"Tout" garder finit par porter ses fruits. Comme j'avais besoin de retrouver les diapositives de mon voyage aux USA en 1968 pour mon prochain roman j'ai gravi l'échelle jusqu'au grenier et commencé à trier les boîtes poussiéreuses dont certaines n'avaient pas été ouvertes depuis les années 60 ! La récolte s'est avérée fructueuse même si mes qualités de photographe étaient d'un niveau si déplorable que la plupart sont d'une superficialité confondante et d'un ennui profond. On souhaiterait des frimousses quand se succèdent des bâtiments, des paysages... Les plans d'ensemble étouffent les gros plans. Je me souviens que je sonorisais mes montages et les faisais subir à la famille comme il se doit. Lorsque l'on me propose aujourd'hui ce genre d'exercice le spectre de devoir m'y confronter me glace d'effroi. En fouillant je suis tout de même tombé sur des pépites comme mon premier concert au Lycée Claude Bernard, un autre avec Dagon à la Fac Dauphine, des portraits de mes camarades de classe pris en cachette du prof de français et une flopée de souvenirs totalement oubliés de 1965 à 1970. S'il m'apparaît de plus en plus clair que nous réinventons le passé à force de ressasser les mêmes histoires, qu'en est-il des souvenirs qui se révèlent sans que l'on n'ait le moindre soupçon de leur existence ? Tirer sur les fils où ils sont accrochés permet-il qu'ils se déroulent et livrent leurs secrets ? Mes autoportraits d'alors, aux poses contrôlées, en disent long sur mes projets et mon caractère. Je découvre aussi ma famille dans des situations cocasses et les disparus rajeunissent d'un coup de baguette magique. Je commence à scanner les diapos les plus significatives, mais c'est effroyablement long.