Diterzi et du binôme Malik Mezzadri-Gilbert Nouno. Je doute que nombreux signataires eussent validé l'honteuse pétition s'ils avaient connu le nom des artistes incriminés.
De là à penser que les anonymes rédacteurs sont un ou plusieurs manipulateurs il n'y a pas loin lorsque l'on sait que la première, Claire Touzi Dit Terzi dite Claire Diterzi, en plus d'être une femme dans un monde machiste très fermé, est "née d'un père kabyle qu'elle n'a pas connu" et que Malik Mezzadri dit Magic Malik est "né en Côte d'Ivoire et a grandi en Guadeloupe", origines assez peu courantes dans le secteur ô combien réactionnaire de la musique classique fut-elle contemporaine.
Surtout, le travail de ces trois compositeurs, quels que soient leurs secteurs d'intervention, a toujours été marqué par la recherche, le troisième larron, Gilbert Nouno étant lui-même un compositeur de musique électro-acoustique reconnu. Les contemporains, et même les jazzmen, ont toujours fantasmé le succès des rockers sans en connaître la réalité quotidienne.
Que l'on accorde des Villa Hors les Murs à des Delbecq et des Vigroux passe encore, mais que Rome accueille en sa maison mère des métèques dont le chemin a croisé le jazz, le rock, et pire, la chanson française, est intolérable pour une bourgeoisie imbue d'elle-même et gardienne de ses prérogatives de classe. Combien de signataires ont-ils écouté la musique de Malik, Nouno ou Diterzi ? L'ignorance des uns et des autres justifient les signatures incohérentes avec la morale de nombre d'entre eux. Si je n'ai eu qu'un bref contact avec Magic Malik lors de la production de la compilation des Allumés dont je fus en charge, j'ai écrit tout le bien que je pensais de la plus décriée, une des rares artistes inventives depuis Camille à oser confronter son imagination au monde aussi fermé de la chanson française. Car toute cette affaire pue la ségrégation hexagonale, absence de solidarité asphyxiant le monde artistique de ses préjugés d'un autre temps. Cette pétition n'a rien de contemporain. Et si le Ministère a imposé ces choix pour des raisons démagogiques, réjouissons-nous qu'il profite à des artistes qui le méritent et sortent du train-train soporifique d'un milieu refermé sur lui-même, dont les pratiques consanguines n'ont rien à offrir à la France de demain.

P.S.: Contre-pétition
P.P.S.: sur le site où mène le lien ci-dessus je me suis exprimé longuement, exercice exténuant, grâce aux commentaires aujourd'hui fermés par Benjamin Renaud, lui-même fatigué par l'énergie que requiert la gestion d'une telle entreprise. Beau travail, précis et modérateur, qu'il en soit remercié !