Ce n'est pas le carton envoyé par les César aux professionnels pour qu'ils votent, mais une sélection en vrac de films vus depuis trois mois (précédente sélection), souvent dispensables, avec un commentaire sommaire, comme un carnet de notes pour se souvenir de ce que l'on vient de voir et que l'on risque d'oublier aussi vite... Et ce en marge des chroniques plus consistantes déjà publiées durant cette période de visionnage. J'ai mis en gras ceux qui auraient pu justifier un article plus conséquent. Les autres sont dans la rubrique Cinéma & DVD.

Comme d'habitude, les filles réclament des comédies et elles ont souvent raison, cela fait du bien de rire un bon coup en ces temps de crise à laquelle s'ajoutent les mauvaises nouvelles s'empilant comme des cubes pour s'écrouler tragiquement. Je pense à cette jeune fille violée chez elle par un salopard cagoulé, à cette copine cambriolée dont la porte explose au marteau, à sa chaudière qui rend l'âme le lendemain matin, à cette autre qui se fait voler son scooter, à la voiture de Françoise qu'elle retrouve sur le bitume avec une roue en moins, et d'autres histoires bien plus terribles qui font s'interroger sur l'avenir de l'homme.
Pour elles j'ai rassemblé :
R.E.D. (2010) de Robert Schwentke, un film d'action qui ne se prend pas au sérieux, style The Long Kiss Goodbye. Des retraités de la CIA (Bruce Willis, Morgan Freeman, John Malkovich, Helen Mirren) aux prises avec leur ancien employeur. Jubilatoire.
Rio Sex Comedy (2010) de Jonathan Nossiter, comédie originale et surprenante de la part de l'auteur de Mondovino. Hirsute et critique.
Le chat du rabbin (2011) de Joan Sfar. Film d'animation sympa, humour juif, sans plus.
Les émotifs anonymes (2010) de Jean-Pierre Améris, comédie sentimentale très bien jouée par Isabelle Carré et Benoît Benoît Poelvoorde. Tendre.
The Anniversary Party (2000) de Jennifer Leigh et Alan Cumming, comédie grinçante par deux comédiens, dans les principaux rôles, passés à la réalisation. Satire people.
Me and You and Everyone We Know (Moi, toi et tous les autres (2005) de Miranda July, comédie impertinente au ton personnel, mais le suivant, The Future (2011), jette un doute sur la réalisatrice imbuvable, qui tient chaque fois le rôle principal.
Turn Me On de la norvégienne Jannicke Systad Jacobsen est une jolie évocation de l'émoi sexuel des adolescents, sous l'angle des filles pour changer. Léger et gentiment provocateur.
Compilation de courts métrages d'Albert Brooks, réalisateur méconnu en France, dix fois plus intéressant que Woody Allen.
Je devrais rajouter quelques films de réalisatrices pour leur faire plaisir et parce que ce serait plus juste, mais la discrimination a la peau dure. Il y a trop peu de femmes, comme dans les catégories suivantes. Ce n'est pas une règle, cela dépend aussi des époques.

Action :
En général c'est les garçons qui en redemandent, quitte à les regarder seul quand leur copine est couchée :
Drive (2011) de Nicolas Winding Refn se tient mieux que je ne l'imaginais, violent, et la fin est dictée par une morale inutile.
Shinjuku Incident (Guerre de gangs à Tokyo) (2009) de Derek Yee, un Jackie Chan qui n'a rien à voir avec ses autres films puisqu'il sous-joue avec gravité cette histoire d'immigrés chinois au Japon pour un film de yakuzas auquel nous sommes guère habitués... Rush Hour (1998) et le 2 (2001) et 3 de Brett Ratner sont des pochades machistes assez marrantes, mais ça n'a vraiment rien à voir.
On peut se passer de Abduction (2011) de John Singleton, énième film de fuite avec des méchants russes aux trousses du jeune Taylor Lautner. Je suis juste étonné à quel point la CIA est taxée de complot dans la majorité des films hollywoodiens. Si on en évoque le dixième dans le réel on se fait traiter de parano. Le message est pourtant clair. The Girl with the Dragon Tattoo (Millénium, les hommes qui n'aimaient pas les femmes) (2011), l'adaptation remarquablement charpentée du premier volet de Millenium par David Fincher enterre la version suédoise. C'est le premier film de ce réalisateur à succès qui me plaise.

Science-fiction et anticipation ; ça devrait réconcilier tout le monde :
Quartier lointain (2010) de Sam Garbarski, adaptation française du manga culte de Jirō Taniguchi, rythme lent, pas mal.
In Time (Time Out) (2011) d'Andrew Niccol, bonne idée de départ, mais ne tient pas la distance.
Quitte à voir un film dystopique, opter plutôt pour Children of Men (Les fils de l'homme) d'Alfonso Cuarón, scénario hélas parfaitement vraisemblable, mais totalement imprévisible. Références, entre autres (car c'est bourré de signes cachés comme dans The Host de Joon-ho Bong), à La bataille d'Alger, Slavoj Žižek et L'aurore de Murnau pour cette adaptation d'un roman de P.D.James. Formidable. Cela nous donne envie de voir d'autres films de Cuarón, comme Y tu mamá también (2001), excellente comédie dramatique sur l'adolescence avec une guerre de classes en filigranes, le documentaire politique The Possibility of Hope aux théories proches de Naomi Klein qui cosigne d'ailleurs son court métrage The Shock Doctrine réalisé par son fils Jonás Cuarón. Je vais regarder les autres dans la foulée...
Thor (2011) de Kenneth Branagh, effets spéciaux à tire-larigot, Branagh doit avoir des impôts ou des pensions à payer pour faire des trucs pareils...
Another Earth (2011) de Mike Cahill, très tendre, et la seconde planète est plus accueillante que celle qui se rapproche dans le kitsch Melancholia (2011) de Lars von Trier, énième film sur la fin du monde et réflexion sur la famille loin de la réussite de Festen.
La 3D de The Hole (2011) de Joe Dante n'a que peu d'intérêt, comme la plupart des tentatives gadgets de relief qui n'apportent rien à l'intrigue et affadissent les couleurs quand c'est une optique rouge et verte. Epouvante pour gamins. J'ai préféré Piranhas (1978), parodie incisive des Dents de la mer où l'on retrouve une charge politique digne du réalisateur ostracisé aux USA.
Une chronique du DVD dans les Cahiers du Cinéma m'a poussé vers Le 13e guerrier (1999) de John Mc Tiernan, mais je me demande quel genre de cinéphilie immature a gagné les jeunes rédacteurs de la revue historique. Leur sélection 2011 est si pitoyable, avec des choix bien lourdingues soutenus par des musiques hollywoodiennes au marqueur fluo, que je vais finir par résilier l'abonnement que j'entretiens depuis les années 70.
Cowboys and Aliens (2011) de John Favreau est un divertissement de leur âge, areuh areuh.
Contagion (2011) de Steven Soderbergh est une catastrophe de film catastrophe.
2012 (2009) de Roland Emmerich, encore une grosse daube avec au début trente minutes d'effets forains avant de sombrerdéfinitivement.
Rubber (2010) de Quentin Dupieux est astucieux, bien réalisé, mais tiré en longueur, ça sent le caoutchouc. On raconte que son prochain film tient la route.

Politiques :
The Ides of March (Les marches du pouvoir) (2011) de George Clooney n'a d'intérêt que si l'on s'intéresse aux élections américaines ou à leur pâle copie française depuis que nos partis réactionnaires se sont affublés de primaires.
Littoral (2004) de Wajdi Mouawad est un des meilleurs films réalisés sur le Liban, avec une véritable démarche d'auteur. J'ai enfin retrouvé les impressions de mes séjours là-bas. Donc déprimant. Mais j'ai vu pire : au moment de publier ce billet je regarde sur Canal + Incendies (2010) de Denis Villeneuve, d'après une autre pièce Mouawad, l'absurdité de la guerre et sa confusion accouchent d'une tragédie grecque de notre époque, moche et bouleversant.
Nous n'avons par contre pas tenu à Pater (2011) d'Alain Cavalier, dialogue superficiel entre un vieux gâteux et un acteur odieusement cabotin. Le propos est à l'image du débat politique national, c'est mou, ça plaît.
Radio Talk (1988), publié en DVD par Carlotta, est l'un des meilleurs films d'Oliver Stone avec Platoon et Wall Street, de la même époque. Thriller freudien. Très bavard, mais ici c'est un compliment.
Le temps des bouffons (1985) de Philippe Falardeau est une des charges les plus explosives de la résistance québécoise. Époustouflant premier court-métrage.

Drames :
Le sordide My Little Princess (2011) d'Eva Ionesco vaut par l'interprétation d'Isabelle Huppert et de la jeune Anamaria Vartolomei, Catherine Baba a dû s'éclater en créant les costumes.
Korkoro (Liberté) (2009) de Tony Gatlif est raté, on a l'impression de revoir trois fois la première demie heure.
Ennui mortel devant Meek's Cutoff (La dernière piste) (2011) de Kelly Reichardt qui a beaucoup plu à la critique.
Subway Stories: Tales from the Underground (1987) de Jonathan Demme, Ted Demme, Abel Ferrara, Craig McKay, Julie Dash et Bob Balaban est passé inaperçu, bien que l'initiative mérite d'être soulignée : un concours de scénarios a accouché de dix historiettes qui se passent dans le métro de New York, confiées à de bons réalisateurs...
Je l'aimais (2009) de Zabou Breitman est une cata, après le succès de ses précédents longs métrages. Quelle déception !
Biutiful (2010) d'Alejandro González Iñárritu est bien réalisé, mais je n'ai pas d'appétence pour les métaphores chrétiennes.
La piel que habito (2011) de Pedro Almodovar, avec un Banderas monolithique, film d'épouvante de série B, beaux décors, ne vaut pas Les yeux sans visage.
J'allais oublié le morbide Sleeping Beauty (2011) de Julia Leigh, dont la presse a fait tout un foin à cause de l'interdiction aux moins de 16 ans et qui m'est sorti de l'esprit aussi vite qu'il y était entré. Bof. Le genre "soufflé" qui retombe illico.
Le rythme de The Descendants (2011) d'Alexander Payne est d'une telle platitude rythmique que tout est plié dès les premières minutes, mélo hollywoodien dispensable sur le deuil. Pour les amateurs de Sur la route de Madison, L'Homme qui murmurait a l'oreille des chevaux et autres Danse avec les loups avec paysages de nature accompagnés à la guitare. Ouin !
The Flowers of War est un Zhang Yimou complaisant sur le massacre de Nankin.

Je me réfugie dans la projection domestique des deux saisons de la série Rome, réalisée sous la houlette de Michael Apted, qui m'avait échappé. Trop chères malgré la coproduction HBO-BBC2, les trois autres saisons prévues ne seront pas tournées.

Documentaires :
Petite déception devant la série Agnès de ci de là d'Agnès Varda qui rappelle l'émission Métropolis sur Arte, son brillant, mais ininterrompu commentaire ne laissant aucune place pour respirer ni réfléchir devant l'accumulation de souvenirs et les coups de chapeau aux copains. Dommage. C'est plus sympa à picorer en fonction des sujets que de s'avaler tout d'un coup. Vivement que la pétillante octogénaire renoue avec son culot créatif et ses inventions sur le fil !
Miesten vuoro (Steam of Life) (2010) de Joonas Berghällin et Mika Hotakaisen est un petit bijou finlandais, voyage de sauna en sauna dans lesquels des vieillards expriment leurs tristesses avec une sincérité désarmante.
Pina (2011) de Wim Wenders, plus intéressant que je ne m'y attendais, même en 2D. Bilan perso : Pina Bausch ne me touche pas.
When You're Strange (2010) de Tom DiCillo, bel hommage au groupe des Doors avec étonnants inserts du film réalisé par et avec Jim Morrison. Drôle d'effet.
900 Nights: Big Brother and the Holding Company (2001) de Michael Burlingame rassemble entretiens et archives, je l'ai regardé à la recherche de détails pour mon roman sur les USA qui se passe en 1968...
C'était un rendez-vous (1976), traversée de Paris au petit matin à fond la caisse revue avec le même étonnement, surtout après le making of où Claude Lelouch raconte les secrets du tournage.
La voix de son maître (1978) de Nicolas Philibert et Gérard Mordillat, idem, documentaire culte sur la manière de diriger une entreprise, passionnant avec le recul de plus de trente ans.
Dans la série d'Arte Les gars et les filles, Pleure ma fille, tu pisseras moins (2011) de Pauline Horovitz aborde la question frontalement et avec humour. La réalisatrice cerne son identité à travers le portrait de sa famille. Chouette ! Et c'est visible en ligne sur le site d'Arte...

Voilà, c'est dans le désordre, abrupt, partial, et cela donne beaucoup de boulot à noter les liens et à se souvenir de tout ce que l'on a oublié. Je risque de me faire engueuler, mais aimer ou détester un film n'a aucune d'importance (l'inconscient ignore les contraires !), c'est de l'ordre de l'intimité, cette appréciation se rapportant au système d'identification, à ce que nous avons déjà vécu nous-même... La question est de savoir si l'on a appris quelque chose, si l'on a été touché, si le sujet et son traitement méritent d'en discuter. Les qualités d'un film n'ont rien à voir avec notre goût, et il ne peut échapper ni à l'histoire du cinéma, ni à la représentation de la société qu'il nous renvoie...

Après cela je me plonge dans un cycle Joseph L. Mankiewicz sur les conseils d'Elisabeth, Marie-Pierre et Jonathan qui m'ont fourni une liste longue comme le bras où figurent aussi Miike, de Oliveira, McCarey, Landis, Rossellini, Portabella, Jack Arnold, Allan Moyle, Penelope Spheeris, Sean Durkin, Monte Hellman...