La psychothérapeute jungienne de M. lui tend un petit caillou sur lequel est inscrit le mot "PEUR" et lui demande de le retourner. Sur l'autre face M. lit "DÉSIR".
La peur tue le désir, pas seulement celui qu'inspirerait l'avenir, mais aussi celui de l'instant présent. Par peur de ce qui pourrait advenir mais dont on ignore tout, alors que l'on vit dans la frustration et l'insatisfaction, l'on s'empêcherait de vivre autre chose demain, et aujourd'hui la chose, ça ! Quoi ça, ? Hé bien ça, comme chantaient Jacqueline Maillan et Bourvil pastichant Je t'aime, mon non plus de Serge Gainsbourg.
C'est ainsi que nombreux jeunes adultes sombrent dans l'abstinence sans prendre la mesure de la situation. Autrefois il était courant d'entendre des quadragénaires, particulièrement des femmes, revendiquer ce renoncement. Ces déçu/e/s de la vie étaient souvent des personnes mariées trop tôt ou avec peu d'expériences sexuelles avant la fondation du modèle social du couple. Il est certain que dégagé des tourments du sexe et de l'amour (la confusion peut exceptionnellement sembler ici pertinente) leur vie s'en trouvera simplifiée, mais à quel prix ? Il est si triste de rencontrer des individus qui n'ont d'appétit ni pour manger ni pour faire des galipettes. Cela va souvent de paire. De fesses ou d'yeux. Sans compère ce con perd.
On pourrait évoquer bien d'autres causes pour justifier la perte de la libido. La société de consommation n'arrange pas l'affaire. Combien d'enfants parmi la classe bourgeoise expriment leur "besoin de rien" au moment des cadeaux de Noël ? Ce qui peut paraître sain dans une optique de décroissance s'avère relativement inquiétant si le désir s'efface devant un flou qui n'a rien d'artistique. Les représentations de la sexualité qui s'étalent dans les grandes vitrines ou la petite lucarne formatant le désir participent aussi à la destruction. Les petits couples attendrissants parfois distillent des parfums de mort. Il faut du courage pour combattre l'opulence et le formatage. Savoir ce que l'on veut, ne pas craindre de revoir son système de repères, remettre son titre en jeu, partager ses rêves, sont des conditions sine qua non pour s'accrocher au vecteur qui tend vers le bonheur. Le passage à l'acte exige de combattre sa peur pour que renaisse le désir.