Comment relater la sortie d'un DVD de Jacques Rebotier sans faire pâle figure en jouant sur les mots ? Comment s'en passer ? Le compositeur mouille son pull-over à col roulé écharpé en interprétant ses textes en subtil comédien, en gastronome du verbe. J'ai toujours adoré la voix des écrivains (Cocteau, Céline, Guitry, Colette, Duras, Ernaux, Houellebecq, Monvoisin, Lacan, Godard, Cadiot...) comme les compositeurs jouant leurs œuvres au piano ou les dirigeant (Saint-Saëns, Mahler, Granados, Debussy, Ives, Schönberg, Cage...). D'une pièce à l'autre, d'un verre à l'autre (l'ère reboit), si Rebotier change de ton comme de chemise sans ne jamais retourner sa veste, il est vareuse (comme disait Pierre Dac, confondant avec tunique).
L'écrivain de la collection blanche chez Gallimard, c'est le même bonhomme, met en musique ses élucubrations verbales en cherchant les complicités. La chanteuse-comédienne Élise Caron s'y donne corps et âme dans la moitié des pièces en un sublime duel choral. Le temps d'un pot-pourri, le clarinettiste Louis Sclavis et l'accordéoniste Didier Ithursarry font monter la mayonnaise lorsqu'affublé d'un vague soutien d'Georges, Aperghis et Perec, le coquin effeuille ses pages en overdose de sens, dessus dessous, coup de sang, te suce dessous, affriolant. L'analyse explose sous les sous-entendus, construisant une pyramide où l'inconscient est momifié par tant d'intelligence et d'invention, une Babylone de la langue française, pentes glissantes où les syllabes avancent souvent de profil. C'est drôle, spirituel, musical, excitant. Certains disent que c'est de la poésie, mais Ça n'a pas de nom, trop enivré de paroles pour en déchiffrer l'étiquette.
Petits bémols, la pochette n'est pas à la hauteur, banale et lacunaire, et la navigation du DVD est malhabile. Pourquoi ne pas avoir demandé à Virginie Rochetti dont le thon se marie si bien avec les salades de son compère ? Au menu ou à la carte, 176 heures déjà... n'est accessible qu'à l'écran : Litanie du retournement du corps, Litanie des ongles, Litanie du poulailler, Litanie des certitudes, Douze essais d'insolitude, Litanie du coup de foudre, Non c'est pas tout ça, Litanie du désamour, Vengeance tardive, Litanie de la vie j'ai rien compris, plus le medley L'atelier du peintre, Litanie métonymique, Loin du lion, Foin du fion, Jaune, tous écrits entre 1990 et 2000 (Ed.VOuÏR).