J'ai demandé à quelques amis de me donner leur avis sur mon roman-photo. Ce n'est pas évident. L'une préfère les rapports psychologiques, un autre est gêné par les phrases sentencieuses qui brisent la fluidité du récit, un troisième évite soigneusement le sujet, mais me donne des conseils avisés sur le genre d'éditeur susceptible d'être intéressé... Mes compétences littéraires sont trop limitées pour que j'évalue la qualité de mon travail. Les réactions sont pourtant les mêmes que chaque fois que j'entreprends une nouvelle activité, cohérentes en tout cas vis à vis du monde que j'essaie de faire vivre à travers mes œuvres. Je fuis les longues descriptions au profit d'une écriture serrée et rythmique, privilégiant les ellipses et les effets qu'offre le montage. Prendre du recul avec l'intrigue en créant des a-parte vient probablement d'une interprétation naïve des théories de Brecht. En 1977 quelqu'un reprocha déjà à Un Drame Musical Instantané de pratiquer le coïtus interruptus ! Le zapping m'apparaît tel un puzzle où chaque pièce doit retrouver sa place. Les jeux de mots, les citations, les allitérations révèlent des hors-champs mettant en évidence l'incapacité de l'auteur à s'effacer devant ses personnages. Les interrogations provoquées sont autant de manières d'échapper au formatage, la fluidité du récit un anesthésiant qui empêcherait de penser par soi-même. Par contre les formules à l'emporte-pièce, fussent-elles paradoxales, démasquent le donneur de leçons dont le désir de partager remonte à l'enfance. Le style littéraire lui-même n'est pas en cause, mes maladresses intimes se projetant sur l'écran, l'enregistrement ou le papier. Ce serait ennuyeux si j'en souffrais, mais il n'affecte que mes interlocuteurs rétifs à mon rabâchage de moraliste scout, entendre l'éclaireur armé de son couteau suisse et de sa lampe de poche, gamin dont la maturité apparente fait plus facilement accepter les déclarations péremptoires. Ce n'est pas un hasard si j'ai choisi d'abord la poésie, puis la musique pour m'exprimer librement. De même l'abstraction des images me convenait mieux que l'écriture frontale. La discipline quotidienne du blog participe à cet apprivoisement du verbe entrepris lors des longs monologues où je cherche un début de réponse aux questions qui n'en ont pas. Elle participe à mon affranchissement autant qu'elle favorise le narcissisme de l'artiste. Me voilà bien avancé !