Tout a commencé il y a si longtemps. Il faudrait tout reprendre à zéro. Tout avait commencé comme un mauvais rêve. Remettre tout à plat. Tout finira un jour. Ça penche. À dessaler. C'est sur les mers d'huile que les marins les plus aguerris attrapent la nausée. La nuit avait finalement cédé devant le jour, mais tout nous ramenait chaque fois au sous-sol. On croit avancer sur du solide, mais la terre s'enfonce sous ses pieds. On croit se souvenir, mais ce sont les images qui réinventent le passé. Max en possédait une jolie collection, des trucs pas croyables, certaines faisaient énigme, d'autres étaient trop évidentes. Mais toutes lui déliaient la langue.
J'ai cru à la magie du quotidien comme à la banalité de l'impossible. J'avais roulé ma bosse sans penser qu'à mon tour je serai roulé par les bosses. En jouant sur les mots j'ai découvert le sens caché des gestes. J'ai tenté de contourner l'obstacle mais l'histoire me rattrape lorsque je crois lui échapper. Personne ne sait prévoir les grands bouleversements. Je tenais trop à ma planète, peut-être parce que tu étais là, comme une étoile guidant mes pas. J'ai compris trop tard que la guerre ne s'était jamais interrompue, qu'elle servait toujours les mêmes intérêts. J'ai creusé avec mes ongles pour ne pas voir ce qui était écrit. Tout ce qui est produit est recyclé, même les déchets les plus toxiques, il n'y a pas de perte. Les suicides se sont accélérés. J'y suis passé à deux doigts. J'ai suivi les petits cailloux que vous aviez semés pour chercher le sens de la folie. Ils sont prêts à tout pour conserver le pouvoir. Prêts à détruire ce qui les alimente. Ce n'est qu'une question de temps. Ils ont aboli l'espace en l'unifiant. Après avoir tout rejeté j'ai sondé en moi pour savoir qui ils sont. Je me suis construit un radeau et j'ai laissé traîner mes filets. J'ai suivi les cendres de celles et ceux qui avaient emprunté le chemin avant moi. Si la combustion avait été complète je serais tombé entre les mains de mes bourreaux. J'ai scruté les yeux de tous ceux que je rencontrai, j'ai inspecté leurs mains. J'ai rêvé crever les nuages. J'ai pris la couleur de la muraille. Soudain je n'étais plus seul. Nous étions des milliers à courir. Nous sommes tombés dans les bras les uns des autres. Nous avons uni nos forces. Nous avons décidé de sauver notre terre exsangue. Le sort s'est inversé. Un seul aurait suffi. Nous formons un rhizome. Le ciel nous guide. Aucune puissance supérieure, mais nos émanations le zébrant, lui donnant sa couleur de merde, jusqu'à ce qu'il crève comme un furoncle. Nous avons commencé à désinfecter devant nos pas. Ilona m'y a aidé. Ilona a fait céder les plus forts, parce que ce n'est jamais une question de muscles. Ilona leur a fait croire alors qu'elle savait que c'est dans le lâcher prise que se dévoile la sortie de secours. Stella a fait fi de son affranchissement d'adolescente. Stella ne respecte plus les panneaux s'ils n'expriment pas d'abord une morale. Toutes deux ont fait sauter les fusibles prévus pour durer. Elles se sont enfoncées dans leurs propres ténèbres pour remonter à la lumière. Elles ont failli s'y noyer, mais elles n'ont jamais lâché la corde que les condamnés avaient laissé pendre pour qui saurait mieux qu'eux la saisir. Aucun n'avait pensé faire le tri entre le réel et la fiction. Aucun n'avait gravé les jours qui passaient sur les murs de leur prison d'azur. Aucun n'avait craint le silence. Ils savaient que la mer serait leur salut. Ils sont les témoins du massacre qui se prépare. Je me répète que j'ai le pouvoir de l'arrêter, comme chacun. Je n'arrive plus à dormir. J'ai des visions dès que je ferme les yeux, mais les bourdonnements d'oreilles ont cessé.
J'ai beau faire le tour, il faut que je regagne la terre ferme.

Rappel : le premier épisode a été mis en ligne le 9 août 2009, inaugurant la rubrique Fiction. L'ensemble sera constitué de 46 épisodes. Le précédent remontait au 24 décembre 2010.