70 avril 2011 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 29 avril 2011

Repérage à vélos


Repérage à Villeurbanne pour le work in progress de notre projet musical et chorégraphique avec les dix premiers vélos. La version définitive sera réalisée avec cent Vélov' puisque c'est leur nom lyonnais. Cette étape de création sera probablement présentée dans le cadre champêtre d'un square pendant le festival Les invites qui se déroule chaque année dans la rue à l'initiative des Ateliers Frappaz, centre métropolitain des arts urbains. Ce hors d'œuvre réunira un orchestre composé de 4 senzas (pianos à pouces), 2 bols tibétains, 2 faisceaux de trompes, 1 tambour et 1 cymbale. Tous les instruments sont activés en pédalant, sauf les trompes dont le soufflet est situé sous la selle avec des touches sur le guidon. Dans le futur le plat de résistance exigera une partition totalement différente puisque cent cyclistes en seront les danseurs-musiciens. Les dix premiers vélos de cette mise en jambes exigent une programmation plus dense que lorsqu'ils atteindront la centaine. Nous rajoutons par exemple des plectres aux senzas. Le ballet s'adapte chaque fois à l'espace où il est présenté. L'intérêt du projet musical tient en partie à l'aspect spatial de la partition en plus de son développement dans le temps. Certains instruments exigent des perspectives lointaines quand d'autres profitent de la proximité du public. Chaque jour Wolf Ka doit réinstaller les prototypes construits par Sylvain Ravasse sur les vélos empruntés aux bornes. Hier après-midi nous avons testé une première prise de La sortie des ateliers Frappaz à Lyon !

jeudi 28 avril 2011

Souffler n'est pas jouer


Souffler n'est pas jouer, mais c'est un bon début. Entendre mon retour à la trompette et celui de Bernard chez lui après quinze jours d'hôpital pour infection pulmonaire carabinée. Souffler n'est pas jouer. Mon camarade Bernard Vitet n'est plus sous oxygène que douze heures par jour, mais le paquet de clopes est entamé. Cela me fait plaisir de le voir debout. Il a recommencé à manger. Souffler n'est pas jouer, même si je me souviens des conseils avisés qu'il nous glissa à l'oreille il y a 35 ans. Penser la note avant de l'émettre. Faire comme si l'on crachait un petit brin de tabac déposé sur la lèvre inférieure. Imaginer une flèche qui file de l'occiput à l'embouchure. Toujours sans effort. Comme si l'on disait le "ich" allemand. Laisser tomber le "bin". Je suis. Bernard griffonne un croquis où le point du "ich" joue le rôle d'un miroir incliné qui renverrait l'image du souffle venant d'en bas. Remonté à la maison sur mon destrier à deux roues, je retrouve des dessins qu'il avait réalisés au début des années 70 pour une animation pédagogique. Je recopie "L'embouchure est posée sur les lèvres, sans s'y appuyer. Les lèvres, tendues sans contraction, vibrent et produisent le son. On sélectionne les harmoniques émises en contrôlant la tension de la colonne d'air et celle des lèvres. La langue reste souple et arquée ; position haute : vers l'aigu ; position basse, vers le grave. Le diaphragme contrôle la régularité de la colonne d'air." Bernard m'explique les vocalises qu'il a imaginées, modales pour ne pas se lasser, en décalant le premier temps à chaque répétition, on glisse ainsi d'une tonalité à l'autre, toujours sans effort. Souffler n'est pas jouer ? Je mets la radio et j'improvise comme ça vient. Miracles. Lorsque le timbre ne me plaît pas j'enfonce une de mes deux sourdines Harmon dans le pavillon. Comme ça on est deux à réapprendre à respirer.

mercredi 27 avril 2011

Crazy Techno


Le jour où j'ai fait remplacer mon iPhone, traversant l'interminable queue des touristes du Louvre pendant les vacances de Pâques, je suis tombé sur Nature & Découvertes. On y trouve habituellement des petits gadgets marrants bon marché, mais ce jour-là je fais chou blanc. Je rapporte tout de même deux bouquins auquel le gamin encyclopédiste que je suis resté ne pouvait résister.
Dans Crazy Techno (Ed. Gründ) Faustine Amoré a rassemblé quelques objets hi-tech qui feront rêver les geeks. Du Noiseless USB Karaoke Mic pour préserver les voisins de vos éructations aux haut-parleurs souples et plats, de l'appareil-photo volant Skyros à la caméra Rush résistant à l'eau et aux chocs et que l'on peut se fixer aux endroits les plus incongrus, de l'imprimante 3D au téléphone implanté dans une molaire, il y en a pour les oreilles, pour les yeux, les mains, les pieds et le reste. Certains sont déjà commercialisés, d'autres sont des prototypes, c'est le Concours Lépine de nos actuels Géo Trouvetou.


Du futur faisons semblant de retourner au passé. Car aucune innovation virtuelle ne remplace le plaisir de feuilleter un livre. Wikipédia n'a rien d'aussi sexy que la sensation tactile de la tourne. La recherche dans l'index des inventions ou des inventeurs, la consultation du glossaire ne font pas seulement marcher le muscle oculaire, le balayage visuel des colonnes ouvre des perspectives imprévisibles. Tous les gadgets modernes du premier ouvrage ne me feront jamais autant rêver que le second : le pavé de 960 pages présente Les 1001 inventions qui ont changé le monde (Ed. FLammarion). De 2,6 millions d'années avant J.C. (les outils en pierre) à 2008 (le Grand Collisionneur de hadrons du CERN), les inventions humaines se déploient chronologiquement. L'accélération est exponentielle puisque les choix de l'équipe de Jack Challoner découlent de l'intérêt que nous leur portons aujourd'hui, dans tous les domaines si ce n'est celui des arts. Les anecdotes de ce concentré de vulgarisation valent leur pesant de cacahuètes. On pourra critiquer avec raison la traduction et l'orientation radicalement anglo-saxonne ; l'objet évoque néanmoins tant d'aventures à la Jules Verne que les explications y seraient fictives la suggestion poétique serait intacte !
L'intérêt de ce genre de livres est de pouvoir se feuilleter n'importe où, des toilettes au jardin, du bureau au divan... Euh, comme tous les livres ? Sauf qu'on y picore une anecdote par ci par là et que je n'ai pas besoin de les lire de A à Z pour en tirer un petit article !

mardi 26 avril 2011

Héros négatifs


Si le cinéma hollywoodien vise des adolescents âgés d'une quinzaine d'années les séries américaines produites pour la télévision s'adressent à un public plus adulte. À la mesure de leur industrie culturelle servant d'affiche à leur propagande les États Unis tentent toujours d'affirmer leur suprématie planétaire grâce à des budgets et des moyens considérables. Contrairement au cinéma dominant qui s'enlise dans les clichés à grand renfort de bons sentiments, de héros séduisants et de musique symphonique sirupeuse, les séries développent essentiellement des personnages en accord avec la misère qui envahit le pays. Leurs héros sont de pauvres bougres, drogués, alcooliques, déprimés, malades, perdus dans un monde qui n'est plus le leur, des hors-la-loi dont plus aucune morale ne vient sonner le glas puisqu'ils ont déjà chuté. Leur survie découle d'une nouvelle indépendance, ces marginaux s'inventant un monde où ils peuvent évoluer derrière la façade, bannière étoilée entretenue pieusement depuis des décennies. Monnaie de la pièce, le cinéma indépendant subit en retour cette influence et livre des œuvres où règnent la pauvreté et le sordide, le misérabilisme devenant le nouveau fond de commerce au risque de faire le lit d'idéologies populistes des plus dangereuses. Peu de revendications et de propositions constructives émanent de ces constats d'échec.
Le prof de chimie de Breaking Bad, avec fils handicapé et femme enceinte, fabrique de la méthamphétamine, associé à un jeune toxicomane, pour subvenir aux besoins de sa famille alors qu'il est atteint d'un cancer des poumons en phase terminale. Nurse Jackie se shoote au Vicodin pour affronter son rôle d'infirmière aux urgences. Shameless, basé sur une série anglaise à succès, est porté par William H. Macy en patriarche alcoolique et fraudeur avec ses six enfants livrés à eux-mêmes. Weeds est la version soft de Breaking Bad et Shameless, une jeune veuve produisant de la marijuana pour nourrir sa famille. Le savant amnésique de Fringe s'envoie en l'air avec tout ce qui lui tombe sous la main. Le héros de Californication est accroché à son sexe comme à une bouée de sauvetage. La détresse des patients du psychanalyste interprété par Gabriel Byrne dans In Treatment (En analyse) est évidente (principe : une séance du lundi au jeudi, le vendredi réservé à sa visite va chez sa propre thérapeute). Treme montre la Nouvelle Orléans dévastée après l'ouragan Katrina. Mad Men met en scène des publicitaires, avec clope et verre de whisky à chaque plan, dont le cynisme n'a d'égal que leurs frustrations. Les Desperate Housewives portent bien leurs noms. Six Feet Under évoquait une perspective inéluctable. Etc.
Dans toutes ces séries le sexe tient une place prépondérante, réaction au puritanisme de la société américaine, la religion omniprésente se confondant avec l'État. Si l'homosexualité n'est plus un tabou, la présence d'acteurs afro-américains est devenue incontournable et la jouissance féminine comme masculine quasi obligatoire. La politique est esquissée, allusions humoristiques anti-républicaines écrites par des staffs forcément pro-Démocrates. Avec la drogue et le sexe, l'indice plus notable est l'abandon du happy end et du "politiquement correct". Les pires crapules restent impunies pour permettre aux épisodes de se perpétuer de saison en saison. Il n'y a que l'hyper-réaliste The Wire pour faire mourir ses chefs de gang les uns après les autres. Les nouveaux héros sont de pauvres hères qui n'ont rien de glamour et qui traînent leurs carcasses dans une société en pleine déconfiture. Ils s'en sortent tant bien que mal par de petites combines souvent mesquines, à notre plus grand plaisir, les équipes de scénaristes rivalisant d'humour et d'astuce pour nous conter ce qui se profile à notre horizon.

lundi 25 avril 2011

Dents de lait


La petite souris remplaçait la dent placée sous l'oreiller par une pièce de vingt centimes. Elle passait pendant notre sommeil sans ne jamais se faire remarquer. Ma mère conservait en secret nos dents de lait dans une boîte remplie de coton hydrophile. Chacun la sienne. Celle de ma sœur Agnès était-elle rose ? Au dos est spécifiée la date de chaque incisive, canine ou molaire, 8 janvier 1959, 11 janvier 1959, etc. Certains trouvent cela mignon, pour moi c'est un peu morbide, mais je n'ai pas jeté la boîte, pas plus que les appareils dentaires qui plus tard m'empoisonneraient la vie. Chaque semaine je prenais le métro pour aller faire ajuster les prothèses chez un dentiste de la galerie Colbert, près de la Bibliothèque Nationale et du Palais Royal. Pour m'occuper pendant l'interminable trajet de la Porte de Saint-Cloud à la Bourse j'achetais des petits bouquins de bande dessinée chez le marchand de journaux du métro, des fascicules épais sur un mauvais papier. J'empruntais la rue Vivienne où j'avais habité dans mes premières années et où j'allais seul à l'école maternelle. Fouiller dans les tiroirs nous fait parfois faire d'étranges retours en arrière. Je fais claquer mes dents pour apprécier les sacrifices, parce que cela devait coûter une fortune à mes parents et que j'ai vécu ces trajets comme un pensum. Beaucoup plus tard le docteur Lessault remplacerait ma dent cassée que j'arborai jusqu'à mes vingt ans et en 1975 je fondai le label GRRR.

vendredi 22 avril 2011

Riens du tout


Mon horizon est un peu bouché ces jours-ci. J'ai peu le loisir d'écrire.
Mon camarade Bernard Vitet, hospitalisé depuis deux semaines pour une très sérieuse infection pulmonaire, devrait rentrer chez lui aujourd'hui, déguisé en pompe à essence. Ça tombe bien, je souhaite prendre une leçon de trompette et de respiration, il serait temps ! C'est tout de même idiot de ne jamais l'avoir sollicité alors qu'il est un maître en la matière.
L'Urssaf a fini par rappeler très aimablement, nous permettant de compléter le dossier de contrôle dont l'association est l'objet. Jean a pris la chambre de Cécile, Kay est dans la rose. Dimanche j'ai retrouvé la patine bleue du mur en arrachant la vigne morte. Ça repoussera, mais le fuchsia est perdu. Ces petits riens sont si prenants que nous avons eu l'idée de regarder Riens du tout, formidable premier long métrage de Cédric Klapisch, comédie nettement plus corrosive que ses films plus récents. Il faudrait que je revois Un air de famille qui m'avait emballé à sa sortie. Nous avons pris des billets pour Prague. Travailler 7 jours sur 7 finit par porter sur le système et prendre des vacances est toujours un sujet épineux. J'hésite à offrir mes cactus aux amis d'en face qui en ont une sublime collection. Je m'y frotte régulièrement depuis douze ans sans y penser et m'y pique donc. J'entretiens mieux le jardin que les plantes d'intérieur que j'oublie trop souvent d'arroser. Les boules d'algues qui ressemblent à des crottes d'âne ont été ramassées en Sardaigne en 1966. Le beau cadre d'Aldo ne donne rien à contre-jour. Derrière la vitre le broc n'a plus de fond. Un oiseau monotone siffle comme un portable. Les bûches sont sèches et archi-sèches. Moi aussi. À lundi !

jeudi 21 avril 2011

Un cheveu dans la soupe


Il est toujours difficile de comprendre pourquoi certains organismes sont si désagréables quand d'autres font des efforts d'amabilité. Intermittent du spectacle, j'ai tout connu dans mes rapports aux Assedic, de l'arrogance méprisante à la coopération humaine, du comptoir anti-agression au rappel téléphonique personnalisé. Depuis que l'on ne peut plus les joindre au téléphone, les choses se sont corsées, mais le courrier fonctionne pour peu que l'on soit patient. Le pompon est détenu par l'ANPE de ma municipalité. Comme je venais de déménager, la responsable me demande si ma déchéance n'est pas trop pénible. Ne comprenant pas son allusion, je lui demande de préciser sa pensée. Ce n'est pas trop dur, dit-elle, de passer du 92 au 93 ? Elle signifiait par là mon passage des Hauts de Seine à la Seine Saint-Denis ! Suivirent d'autres poncifs de classe véhiculés avec toujours plus de brutalité par cette pauvre femme tandis que j'imaginais la réaction de demandeurs d'emploi plus émotifs... Récemment, une des associations qui me salarient fut reçue à plusieurs reprises de manière exécrable par les préposées de l'Urssaf, se faisant même raccrocher au nez alors que leur aide était sollicitée sur un point de détail pourtant simple. Quelle hiérarchie monstrueuse subissent ces employés s'ils n'ont d'autre exutoire que de répercuter la tension qu'ils vivent au quotidien ?
De ces administrations kafkaïennes glissons au privé avec la société Apple. On aura beau critiquer avec raison sa politique protectionniste, la qualité d'accueil et d'écoute y est chaque fois exemplaire. Mon iPhone ayant un pépin d'alimentation, on me le change illico pour un neuf. La même aventure est arrivée à ma fille il y a trois mois, sauf que mon mobile indique qu'il a pris l'eau, accident non couvert par la garantie. Comme j'explique l'absurdité du verdict au jeune technicien il m'octroie une faveur en précisant que cette exception ne pourra se reproduire. Est-ce notre séjour asiatique qui colora en rouge les voyants d'humidité ? Allez savoir ! Rentré à la maison, je n'eus plus qu'à restaurer mes informations à partir de la dernière synchronisation. La fragilité de l'instrument me fait hésiter à prolonger la garantie via AppleCare (69 euros pour une année supplémentaire) ou en souscrire une chez Orange (9 euros par mois, mais couvrant également le vol). Mobile Me me propose de localiser gratuitement l'objet, c'est sympa que je le sache aussi, puisque Apple me piste sans me le dire depuis quatre ans déjà...
Je profite de ma visite à l'AppleStore pour m'offrir un Magic Trackpad à connecter en Bluetooth à ma tour Mac en remplacement ou complément de la souris. L'objet (c'est le grand carré métallisé qui trône à droite du Tenori-on et du Kaossilator sur la photo) rappelle les gestes opérés sur le trackpad de mon portable et me permet même de contrôler à distance ce qui se passe à l'écran, gymnastique précieuse lorsque je m'enregistre moi-même depuis la cabine du studio. C'est évidemment plus agréable que de se confronter aux administrations aimables comme des portes de prison, parcours d'obstacles qui coupe toute inspiration. Sic. La frustration des esclaves serviles s'oppose aux satisfactions qu'ont d'autres de se rendre utiles. Et les réponses mécaniques et inhumaines justifient d'être un jour remplacé par une machine !

mercredi 20 avril 2011

La ruche à tous les rayons


J'envie Simon et sa nouvelle auto dont la couleur est exactement la nôtre. J'aurais fait de sacrées économies si j'étais tombé sur un engin comme celui-là, vive les travaux publics ! Ni le bleu gendarme de l'Espace partie à la casse ni le bleu clair de la Pépite flambant neuve n'arrivent aux jantes de cette Express (Orange was the color of her dress).
Simon, Caroline, Thibault passent de temps en temps assister Françoise comme jadis Julien, Olivier, Annabelle, Igor, Lucie, Pauline et bien d'autres. La maison ressemble alors à une ruche. Le studio accueille souvent les musiciens avec qui je travaille, et les amis. Comme la maison est grande, nous avons deux chambres qui leur sont consacrées, rose ou bleue. Le registre affiche souvent complet. Nous entretenons ainsi une plus forte intimité avec les provinciaux, les étrangers ou les lointains banlieusards qu'avec les Parisiens. Les heures tardives de la nuit et celles de l'aube poussent aux confidences, quand on ne pense plus au dernier métro ou que l'on envisage ce que la journée nous réserve. Certains font un passage éclair, d'autres restent un mois. Je retrouve les accents des débuts de mon indépendance lorsque nous vivions en communauté, ce que l'on appellerait aujourd'hui la coloc. Un grand appartement et chacun sa chambre pour un loyer plus acceptable. Depuis qu'Elsa est partie vivre de ses propres ailes la maison est trop calme. Faire hurler les haut-parleurs me ramène à mon adolescence plutôt qu'à la sienne. Partager le quotidien avec d'autres nous sort du monde exigu du couple. On est d'ailleurs souvent plus dignes en présence de tiers que confinés dans la névrose qui risque de s'installer avec le temps et les habitudes.
J'imagine quitter Paris un jour, mais je sais que notre nouvelle maison devra être encore plus accueillante si nous ne voulons pas nous cloîtrer dans un splendide isolement. Lorsque nous nous en allons nous préférons la confier, avec le chat en prime, plutôt que la laisser vide.
J'aime partager, la vie, la musique, les émotions, la cuisine, le temps qui s'en trouve décuplé, comme si l'on vivait plus longtemps et plusieurs fois dans le même, un vie quantique. Dimanche nous étions dix à table dans le jardin et je pensais aux abeilles qui passaient de temps en temps humer le menu concocté par Benoît avec le soutien de sa Françoise et de leurs enfants. Ève avait apporté le fromage, Antonin un dessert, les conjoints papillonnaient autour, leurs yeux plissés par le soleil. J'ai photographié le sourire des amants. Il y a longtemps dans cette colonne j'avais décidé de tirer le portrait de tous les amis de passage, mais j'oublie presque chaque fois. Dans dix ans, dans vingt ans, si je suis encore là, je regarderai comme ils sont restés jeunes et beaux, parce que le bonheur conserve lorsqu'il est constitué d'un appétit de vivre, d'une résistance militante et de la générosité du partage. Mes amis apportent leur miel à l'existence.
Avec les beaux jours, entendre seulement une météo plus clémente élargissant notre espace au plein air, nous espérons beaucoup de monde. La plupart s'invite d'eux-mêmes. Nous les y exhortons, car nous ignorons les usages de l'invitation formelle. Que notre indisponibilité passagère ne les empêche pas de rappeler une prochaine fois ! À brûle-pourpoint. Les réponses sont franches. De cette promiscuité j'apprends beaucoup. J'adopte l'ailleurs ou l'autrement. Il m'arrive même de me taire.

mardi 19 avril 2011

46. Maman !


La soucoupe file en droite ligne dans l'obscurité, crachant des spaghettis de lumière, la barbe frisée d'électrons s'agitant en tous sens comme une nuée de moustiques affamés. La lune a fait son trou au centre de la seule tâche qui macule l'encre noire. Stella tombe à genoux en s'écriant "Maman !".
Muriel est un sujet tabou. Il n'est pas un soir sans que la fille pense à la mère quand ses paupières se ferment. Rompue au faire-semblant des muscles du visage exprimant mille autres sentiments aussi vrais que son trouble, jamais n'en montre rien à quiconque, surtout pas à son père. Elle était trop jeune alors et n'avait rien pu faire faute de n'y comprendre rien. Max avait traversé suffisamment d'épreuves sans qu'il soit nécessaire d'en rajouter par son évocation. Comme une mauvaise blague Muriel était partie un matin chercher des cigarettes et n'était jamais réapparue. Il ne lui était rien arrivé de fortuit, ni accident ni violence. On la savait sauve parce qu'elle avait pris l'habitude d'envoyer des cartes postales, avec rien dessus, sauf que l'image recelait chaque fois une référence à un événement ou un objet qu'elle seule eut pu connaître. Une poupée de chiffon bleue avec son bonnet jaune à pompon rouge, une passerelle de cordes au-dessus du vide, la mer déchirée avec derrière un lampadaire (collage), un chat siamois qui se lèche en louchant, le Pont des soupirs gribouillé au stylo bille, les quatre ponts de Tolentini, un rassemblement de Bigouden, et les vagues... Ayant tout abandonné elle ne voulait pas que l'on s'inquiète ni qu'on la cherche. De toutes manières elle avait certainement changé de nom, refait sa vie, ailleurs. Les timbres provenaient des quatre coins du monde. Max pleurait chaque fois. Une fois par an. Autour de l'anniversaire de Stella. Aujourd'hui personne n'était plus là pour recevoir l'image pieuse. La fuite de Muriel était aussi absurde que banale. Elle n'avait pas souhaité enfanter si jeune, mais elle aimait son compagnon, elle aimait son enfant, et elle répétait toujours que l'on ne vit qu'une fois et qu'il faut savoir amorcer les virages. Si elle savait ! Que penserait-elle de leur incroyable odyssée ? Stella n'en revient pas elle-même. Elle se réveillerait bientôt et oublierait les détails au fur et à mesure que la matinée avancerait.
Il ne lui avait fallu que le temps de deux syllabes pour ressasser tout cela dans sa tête. Elle était née une nuit de pleine lune sans étoiles comme celle-ci. Sa mère aimait raconter que c'était la seule qui brillait ce soir-là. Max en rajoutait prétendant que son tramway s'appelait désir. Pour faire un bon mot Philippe avait chantonné qu'on avait tous quelque chose de Tennessee. Personne n'avait sombré dans la folie. Du moins jusqu'à cet instant où le machin lumineux éclairait le ciel.
Max et Muriel s'entendaient à merveille. Trop bien de son point de vue à elle. Mais Stella ? C'était resté un mystère. L'univers est constitué de tellement d'angles, il y a tant d'univers, le nôtre est insignifiant. Savoir regarder loin. On tourne autour du pot. C'est quoi ce délire ? Personne ne tire de feu d'artifices. L'engin est énorme. On était partis apprendre ce qui se passait en ville, longeant la côte au son, le long du reflet d'argent sur le bord de l'écume, et nous voilà le nez en l'air incapables de faire la moindre supposition. Personne ne voit la queue du gros poisson roulé par les vagues.
Ilona, qui n'a encore prononcé un mot depuis que la chaloupe les a débarqués, dit simplement : "Si c'était un rêve cela arrangerait tout le monde. Surtout que l'on n'ait pas besoin d'explications ! Comme si l'imagination des hommes n'avait pas de limite... Lorsqu'ils butent ils invoquent Dieu pour résorber l'angoisse, mais celles et ceux à qui nous transmettrons ce que nous avons vécu se savent bien vivants. Comme pour l'histoire de Keats avec ses chats, ils nous traiteront de menteurs, et les plus malins, de poètes, mais nous risquons d'être seuls, de ne pas être crus. Dans un autre temps nous aurions pu rapporter des preuves tangibles, mais aujourd'hui tout se falsifie, les images, les sons, les souvenirs, on peut tout inventer..."

lundi 18 avril 2011

Frank Zappa, la Freak-Out List


Pour un aficionado le titre est alléchant. En 1966 sort Freak Out!, le premier album des Mothers of Invention. Y figure la liste des "personnes ayant contribué matériellement de diverses manières à rendre la musique des Mothers of Invention ce qu'elle est", et la mère supérieure d'ajouter "SVP ne le retenez pas contre eux".
En 2004 je terminai mon article pour Jazz Magazine intitulé Les M.O.I., l'émoi et moi par "J’ai toujours considéré Zappa comme le père de mon récit, du moins pour la musique. Chaque fois que je « découvrais » un nouveau compositeur, je courrais voir s’il appartenait à la liste d’influences que Zappa donne dans son premier album. Ainsi, depuis 1968, j’ai vérifié les noms de Schoenberg, Kirk, Kagel, Mingus, Boulez, Webern, Dolphy, Stockhausen, Cecil Taylor, et mon favori, Charles Ives… Je suis surpris aujourd’hui de ne pas y lire les noms de Conlon Nancarrow, Harry Partch ou Sun Ra (...)."
Rob Johnstone vient de publier en DVD son film prétendant aborder la liste de rêve. Le but est en fait d'initier le public anglais à la musique du compositeur américain, mais le réalisateur ne s'intéresse hélas qu'aux influences "classique" les plus connues (Schönberg, Stravinski, Varèse), au doo-wop (témoignage de deux membres des Cadillacs) et au jazz de Miles Davis (digression hors-sujet suspecte). Pour quiconque est peu familier avec la musique de Frank Zappa, The Freak-Out List est d'un intérêt certain, mais les autres n'y trouveront pas de quoi se nourrir. La forme du reportage est fidèle au style plan-plan de ce genre d'exercice, les documents trop courts alternent avec des interviews découpées en rondelles. Trois anciens Mothers, Ian Underwood, Don Preston et George Duke, les biographes Ben Watson et Greg Russo, celui de Varèse, Alan Clayson, l'historien David Nicholls et le spécialiste de R&B Robert Pruter s'y conforment. C'est dommage.
Je suis déçu. Le film reste à faire. Il irait à la pêche aux archives pour nous révéler les merveilles qui ont fait saliver Zappa et peut-être quelques énigmes de son inspiration. Les 179 noms s'égrènent dans un apparent désordre, 23 environ pour chacune des 8 colonnes. Malgré mon érudition en la matière je n'en connais pas la moitié. L'enquête devrait être exhaustive, systématique. La liste continuera-t-elle à susciter des vocations ? Est-elle le fruit d'un brain storming ? Quels secrets y sont cachés ? Zappa contrôle-t-il déjà tout ce qu'il livre au public ? Sur Wikipédia un détective électrique tente l'opération, la liste est là, classée méthodiquement, chaque nom renvoyant à un nouvel article de l'encyclopédie contributive, mais il reste quelques inconnu(e)s.
Le carton de mon pressage américain est deux fois plus épais qu'un européen. C'est un des premiers doubles, un album-concept qui a influencé le Sergent Pepper's des Beatles. Son producteur, Tom Wilson, a également à son actif Sun Song de Sun Ra, The Times They Are a-Changin’, Another Side et Bringing It All Back Home de Bob Dylan, Wednesday Morning, 3 A.M. de Simon & Garfunkel, Chelsea Girl de Nico et White Light/White Heat du Velvet Underground. À cette époque il y avait des types qui avaient du nez et prenaient des risques. Freak Out! n'eut aucun succès à sa sortie aux USA et resta confidentiel ailleurs.
En 2006, pour le quarantième anniversaire du vinyle, le Zappa Family Trust a publié The MOFO Project/Object, un quadruple CD qui passionnera les fans, playbacks instrumentaux, prises alternatives, remix ultérieurs, documents d'archives, etc. Les autres pourront acquérir le petit chef d'œuvre sous sa forme originale, plus simple.
Mélange de chansons pop et de rock, d'expérimentations hirsutes et facéties vocales (Freak Out!, Absolutely Free et We're Only In It For The Money), de pièces symphoniques (Lumpy Gravy), de doo-wop (Ruben & The jets), de blues, de jazz (Uncle Meat), les premiers albums de Zappa sont tous incontournables, tous brassant toutes ces influences en un melting pot unique qui ne ressemble qu'à son auteur, compilateur de génie, arrangeur visionnaire, citoyen engagé, compositeur emblématique de la seconde moitié du XXe siècle dont la popularité ne cessera de grandir.

vendredi 15 avril 2011

Le trésor d'Albert Ayler


Sept ans, l'âge de raison. C'est le temps qu'il m'aura fallu pour craquer. Depuis des mois, l'énorme coffret me faisait de l'œil dans la vitrine du Souffle Continu, le magasin de disques indépendant où l'on trouve tout ce qui sort de l'ordinaire. Le prix m'arrêtait, 90 euros. Pourtant, cela valait le coup : 9 CD d'enregistrements rares et inédits, un luxueux livret de 208 pages relié et illustré avec des textes d'Amiri Baraka, Val Wilmer, Marc Chaloin, Ben Young, Daniel Caux, etc., des facsimilés de programmes et de notes manuscrites, des photos, un dixième CD bonus du temps de son service militaire et même une fleur fânée ! Holy Ghost ressemble à une boîte de biscuits noire dans laquelle on aurait glissé des trésors de l'enfance. L'enfance de l'art. L'art brut. Le brut du décoffré. La magie absolue. L'essentiel. La bande de carton beige qui entoure l'objet annonce la couleur : "Coltrane était le père. Pharoah Sanders le fils. J'étais le Saint-Esprit." Albert Ayler est au free jazz ce que Jimi Hendrix est au rock, une apparition fulgurante, inimitable, l'énergie à l'état pur, la musique américaine, le lyrisme tordant le cou à la mélodie jusqu'à nous rendre ivres... La mort du saxophone ténor, retrouvé noyé dans l'East River en novembre 1970 à l'âge de 34 ans, restera une énigme.


Ayant déjà souvent relaté mon admiration absolue pour l'art d'Albert Ayler, je renvoie le lecteur à mes précédents articles, deux en particulier, le premier en 2006 sur le film My Name is Albert Ayler, le second publié l'an passé par un compilateur indélicat qui en avait fait sauter le titre, Le sabre et le goupillon. Si vous ne connaissez pas Albert Ayler, mieux vaut commencer par la réédition CD des Nuits de la Fondation Maeght. Mais si vous croyez avoir tout entendu, alors faites-vous plaisir, parce que l'objet sera forcément un jour épuisé, et alors vous regretterez amèrement de ne pas vous être saigné (je n'ai pas dit "signé", car je n'entends pour ma part dans ce sacrement que son aspect profane, les arcanes de l'inconscient tenant lieu de grâce).

P.S. : aux côtés d'Ayler, par ordre d'apparition, Herbert Katz, Teuvo Suojärvi, Heikki Annala, Martti Äijänen, Cecil Taylor, Jimmy Lyons, Sunny Murray, Gary Peacock, Don Cherry, Burton Greene, Frank Smith, Steve Tintweiss, Rashied Ali, Donald Ayler, Michel Samson, Mutawef Shaheed, Ronald Shannon Jackson, Frank Wright, Beaver Harris, Bill Folwell, Milford Graves, Richard Davis, Pharoah Sanders, Chris Capers, Dave Burrell, Sirone, Roger Blank, Call Cobbs, Bernard Purdie, Mary Parks, Vivian Bostic, Sam Rivers, Richard Johnson, Ibrahim Wahen, Muhammad Ali, Allen Blairman. Les deux derniers CD sont consacrés à des interviews d'Albert Ayler avec Birger Jørgensen, Kiyoshi Koyama et Daniel Caux qui s'entretient également avec Don Cherry.
Le site de Revenant Records offre le détail des CD, quelques extraits mp3, des photos, des extraits de presse.

jeudi 14 avril 2011

Scooter, toujours près !


Nous acceptons souvent de la réalité ce qui nous paraîtrait incroyable dans une fiction.
La sonnette de la porte retentit à l'heure où les enfants partent à l'école. Notre voisine est énervée par le vol de son scooter qui a eu lieu cette nuit. Le parking à deux roues, exclusivement motorisées, a été implanté devant chez nous par la mairie, avec notre accord car il n'y avait nulle part où attacher les bécanes à proximité. L'espace étant trop exigu pour une automobile, nous avions suggéré des bacs à fleurs mais leur entretien encombre la ville. Notre voisine s'est souvent fait barboter sa jupe, entendre la partie du véhicule qui protège les jambes. Aucun autre scooter n'étant présent à cette heure matinale, il semble que l'affaire se confonde avec une razzia. On aurait sectionné l'énorme chaîne, cassé le Neiman, etc.
En fin d'après-midi son compagnon reconnaît leur propriété garée devant l'agence Pôle-Emploi à quelques mètres de chez nous ! Le conducteur, la trentaine, explique qu'un petit jeune a aperçu les clefs oubliées sur l'engin, est rentré le soir à la cité et lui a "prêté" le lendemain. Et d'ajouter "dorénavant évitez de laisser vos clefs sur votre scooter !". Le type ignorait évidemment où il avait été "emprunté". Sur le chemin de retour de l'école, notre voisin chanceux est tombé juste au bon moment sur le "nouveau propriétaire", chômeur, qui ignorait la proximité des lieux ! L'histoire est exemplaire. On dirait pourtant le scénario poussif d'un mauvais film français, les personnages y occupant les places assignées par les préjugés : le couple bobo avec l'épouse tête-en-l'air et le mari perspicace, leur gamine à l'école, le petit voleur de la cité et le grand frère chômeur... J'oubliais le concierge qui relate les anecdotes du quartier sur son blog !

mercredi 13 avril 2011

Finir la musique, pour commencer !


Qu'un jeune homme choisisse le dernier plan de la Villa Santo-Sospir pour ouvrir son blog et celui du Testament d'Orphée pour le refermer ne peut qu'entretenir ma sympathie. Le fantôme de Jean Cocteau, artiste protéiforme, se sera penché sur son berceau en convoquant une cohorte de bonnes fées qui lui communiqueront le désir d'écrire et de jouer. En analysant la fin, le jeune garçon précoce se préparait un avenir. Il a depuis grandi et ne pourra bientôt plus émouvoir ses pairs en incarnant la jeunesse si ce n'est l'éternelle, privilège des poètes. Son duo à paraître sur le label Bee Jazz avec le pianiste Benoît Delbecq se révèle déjà un petit chef d'œuvre de sensibilité et d'intelligence partagée.
Antonin-Tri Hoang, saxophoniste, clarinettiste, pianiste, compositeur, que sais-je encore, a enfin mis son mémoire en ligne. "Finir la musique", beau sujet pour le gamin qui commençait ce travail d'étude dans le cadre de son Master 2ème année au CNSMDP (Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris) en mars 2009 et recevra les félicitations du jury à l'unanimité l'année suivante. Qu'il me sollicite pour le diriger m'honora plus que je ne pensais l'aider. Nous eûmes quelques discussions à bâtons rompus sur la composition musicale et l'improvisation, terme qui n'exprime que la contraction du temps entre l'écriture et l'interprétation. Nous écoutâmes quelques références étoilées, entendre comme elles brillent malgré leur distance, et les commentaires du blog qu'il initia à cette occasion furent surtout alimentés par son artiste de mère, Marie-Christine Gayffier, et par ma fidèle attention. Passé le mot "fin", les illustrations représentent Eric Dolphy, Erik Satie et Marcel Proust, c'est tout dire de son inspiration comme de ses expirations.


Dans les dernières notes que je lui envoyai trop tard pour qu'il en tienne compte, la nuit où il bouclait son mémoire, je critiquai (mes termes en italiques) son évocation des frontières. La musique n'en a pas. Ce n'est pas pour délimiter l'espace qu'elles ont été inventées. L'horizon est infini. La Terre n'appartient pas aux humains, c'est le contraire. Il s'agirait plutôt de dessiner un cadre, de délimiter l'espace pour ne pas s'y perdre. J'ajoutai : tes comparaisons du premier paragraphe sont aussi sujettes à caution : le langage a une structure, ce n'est pas une fin... La durée a peut-être à voir avec les rotations de la planète, la révolution copernicienne. La fin fait peur quand le début enchante. Les interrogations d'Antonin se retrouveront dans sa musique. Lorsque vous entendrez sa ligne de anches ayez son texte à l'esprit ! Il éclaire sa pensée, son œuvre en devenir. Tenez-le à l'oreille, aux deux même, tant le monde du son jouit du relief et des perspectives. Ça s'écoute sans fin...

mardi 12 avril 2011

Le Road Movie de la mort


Sommes-nous dans un jeu d'arcades ou dans un film de science-fiction ? Pierre Oscar Lévy m'indique une vidéo qu'il n'a pas réussi, faute de temps, à placer sur son Blog Mediapart et dont il donne l'adresse sur FaceBook. J'évite en général de dupliquer ces petites séquences qui circulent sur le Net et se répandent en buzz ou spam, mais la folle excursion de ces deux Japonais sur la route de Fukushima est bouleversante. Traversant des villages fantômes où n'errent plus que quelques animaux abandonnés, contournant les crevasses béantes de la chaussée, ils notent le taux de radiation entre 30 km et 1,5 km de la Centrale où personne n'a réellement pénétré depuis la catastrophe. Personne ne sait exactement ce qui s'y passe. Le compteur marque 112 microsieverts, environ 350 fois la normale. La pub YouTube, plus obscène que jamais, vient polluer l'image.


Au fur et à mesure que les informations nous parviendront la zone d'exclusion s'étendra toujours un peu plus. Pour des siècles ! Le néolibéralisme dérégulateur, abrogeur de lois, a accouché d'un monstre d'inertie en confiant au privé la sécurité du monde, lobbying aidant. Comme tout le reste de ce qui nous gouverne, jusqu'à nos actes les plus intimes. Pierre Oscar, qui avait abordé le sujet du nucléaire en 1990 du temps du magazine Archimède, m'explique que contrairement à Tchernobyl il n'y a personne pour fabriquer de dalle de béton sous le ou les cœurs en fusion. Qu'arrivera-t-il lorsque la nappe phréatique sera atteinte ? Quels dégâts provoquera l'explosion due au chaud-froid si cela se produit ? Le syndrome chinois est une théorie absurde, mais ne sommes-nous pas en présence des prémisses de la sixième extinction, celle de l'espèce humaine et, avec elle, celle de la plupart des autres ? La moitié du Japon est-elle déjà condamnée ? Combien de sauveteurs ont été sacrifiés en Ukraine ? Les chiffres officiels sont d'affreux mensonges. Combien de temps mettront les cancers à se déclarer ? Votre thyroïde a-t-elle un avenir ? Si vous pensez que nous sommes alarmistes, fouillez les années 70. Nous y sommes.
Mes parents répétaient qu'ils n'auraient pas dû faire d'enfants à l'heure de la bombe atomique. Avaient-ils imaginé que la catastrophe pourrait surgir du "génie" civil ? Des solutions existent. Si les énergies alternatives ne sont pas aujourd'hui suffisantes, il faut soutenir la recherche et, en attendant, réduire nos dépenses énergétiques. Les Japonais ont commencé. Chaque fois qu'ils actionnent un interrupteur ils s'enfoncent un peu plus dans l'horreur. Les lumières vont s'éteindre. La plupart des individus, ici comme ailleurs, préfèrent pourtant ne pas savoir. Comme si nous n'étions pas responsables...

Photo d'une centrale nucléaire française, origine inconnue.

lundi 11 avril 2011

Solutions locales pour un désordre global


Je reviens sur le documentaire réalisé par Coline Serreau pour plusieurs raisons. D'abord les médias traditionnels relatent essentiellement les sorties cinéma et les passages des films à la télé au détriment des éditions DVD qui offrent, entre autres, des compléments exclusifs passionnants. La réalisatrice de Solutions locales pour un désordre global y évoque sa genèse et enfonce le clou sur les solutions possibles au désastre mondial. La bande-annonce est en cela exemplaire :


Les bonus sont autant d'anecdotes terriblement savoureuses. Les ingénieurs agronomes Lydia et Claude Bourguignon rient des caprices du marché, pommiers nains avec grosses pommes, fraises Tagada, risque de confusion entre petits pois et crottes de lièvres, porc maigre... Dominique Guillet, fondateur de Kokopelli, insiste sur le danger de disparition des abeilles... Le philosophe Patrick Viveret, conseiller à la Cour des Comptes, dénonce les indicateurs de richesse erronés et le modèle DCD (dérégulation - compétition - délocalisation)... Le Prix Nobel de la Paix Muhammad Yunus, connu pour avoir fondé la première institution de microcrédit, la Grameen Bank, dont il a récemment été exclu pour raisons politiques, défend la banque des femmes en opposant la culture et les lois... Le philosophe Jean-Claude Michéa déchiffre le cadre théorique de la société libérale, ses origines, sa prétendue neutralité avec privatisation des valeurs morales, la progression du capitalisme sous prétexte d'avancée des droits de l'homme avec l'exemple de la prostitution ; il analyse ensuite la gauche dévoyée, l'aberration de la croissance, le cynisme du nomadisme attalien, le jeunisme... Francisco Whitaker, l'un des organisateurs du Forum social mondial de Porto Alegre, dénonce la trahison de Lula...
Ces témoignages complètent ceux du long métrage, tout aussi remarquables, tels le pionnier de l'agriculture biologique Pierre Rabhi, la chef de file des écologistes de terrain et des altermondialistes dans le monde Vandana Shiva, Indien comme elle l'expert des questions alimentaires Devinder Sharma, le spécialiste des rapports nord-sud Serge Latouche, Brésiliens l'un des fondateurs du Mouvement des Sans-Terre João Padro Stedile et l'ingénieure agronome Ana Primavesi, l'Ukrainien Antoniets Semen Sviridonovitch, le Français Philippe Debrosse, agriculteurs, etc.
En plus du DVD publié par les Éditions Montparnasse, le site du film offre encore d'autres pistes, indique les projets mis en œuvre près de chez vous, propose de vous aider à en monter un... Les onglets égrainent : Consommer bio, local et de saison - Revégétaliser l'urbain - Créer mon potager bio - Créer une AMAP - Cultiver des semences potagères et biologiques - Créer un marché de producteurs bio & locaux - Convertir une cantine en bio et locale - S'installer ou se convertir à l'agriculture biologique - Recréer un périmètre de souveraineté alimentaire - J’habite en ville et je veux agir... Pour une fois que la critique propose des solutions, il faut saluer les initiatives.
Nous sommes à un tournant déterminant de l'histoire de l'humanité. La révolution arabe montre que rien n'est impossible tandis que la catastrophe nucléaire japonaise sonne l'alarme. L'aquoibonisme n'est plus de rigueur. L'engagement est devenu incontournable. Des solutions existent, économiques, politiques, quotidiennes. Rien ne peut plus continuer comme avant, encore moins comme aujourd'hui.

vendredi 8 avril 2011

Demarcq, Meens, Gorgé, avec les oiseaux


Dans la boîte aux lettres, sous la mangeoire aux églantines où se balancent merles et moineaux, s'est niché le plus gros livret de CD de l'année, pavé de 348 pages ! Non, j'exagère, le trio formé des poètes Jacques Demarcq et Dominique Meens et du compositeur Francis Gorgé (cofondateur d'Un Drame Musical Instantané) n'en occupe que les 12 dernières suivies de 64 minutes pour se reposer les yeux. Ils se racontent les uns les autres sur le papier pour ne plus se fier ensuite qu'à leur ornithologie de plume et de gosier. Avec les oiseaux, le trio n'a pas fini de gazouiller...
Mon amitié me rend terriblement injuste, car la revue Grumeaux n°2 publie d'abord les textes de Bernard Aspe, Luc Bénazet, Jacques Jouet, Frédéric Forte, Rémi Marie, François Henninger, Benoît Casas, Rémi Bouthonnier, Antoine Dufeu, Antoine Boute, Bruno Fern, Christian Prigent, Joël Baqué, Noël Ravaud, Phillippe Forest, Benjamin Monti, Alenka Zupancic (la seule femme de la bande ?), Jean Renaud, Philippe Beck, E.E. Cummings, Edoardo Sanguinetti, chacun lui-même précédé par une illustration de Pierre Marty, avant que n'interviennent paroles et musique collées en page 345 dans leur plastique pochette. D'autres, plus compétents et moins impatients, se chargent de cette imposante littérature.
Que me manque le son de la guitare de Francis, arpèges tendres, accords tranchants, vision électrique, culture lyrique ! Elle accompagne les deux hommes de plume en dressant les décors d'un théâtre en plein air quand la virtualité de l'orchestre ne vient pas rappeler que la représentation a tous les droits sur le réel. C'est même un devoir. Les gars jouent sur les mots, ils planent, se posent sur le bord de nos fenêtres, ils chantent les ailes et donnent des coups de bec à l'époque.
L'avertissement en préface revendique le début et la suite, après avoir donné de la Voix, titre du premier volume, pour s'être heurté à L'impossible, titre de ce second numéro. Infra-disciplinaire, contemporaine et collective (l'éditeur, c'est NOUS), la revue s'espère annuelle et se sait abordable (10 euros seulement). Politique, elle fait des GRumeaux en revendiquant son premier phonème, cher à nos oreilles de producteur indépendant, Grrrrrrrrrr !

Quelques extraits...

jeudi 7 avril 2011

Vélib à musique


Le travail sur le Poème symphonique pour 100 vélos avance doucement, mais sûrement. Wolf Ka m'avait convié à Pigalle mardi aux premiers essais de nos vélib' à musique, soit le bol chantant et la senza, deux prototypes parmi la dizaine d'instruments originaux construits avec le luthier expérimental Sylvain Ravasse. N'ayant pas encore convaincu JC Decaux de nous prêter quelques montures nous devons œuvrer avec les moyens du bord, soit nos propres cartes d'abonnés. Évidemment avec le beau temps on ne trouve plus un vélib' à la ronde et il nous faut ruser pour en attraper deux et installer les dispositifs sur le moyeu. La senza fixée lames vers la roue, nous vissons des plectres sur les rayons pour actionner telle ou telle note, le rythme et la fréquence entre elles dépendant de leur position et de la vitesse du pédalage.


Nous roulons de concert pour tester le niveau sonore et l'harmonie. Le bol tibétain excité par une petite roue produit un son aigu continu qui se marie parfaitement au rythme de la senza. Il est étonnant de constater que les passants ne font nullement attention à nos facéties sonores. Le 18 juin à Villeurbanne nous présenterons un petit ensemble de dix vélos composé de senzas, cornemuses et percussions diverses avant de passer aux choses sérieuses, le temps de rassembler les coproducteurs nécessaires au projet complet. La chorégraphie et la composition musicale sont écrites de paire, car ici, en termes d'équilibre sonore et de structures musicales, l'espace est un facteur aussi déterminant que le temps. En attendant, ça roule !

mercredi 6 avril 2011

Couleur du printemps


J'ai hésité entre peinture et plomberie.
Évoquerai-je le bois des fenêtres dévoré par la pluie ou la nuit de poussière obscurcissant la cuisine au passage de la disqueuse pour encastrer le nouvel évier ?
La couleur du printemps fait une meilleure enseigne à mon billet. Le vert du jardin grimpant le long de la façade nous laisse croire que nous saurions marcher sur les murs au milieu de bassins renvoyant l'image des nuages. Alors soyons sauriens ! On dit que le noir va avec tout, mais l'absence de risques en termes de façade donne un goût encore plus maussade à la crise. Rien d'étonnant à ce que la mode s'empare des tons vifs pour faire passer l'amère pilule. Le vert fonctionne à chaque étage, avec le rose fuchsia ou le bleu ciel des chambres patinées comme avec le blanc immaculé du salon et le bleu nuit des volets. Le kitsch de la salle de bain laquée de rouge au gazon vert était déjà dans le ton, il suffisait de déplacer un palmier pour que la jungle y retrouve ses marques.
Si le coloris est affaire de culot, éviers et robinets design sont hors de prix. Apprécions la modestie du granit noir qui a remplacé la céramique fêlée en fredonnant le refrain de Duvernois et Simons rendu célèbre par Pauline Carton et André Berley. Les palétuviers s'y marient si bien avec l'évier !


Ah ! Viens sous les pa..
Je viens sous les pa..., je te suis pas à pas
Ah ! Suis-moi veux-tu !
Je n'suis pas vêtue sous les grands palétus
Viens sans sourciller,
Allons gazouiller sous les palétuviers
Ah oui ! Sous les pa pa pa pa, les pa pa les tu tu,
Sous les palétuviers
Ah ! Je te veux sous les pas, je te veux sous les lé,
Les palétuviers roses
Aimons-nous sous les patus, prends-moi sous
Les laitues, aimons-nous sous l'évier

mardi 5 avril 2011

Les films invisibles


Feuilletant le passionnant catalogue du Cinéma du réel dont la programmation se termine au Centre Pompidou, je dévore la sélection de films invisibles choisis par une cinquantaine de cinéastes, historiens, critiques, etc., œuvres "perdues, détruites, censurées, interdites... peu vues, mal vues, jamais réalisées..." qui me font rêver comme jadis l'Anthologie du Cinéma Invisible : 100 scénarios pour 100 ans de cinéma, rassemblés par Chistian Janicot (ed.Arte).
Si Jonathan Rosenbaum y encense Mix-Up ou Méli-Mélo de ma compagne Françoise Romand (dont aucun des films n'a jamais été programmé au Réel, mais auxquels les éditions DVD offrent une seconde vie !), j'épluche consciencieusement les articles des autres pour déterrer quelques raretés que mes meilleurs limiers sauront bien débusquer. J'évite de m'épuiser sur La mouette de Josef von Sternberg séquestré par Chaplin qui l'a produit, les mythiques director's cuts d'Orson Welles, les inachevés d'Eisenstein, les neuf heures de la version complète de Greed (Les rapaces) d'Erich von Stroheim, etc. Heureusement la planète cinéphile, aussi ronde qu'une bobine ou un disque, révèle d'autres trésors cachés.
Ainsi je mets la main sur une piètre copie de Fear and Desire (1953), le premier long métrage de Kubrick interdit par le réalisateur qui a tenté d'en effacer toute trace, Une partie de plaisir (1975), un Chabrol bloqué pour des questions de droits, First Contact (1982) de Bob Connolly et Robin Anderson d'après les rushes de Michael Leahy sur le choc de civilisations entre lui et un million de Papous inconnus du reste du monde dans les années 1930, Dialogue with a Woman Departed (1980), montage poético-politique de Leo Hurwitz, Thomas l'imposteur (1965) de Georges Franju d'après Cocteau, Stars in My Crown (1950) soi-disant considéré par Jacques Tourneur comme son meilleur, Young Soul Rebels (1991) et Frantz Fanon: Black Skin, White Mask (1996) d'Isaac Julien... Les autres n'ont jamais existé, sont pour l'instant inaccessibles ou ne sont disponibles qu'avec sous-titres italiens. Ce ne sont pas forcément ma tasse de thé, mais toutes les pistes se valent sur le terrain de la curiosité. Il n'y a pas d'autre méthode pour découvrir des chefs d'œuvre méconnus.
Pour dégotter les plus belles perles il faut se lever de bonne heure et recouper les informations. Le blog de Jonathan Rosenbaum est le mieux étayé si on parle anglais et que l'on n'a pas peur de lire de longues et remarquables analyses. Je vais de temps en temps jeter un œil à celui de Bertrand Tavernier consacré aux DVD sur le site de la Sacd. Le plus efficace est de posséder suffisamment de contacts en ville et sur le www pour faire soi-même son petit marché, mais cela prend évidemment un temps fou, alors qu'il faut que je travaille ma trompette, expérimente de nouveaux alliages électroniques, termine mon roman et m'occupe des charges administratives qui affluent en fin de trimestre...

lundi 4 avril 2011

Waste Land, l'envers du gâchis


Les clichés de Vik Muniz pulvérisent ceux sur la pauvreté. Ses héros travaillent dans une décharge brésilienne où ils recyclent tout ce qu'ils peuvent. La réalisatrice Lucy Walker filme l'artiste au travail dans son œuvre de réconciliation avec son pays où il a grandi dans une favela avant d'émigrer aux États-Unis. Comme chez Michel Séméniako, JR ou Nicolas Clauss il s'agit d'images négociées (une expression de Séméniako), à savoir une collaboration entre les sujets et celui qui leur tire le portrait. La sociologie ou la psychologie sociale se montrent alors sous leur meilleur profil, celui de la création concertée. L'artiste, soliste d'un ensemble solidaire, réfléchit ce qu'il voit en prenant le temps d'apprivoiser les personnages qu'il filme ou photographie. À tel point ici qu'il s'imprègne du recyclage généralisé pour à son tour n'utiliser aucune autre matière que les ordures de notre société caractérisée par son gâchis. En réponse à cette absurdité ravageuse, chacun des protagonistes choisis est un modèle d'humanité et d'intelligence partagées. Leurs sourires valent ceux des "Nigériens" à la fin des Maîtres fous de Jean Rouch, sauf que dans Waste Land les Catadores (éboueurs) trouvent leur salut dans le travail, activité insalubre et honteuse pour les uns, utile et solidaire pour les autres. Lucy Walker participe à cette aventure en poussant malgré eux les acteurs à une analyse, subtile, que la caméra induit automatiquement. Le succès du film (Prix du Jury et du Public à Sundance, Prix du Public à Berlin, nomination aux Oscars, etc.) après celui des photographies de Vik Muniz transforme la noirceur du récit en conte de fées. Les bénéfices des photos ont été reversés aux modèles, soit 12 000 dollars chacun, avec lesquels ils se sont achetés une maison, en plus de la création d'une bibliothèque et un centre de ressources avec ordinateurs. Par où qu'on le prenne, Waste Land est un film emblématique de notre époque, système D contre gâchis, l'art comme dernier rempart de la barbarie, bulles financières inhérentes avec répartition relative des richesses, urgence à trouver des solutions écologiques, identification à des modèles humains, etc. À voir absolument (en ce qui concerne l'écoute, la musique de Moby alourdit inutilement le propos, comme d'hab !).

vendredi 1 avril 2011

Les doigts dans la prise


J'avais annoncé la couleur jeudi 24 mars en contant la deuxième session de notre nouveau trio. Depuis, Birgitte avait trouvé notre nom, Strøm, qui signifie courant en danois. Comme en français, il exprime le courant électrique ou celui d'une rivière, et, pourquoi pas, un mouvement artistique. Il rappelle évidemment stream en anglais. Sacha précise que dans un jardin zen le courant (la rivière) traduit l'éphémère en opposition aux pierres qui évoquent la permanence. Pour un groupe d'improvisation branché sur le 220V qui n'appartient encore à aucun, le courant passe bien. Trop bien ! Lê Quanh Ninh laisse cette nuit un commentaire nous signalant qu'il existe déjà un groupe portant ce nom. La tuile ! On va devoir se retriturer les méninges...
(P.S. : il semble que le trio ait décidé de s'appeler EL STRØM pour éviter la confusion)
Le 7 février dernier nous avions mis en ligne Sound Castle, premier album virtuel de notre nouveau trio, le jour même où il fut imaginé et enregistré ! Aujourd'hui Fresh 'n Chips est le second album avec la chanteuse danoise Birgitte Lyregaard, le polyinstrumentiste Sacha Gattino et moi-même. Enregistré les 21 et 22 mars 2011, il est disponible gratuitement sur drame.org, téléchargeable et écoutable en direct au format mp3. La musique ne donne tout son jus qu'au format audio, mais ces copies mp3, branchées sur un bon ampli, rendent bien la passion et la fougue qui nous animent.


Sacha prépare ses programmes à l'avance tandis que je me laisse aller à l'inspiration du moment. Son système informatique centralise tous ses sons dans un échantillonneur auquel il affecte des effets et qu'il contrôle avec un clavier sophistiqué. Le second jour j'ai décidé d'abandonner les claviers de mes synthétiseurs au profit de matériels plus légers, un Kaossilator branché sur un filtre analogique, le Tenori-on et la Mascarade Machine inventée avec Antoine Schmitt et qui tourne sur mon MacBook. Tous deux utilisons des instruments acoustiques, Sacha pose un carillon, une cithare et d'autres objets sur une caisse de résonance, tandis que j'ai ressorti ma panoplie d'homme-orchestre : des flûtes (construites pour moi par Bernard Vitet, une varinette qui se joue en soufflant avec le nez, etc.), anches (trompette à bec, clarinette en PVC), guimbardes multiples voire quadruple, un vrai violon et plein de trucs bizarres dont des ballons de baudruche sur lesquels je m'entraîne ces temps-ci. Ayant exhumé mon cornet en mi bémol pour la photo, j'ai décidé de m'y remettre ! Pour les prochaines séances, Birgitte apportera sa propre table de mixage pour pouvoir maîtriser elle-même les effets sur sa voix, ce qui ne m'empêchera pas de la martyriser avec le H3000 en lui confiant un second microphone.
Voici donc une seconde heure de musique en attendant la suite, futur mélange de reportage et de jeu en direct, travail sur le silence et la rythmique du quotidien, à expérimenter fin avril dans notre laboratoire... Comme tout un chacun je découvre ce que nous avons fait en écoutant en ligne les neuf pièces qui constituent Fresh 'n Chips.

Photos © Sonia Cruchon