Les machines sont capricieuses dès lors qu'on leur rajoute un petit accessoire numérique. Le moindre ravalement de façade et elles refusent d'avancer ou de perpétuer leurs habitudes. Les vrais plantages sont devenus rares, mais les mises à jour font souvent régresser les usages. Il n'y a qu'à essayer l'application Final Cut pour constater l'absurdité et l'inanité de sa nouvelle version, sorte d'iMovie inutilisable par un professionnel.
J'étais donc en train de plancher piteusement sur la Mascarade Machine inventée avec Antoine Schmitt, pendant que mon camarade qui l'avait programmée courait le monde avec ses installations oscillant entre science-fiction et génétique virtuelle. Antoine tissait une toile reliant quelques points chauds de la planète : Pixel noir à Shenzhen (Chine) et au Cube, City Sleep Light à la Fête des Lumières à Lyon, Façade Life à Vancouver (Canada), Nabaz'mob à Tallinn (Estonie) et Beauvais, Time Slip à Ljubljiana (Slovénie), Le grand générique à la Fiac, Still Living à Karlsruhe (Allemagne), ou collaborant à Nous autres ? dans les Cévennes...
Rassuré par ces bonnes nouvelles à l'occasion de son demi-siècle, je pestais néanmoins contre le clavier qui ne répondait plus à mes exhortations, l'image de ma frimousse et de mes mains restant figée sur des ectoplasmes d'à plat blanc. Aussitôt à pied d'œuvre, Antoine régla son compte à la machine en deux coups de cuiller à pot. Une mise à jour de Processing et quelques lignes de code plus tard, je pouvais à nouveau transformer le flux radiophonique en mélodie par d'élégants mouvements de passe-passe captés par la webcam intégrée. Mes prochaines prestations scéniques faisant toutes appel à cet instrument qui tient du Theremin pour l'interface et de la boîte d'effets pour le traitement acoustique, je peux transformer un signal audio comme la radio ou la télé en temps réel ou m'attaquer à une radiophonie, "mash-up" freestyle ou "plunderphonics" avant la lettre, soit ici le montage de très courts extraits radiophoniques de 1981 faisant surgir le paysage social au-dessus du paysage sonore. La théorie de R. Murray Schafer couplée au matérialisme historique !