Derrière son sens aigu du spectacle Joe Dante est un cinéaste éminemment politique. Je ne connaissais que ses Gremlins (1984), qui ne m'avaient pas emballé outre mesure, avant de suivre film à film la liste des comédies transgressives américaines de Jonathan Rosenbaum. Nous avions commencé par Innerspace (L'aventure intérieure, 1987) et La Seconde Guerre de Sécession (The Second Civil War, 1997) qui provoquèrent l'hilarité générale, saines séances où rire à gorge déployée vaut toutes les vitamines. Le second serait à projeter toutes affaires cessantes en ces périodes de haute manipulation médiatique avec interventions guerrières à la clef ! Le virus Dante nous ayant contaminés, nous avons continué avec Explorers (1985), Les banlieusards (The 'Burbs, 1989), Small Soldiers (1998) et Matinee, sans compter quelques unes de ses participations à des séries télévisées et films collectifs. Hors Gremlins, l'échec commercial relatif de ses films est parfaitement justifié par leur ton politiquement incorrect, car Dante est viscéralement un indépendant. Dans tous il aborde la paranoïa, la peur de l'autre et de l'inconnu engendrant la violence, en faisant basculer le récit dans l'absurde que les films de genre exacerbent. Leur humour se révèle le meilleur antidote au racisme et à l'intolérance.


Carlotta a l'excellente idée de publier le DVD de Matinee, en français Panic sur Florida Beach, un petit bijou d'humour ravageur sur la projection d'un film d'horreur dans une ville de Floride au moment où éclate la crise des missiles de Cuba en 1962. La fascination pour les monstres de série B trouve son explication dans la paranoïa nucléaire de l'anti-communisme d'alors. Cette comédie décapante dessine un portrait de l'Amérique, au travers de ses préjugés et ses phobies, mais fait également figure de parcours initiatique pour des adolescents découvrant l'amour en même temps que l'horreur. Film dans le film à plus d'un titre, Panic sur Florida Beach est aussi une réflexion sur la production cinématographique au travers du truculent John Goodman jouant le rôle du réalisateur invité à projeter son Mant! (L'homme-fourmi) (en Atomo-Vision et Rumble-Rama s'il-vous plaît, court-métrage présenté en bonus à côté d'une passionnante interview de Joe Dante) dans cette petite ville de Key West, juste en face de Cuba ! Les angles d'attaque sont si variés que le film représente un véritable kaléidoscope braqué sur l'époque. Panic sur Florida Beach n'est pas un film mineur, c'est une mine dont l'heure a sonné.