De temps en temps nous plongeons dans le passé, feuilletant nos cahiers d'écolier, albums de photos ou boîtes à fourre-tout. Il faut parfois attendre des décennies, mais les accumulateurs finissent par rendre leur jus.
En juin dernier j'avais exhumé "les 10 vinyles que j'ai achetés pour leurs pochettes et dont la musique ne m'a pas déçu, bien au contraire, puisqu'ils sont à l'origine de ma vocation de compositeur" pour l'exposition Face B de Daniela Franco à La Maison Rouge. Étaient cités We're Only In It For The Money des Mothers of Invention, Their Satanic Majesties Request des Rolling Stones, le premier album des Silver Apples, Strictly Personal de Captain Beefheart and His Magic Band, Electronic Music de George Harrison, An Electric Storm de White Noise, The Doughnut in Granny's House du Bonzo Dog Band, The Academy in Peril de John Cale, Musics for Piano, Whistling, Microphone and Tape Recorder de Michael Snow et le premier album d'Albert Marcœur. Dimanche matin, jour propice à écouter des disques remisés derrière le divan, j'ai retrouvé d'autres albums qui m'ont influencé considérablement sans que je m'en souvienne. Je laisse pour l'instant de côté ceux de mon enfance, 45 tours et évocations radiophoniques, et mes premiers achats, Claude François, Adamo et les Beatles !
Parmi mes 33 tours achetés en 1968, Crown of Creation de Jefferson Airplane incarnait l'électricité du rock psychédélique, Have A Marijuana de David Peel and The Lower East Side l'agit prop de rue, In-A-Gadda-Da-Vida d'Iron Butterfly nos transes rituelles, In Search of The Lost Chord des Moody Blues le rock symphonique gentillet, mais ceux qui me marquèrent de manière indélébile furent plus certainement The Beat Goes On de Vanilla Fudge, incroyable remix romantique de tubes de tous les âges avec utilisation dramatique de voix historiques (Chamberlain, Churchill, Hitler, Roosevelt, Truman, Kennedy, etc.), d'interviews reconstitués et d'éléments hétérogènes, l'éclectique et expérimental Wonderwall Music de George Harrison, Beatle le plus proche de Revolution 9, et évidemment les deux précédents albums de la bande de Frank Zappa, Freak Out ! et Absolutely Free. De l'année suivante et malgré les griffures de Scat qui en avait bien esquinté les tranches, je reconnais Trout Mask Replica, chef d'œuvre de Beefheart, Umma Gumma de Pink Floyd juste avant que je les remplace par Soft Machine et Sun Ra dans mon panthéon, Family Entertainment de Family, rock progressif aussi éclectique (c'est un terme que j'apprécie, on l'aura compris ou entendu !) avec l'extraordinaire puissance vocale de Roger Chapman, Permanent Damage des GTO's (Girls Together Outrageously), un groupe de nanas déjantées produites par Zappa sur Straight.
Tous ces disques méritent d'être découverts ou redécouverts par quiconque s'intéresse à cette époque prolifique où l'imagination était au pouvoir, du moins dans la résistance. Il y en a beaucoup d'autres, c'est très personnel, je n'ai cité que ceux que je possède encore dans leurs versions vinyle avec leurs grandes pochettes de 30 cm sur 30 cm et qui ont influencé indirectement ma propre musique. L'esprit des jeunes gens est très meuble et les émotions imprimées à cette époque de formation sont souvent plus marquantes qu'on ne le suppose...

Photos prises à Marly-le-Roi en 1971 pendant le concours de l'Idhec