Allez savoir où vont se nicher les superstitions et les savoirs oubliées, les contrées inexplorées de la science et les fruits de l'inconscient collectif ! Il ne naît pas plus d'enfants les jours de pleine lune, mais ma fille nous a piégés en se pointant tout de même cette nuit-là ! Nous n'avons pour autant rencontré aucun loup-garou sur le chemin de Saint Vincent de Paul. Chaque fois que je constate un nombre élevé de déments sur la voie publique, à pieds, à bicyclette ou en voiture, je ne peux m'empêcher de regarder en l'air. Et paf ! La lune est là, énorme, lumineuse. Par un habile coup de volant j'évite heureusement l'obstacle. On ne fait évidemment jamais attention à l'absence de coïncidences. C'est le succès de l'astrologie. Seules les vérifications positives valident l'oracle. Kepler aurait tout de même écrit « on ne devrait pas rejeter comme incroyable la possibilité qu’une recherche suffisamment longue puisse révéler un grain de vérité dans la superstition astrologique.» Sur combien de siècles le protocole doit-il s'étendre pour que l'on y accorde un peu de crédit ? L'attraction de la lune fait bien bouger des quantités gigantesques d'eau salée ! Nous ne sommes quant à nous que de minuscules masses, négligeables comparées aux marées. Si, avant que l'entropie ne nous emporte, nous obéissons à des lois cycliques, tant en termes intimes qu'historiques ou scientifiques, ne pourrait-il y avoir une corrélation entre les révolutions elliptiques de la lune et nos humeurs ? Nous y conformons-nous hystériquement ou sommes-nous réellement influencés comme de nombreuses autres espèces animales par les phases de la lune ? Je n'en ai pas la moindre idée, mais je sais qu'il m'aura fallu slalomer parmi les fous pour rentrer ce soir au bercail en une seule pièce. Arrivé, j'ai regardé le jardin éclairé naturellement. Il y régnait une lumière inhumaine. Je ne risquais pas de moins bien dormir que les nuits précédentes. Depuis quinze jours, je ferme à peine l'œil, me réveillant avec des idées bizarres, ni plausibles, ni totalement absurdes. Alors, si j'ai pris un coup de lune, ce ne pouvait être que le mois dernier.