70 mai 2012 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 31 mai 2012

Performance improvisée - 1er mouvement


Claudia Triozzi et Vincent Segal avaient joué ensemble il y a quelques années. Lui et moi collaborons relativement souvent ces derniers temps. Il ignorait tout de Sandrine Maisonneuve. Je n'avais jamais rencontré les deux chorégraphes / danseuses qui ne se connaissaient pas non plus. Nous n'avions rien répété, ni préparé ensemble. Au moment d'entrer en scène les filles ont demandé si l'on attaquait direct ou si l'on se plaçait d'abord. Nous avons rejoint la salle sans avoir décidé !


Je suis arrivé en sautant à pieds joints. Sandrine Maisonneuve s'est assise à la place de Vincent Segal. J'ai traversé la salle du Triton en faisant tourner un rhombe au-dessus de la tête des spectateurs assis tout autour de la scène centrale. Claudia Triozzi chantera pendant presque toute la performance, accompagnant sa voix de mouvements du corps sans vraiment danser au sens classique du terme. Ce rôle sera dévolu à Sandrine. Cela commençait bien !
Dans le premier extrait intitulé arbitrairement "Completamente", mon Tenori-on brille dans l'obscurité. On comprendra plus tard quelle mouche a piqué Vincent pour qu'il se déchausse...

mercredi 30 mai 2012

Téléromand en 16 films


À l'issue de quatre mois de résidence dans le nord de la France, Françoise Romand a monté 16 courts métrages dont seulement 6 sont actuellement visibles en ligne pour des questions de droits. Le contrat stipulait un geste artistique sans qu'il soit forcément suivi d'une réalisation. Intervenant auprès d'enfants et d'adultes des villes de Tourcoing, Roubaix, Villeneuve d’Ascq et Wattrelos de novembre 2011 à février 2012, la réalisatrice leur a fait jouer des scènettes en fonction de leurs choix et de leurs aptitudes. Par le montage et la confrontation avec la musique qu'elle a pioché sur drame.org elle a expérimenté le no (wo)man's land qui est sa marque de fabrique, entre documentaire et fiction. Les participants des huit écoles et de l'Institut Lillois d'Éducation Permanente se sont pris au jeu et les portraits ont acquis une gravité en apesanteur. Téléromand est devenu un laboratoire où, dans un premier temps, la complicité avec les protagonistes fut l'axe central et où, au montage, les pièces interprétées par Sacha Gattino, Alexandra Grimal, Antonin-Tri Hoang, Brigitte Lyregaard, Vincent Segal et moi-même ont infléchi le sens, produisant une distance analytique ou accentuant les intentions dramatiques.


Les six vidéos en ligne ne nécessitant pas de mot de passe pour être visionnées sont La caméra change de main qui fut projetée pendant deux mois à La Condition Publique en marge de l'installation Terres arbitraires de Nicolas Clauss, Mix-Up Remix où les enfants rejouent une scène du célèbre film de Françoise Romand de 1985, Variations sur les émotions 1 et 2, Chacuns et Éblouissement.

mardi 29 mai 2012

À la recherche du bug perdu


D'habitude ça marche comme sur des roulettes, sauf que nos lapins n'ont ni pattes ni roulettes. En octobre notre opéra avait subi une panne inexpliquée, aussitôt réparée sans que l'on sache pourquoi ni comment. Une œuvre qui a recours aux nouvelles technologies ne peut se permettre des dératés. Nabaz'mob jouant les 9 et 10 juin à La Gaîté Lyrique à Paris dans le cadre du festival Parizone@Dream, nous avons la nécessité de comprendre ce qui s'est passé en reproduisant le bug.
Pour ce faire nous avons installé les 100 bestioles et nous faisons rouler l'installation jusqu'à ce que ça plante. Mais ça ne plante pas. Antoine Schmitt scrute les données sur l'écran de l'ordinateur. Désespérément nous assistons au spectacle en boucle sans aucune anicroche. Pas de croche-pattes à l'animal, malgré les incidents divers et variés que nous inventons pour faire flipper le clapier. Il est arrivé qu'un lapin soit atteint de surdité (la carte wi-fi a cédé), d'artériosclérose (le moteur d'une oreille se grippe), des séquelles d'un accident de la route (les transporteurs ne sont pas des anges). Nous engageons aussitôt un remplaçant, hésitant à envoyer les récalcitrants à l'hôpital ou à la morgue. On verra plus tard. Pour l'instant les candidats au spectacle féérique sont légion. Bien que nous éteignions les feux quand vient le soir je deviens maboul à entendre les rongeurs jouer leur musique de fous toute la journée.
Au bout de quelques jours, Éric Vernhes nous suggère qu'il aurait pu s'agir d'une défaillance dans le système électrique de la salle de spectacle fermée au public depuis douze ans, qui plus est, dans un bâtiment du XVIe siècle ! Les alimentations des routeurs wi-fi pourraient avoir mal supporté les variations de tension. Il suffirait d'ajouter un onduleur à notre installation pour la stabiliser. Et la meute des robots de reproduire sans faute son hallucinante partition. Car là-haut dans le salon cinéma où nous l'avons déployée, il ne se passe rien, ou plus exactement tout est normal, les cent lapins bougent leurs oreilles, jouent les ventriloques et jonglent avec les couleurs sans faillir ni défaillir. Surréaliste.

lundi 28 mai 2012

Portée


Les petits sont arrivés sur le fil comme une bande de hooligans. Françoise Romand a dégainé sa caméra. Mes commentaires l'agaçaient. Ne pouvais-je me taire ? La voix humaine, hors-champ, souligne pourtant la perspective. Comment échapper au cliché animalier YouTube ? Françoise a monté le morceau que Bernard Vitet et moi avions enregistré à l'été 1976, au tout début de notre collaboration qui allait durer trente-deux ans. Celle avec Françoise date de bientôt dix. Le violon, la contrebasse à tension variable et l'orgue à bouche se mélangeant aux piaillements et aux bruits d'ailes, l'évocation commune de la portée est devenue une réalité langagière bien que ce Poison soit paradoxalement une musique non écrite. Tout le monde fait semblant, les oiseaux, nous, Françoise, les spectateurs. Envie d'y croire. L'anthropomorphisme fait le succès des plans-séquences qui inondent la Toile. Retour à l'envoyeur. Les oiseaux ont donné corps à notre dialogue ornithologique. Clip.

samedi 26 mai 2012

Mystère total ce soir au Triton


Nous n'avons pas la moindre idée de ce que nous ferons ce soir au Triton, la célèbre salle de spectacle des Lilas. Si j'ai souvent joué avec le violoncelliste Vincent Segal je connais mal le travail des deux chorégraphes/danseuses Claudia Triozzi et Sandrine Maisonneuve. Vincent s'est déjà commis avec Claudia, et tous les amis me soufflent que nous avons de la chance de nous produire avec ces deux filles. C'est tout. La soirée du Festival Dodécadanse est sous le signe de l'improvisation. Deux musiciens, deux danseuses, que l'on sait généralement déborder du cadre ! Nous partagerons avec le public la surprise de la rencontre.
Sur les conseils de Jean-Pierre Vivante nous avons prévu de placer micros et instruments à différents endroits de la salle plutôt que de les concentrer sur scène. Le Theremin, le Tenori-on, le Kaossilator, l'iPad, la Mascarade Machine engendrent des gestes qui me semblent coller avec les mouvements chorégraphiques, tout comme les rhombes, le ZubeTube et pas mal d'instruments acoustiques que j'emporte ce soir. Vincent a choisi son violoncelle classique comme il l'a toujours fait lorsque nous sommes en duo, m'obligeant à régler mes machines sur une puissance acoustique. Il prévoit aussi quelques percussions. J'ai enregistré un nouveau programme de souffles et de respirations pour le Tenori-on en pensant au côté physique de cette rencontre exceptionnelle. Je pense aussi transformer avec la Mascarade Machine des enregistrements du duo avec Vincent diffusés en direct sur Internet. Mais j'ignore si je m'en servirai. Tout est possible. Il va falloir penser vite et réagir au doigt et à l'œil. C'est très excitant !

N.B.: pensez à réserver si ce n'est déjà fait. Tarif réduit sur présentation du flyer ci-dessus.

vendredi 25 mai 2012

La disparition


Ma tante Arlette Martin a récemment reçu une commande de porte en marqueterie qu'elle ne pourra pas honorer. Au delà du fait qu'elle manque aujourd'hui un peu de place pour réaliser de grandes surfaces, les sous-traitants auxquels elle avait recours ont disparu. Les entreprises qui s'occupaient de plaquage ne répondent pas. Plus moyen de trouver un bon vernisseur et, pire, les bois exotiques comme le palissandre et l'ébène de Macassar qu'elle utilisait sont interdits d'importation ou inaccessibles. À 87 ans elle doit se faire une raison, l'art de la marqueterie est de l'histoire ancienne.
Les artisans disparaissent, la transmission se perd. Le commerce de l'ivoire ou la déforestation sont évidemment criminels. Il n'y a pas que le virtuel à subir les assauts du marché. Tandis que l'évolution des techniques rend les œuvres informatiques rapidement inaccessibles, les objets physiques deviennent les vestiges d'un temps passé où les compétences s'évanouissent de manière absurde. Les premières, obsolètes, perdent toute valeur, ni les pouvoirs publics ni les musées se préoccupant de leur pérennité, tandis que les seconds sont rangés au rayon des objet rares. L'art contemporain accède au statut patrimonial du vivant des artistes sans que cela leur profite. Un beau gâchis.

jeudi 24 mai 2012

Patience et impatience sur iPad


Je ne suis pas un gamer ! Non, ce n'est pas un refrain de Daniel Balavoine, mais le fait est qu'après avoir imaginé un nombre étonnant de jeux de société et d'en avoir pratiqué autant je changeai de hobby lorsque j'eus 15 ans pour me consacrer à la musique... Pourtant, de temps en temps, je me laisse prendre. Les dernières fois j'avais offert une Wii puis une Wii-Fit à ma compagne, mais cela fait deux ans que nous ne les avons pas allumées. À l'arrivée de l'iPad j'avais bien essayé quelques jeux gratuits, téléchargé les applications réalisées pour le Biophilia de Björk, conçu le design sonore de Balloon avec Sacha pour Les Éditions Volumiques, mais aucun jeu ne m'avait encore fait oublier le dîner. Adolescent, je pensais que mes copains perdaient leur temps au flipper. Me voilà donc régresser ! J'avais apprécié Labyrinth sur iPhone, mais sa déclinaison en Labyrinth 2 sur l'iPad me tient éveillé tard dans la nuit. Pour 5,99 € on peut télécharger un nombre incroyable de plateaux, il est même possible de créer les siens et de jouer à plusieurs. Avec ses billes multiples, bumpers, canons, barrières, aimants, ventilateurs, redimensionneurs, manèges, duplicateurs, lasers, ce jeu tient à la fois du labyrinthe à bille... Et du flipper ! Hypnotisant.


Comme si cela ne suffisait pas, Nicobuq m'indique Zen Bound 2, un jeu méditatif de boundage consistant à ficeler des figurines en bois ou en pierre. La 3D et le multitouch rendent la partie très sensuelle. Pour 2,39 € j'aurais eu tort de m'en priver, même si je ne suis pas certain que ces patiences m'accaparent plus d'une semaine. On ne se refait pas, car quitte à jouer je préfère de loin la musique... Quant à l'iPad, Gwen Catalá (publie.net) m'annonce les avancées dont va bénéficier mon prochain roman, farci de photos, de musique, de vidéo et de liens hypertexte ! Cette fois je piétine d'impatience...

mercredi 23 mai 2012

Inspirer, souffler


Inspirer, souffler. La gymnastique quotidienne m'évite de me coincer le dos. Inspirer, souffler. La danse m'apparaît comme un truc intellectuel qui n'a rien à voir avec la dépense d'énergie. Inspirer, souffler. Ce qui suit semblera du charabia aux néophytes, mais je continue à privilégier le discours de la méthode aux recettes jalousement gardées. Inspirer, souffler. Transmettre ce qui m'a été donné, partager mes recherches font partie d'une histoire qui risquerait de se perdre si je n'en prenais le temps.
Voilà des années que je me demande quoi enregistrer pour remplir la troisième et dernière banque de sons du Tenori-on, 125 des 128 programmes de l'instrument électronique étant inamovibles. Lorsque j'avais acquis mon premier Tenori-on j'avais choisi la voix de ma fille Elsa (que je viens d'aider à rajeunir son site) et des sons percussifs fabriqués avec mon synthétiseur Ensoniq VFX-SD. L'embarras du choix m'avait empêché d'aller plus loin. Devant donner la réplique aux chorégraphes/danseuses Claudia Triozzi et Sandrine Maisonneuve samedi prochain au Triton, j'ai sélectionné des instruments où le geste fait partie du jeu comme le Theremin et la Mascarade Machine. N'étant pas un virtuose de la percussion corporelle, enregistrer ma respiration m'apparut le bon choix. J'ai fait des ah et des ho, des pah et des shhh pour remplir les seize pas de l'échantillonneur. Le résultat ressemble à ce que j'imaginais, un truc alerte fonctionnant bien en rythmique. La voix est un instrument très meuble qui permet de tester rapidement les idées les plus abracadabrantes. En plus c'est toujours amusant de faire du bruit avec sa bouche.
À la lecture du billet de lundi, Éric Vernhes a proposé d'ajouter un jack à la Crackle Box pour la brancher sur le pédalier qui sert déjà au Theremin. Comme tout sera improvisé je fourbis mes timbres en n'oubliant pas les instruments acoustiques aux qualités visuelles tels les rhombes et le ZubeTube. Oserai-je emporter mon violon ? Je disposerai des microphones un peu partout dans la salle pour pouvoir intervenir où cela me chante. Vincent Segal jouera de son violoncelle classique plutôt que de l'électrique, nous évitant toute surenchère amplifiée. Inspirer, souffler. Tu parles !

mardi 22 mai 2012

Le tonnerre gronde au Québec


Des camarades du Québec nous demandent de diffuser cette vidéo pour que le reste du monde sache ce qui s'y passe...
C'est aujourd'hui !

Du crime mexicain


Fort sentiment de malaise à la projection d'El Sicario, chambre 164 qui sort en DVD aux Éditions Montparnasse avec deux autres films de Gianfranco Rosi. Un tueur à gages pour le compte de narcotrafiquants mexicains, responsable de la mort de plusieurs centaines de personnes et dont la tête a été mise à prix 250 000 dollars témoigne le visage masqué face à la caméra pendant 80 minutes. Le type agrémente son récit de petits crobards répétitifs comme font les businessmen qui veulent se donner une contenance et mime quelques scènes, mais cela ne constitue pas un film pour autant. Au delà de l'absence de regard critique ou de parti-pris cinématographique, le doute s'installe sur la véracité du témoignage. La réalité mexicaine est probablement juste, mais tout est très vague, catapulté, comme si l'on voulait faire vrai sans donner la moindre piste qui l'accrédite. Aucun détail n'est révélé, soi-disant pour protéger l'ancien homme de main qui se répand en descriptions morbides des tortures. La voix grave et monotone de ce narrateur dramatise des généralités qu'on a pu lire dans tous les journaux, le prétendu Sicario se mettant en scène tel qu'il se croit attendu et en en faisant des tonnes, jusqu'à sa rédemption bidon, foudroyé par Dieu, passion/prison ressemblant étonnamment à sa vie criminelle. On en est à se demander si c'est du reportage ou de la reconstitution. Il est à craindre que ce soit les deux, voire explicite. En plus, c'est filmé comme de la radio, l'image n'apporte rien. Quitte à se faire mener en bateau, je préfère carrément la fiction d'Adrian Grunberg, Get The Gringo, avec Mel Gibson, qui se passe dans un village-prison à la frontière mexicaine et où sont mis en scène avec une certaine originalité scénaristique la violence, la corruption et le système D. J'y ai appris beaucoup plus de choses sur la collusion des pouvoirs des deux côtés de la frontière et sur ces micro-sociétés que constituent les cités-prisons d'Amérique du Sud et Centrale.




Les deux bandes-annonces réfléchissent assez bien le sentiment de malaise que j'ai ressenti, bien plus fort dans le reportage complaisant de Gianfranco Rosi que dans la pochade vériste d'Adrian Grunberg. Sous prétexte de cinéma direct ou de vidéo expérimentale on nous fait avaler tant de films en mal d'inspiration qui prétendent montrer la vie telle qu'elle est alors qu'il ne s'agit que de tournages paresseux. Il est à craindre que Rosi ait simplement eu envie de croire son personnage et se soit fait mener par le bout du nez comme les jurys de festivals qui l'ont adoubé à sa suite.

lundi 21 mai 2012

Ma Crackle Box à moi


Scotch se demande vraiment qu'est-ce que c'est que cet engin bizarre qui produit des cris de souris et des craquements de parquet quand je le prends entre mes doigts. La Crackle Box (Kraakdoos) est un instrument électronique rudimentaire inventé par Michel Waisvisz et Geert Hamelberg (STEIM) à la fin des années 60, mais ce modèle unique est un merveilleux cadeau d'Éric Vernhes qui l'a construit spécialement pour moi ! Il me rappelle l'amplificateur de téléphone dont je jouais lorsque j'ai commencé la musique. En approchant le micro-ventouse du haut-parleur on pouvait générer des mélodies distordues par effet Larsen. Je l'utilisai pour la première fois en public lors de l'inauguration de l'exposition Andy Warhol de 1971 à l'ARC, à Paris. Le même soir le Grand Magic Circus, à peine rentré de New York, faisait sa parade dehors, sur le parvis du musée d'art moderne. L'autre accessoire que je détournais pour produire des effets très spéciaux était le bouton "son sur son" de mon magnétophone Sony TC355 qui permettait les réinjections et saturait l'enregistrement. Mais je ne pouvais pas le transporter tandis que l'ampli de téléphone tenait dans ma musette et fonctionnait sur piles. Lorsqu'il avait dix ans, Éric fit la même trouvaille, amplifiant même les sons de toute sa maison en collant la ventouse sur de gros aimants et l'appliquant sur le mur. Le principe de la crackle box provient d'un circuit imprimé instable, le uA709, aujourd'hui très recherché. En y adjoignant des condensateurs, des transistors, une Led et une pile 9V, on obtient un instrument aléatoire et capricieux produisant des sons qu'en général on préfère éviter. Le principe repose sur la conductibilité du corps humain, je risque donc de ne pas pouvoir reproduire les mêmes effets si j'attrape la grippe, si je bois trop ou si la température ambiante me fait suer. J'aimerais l'utiliser samedi prochain pour le spectacle avec le violoncelliste Vincent Segal et les danseuses Claudia Triozzi et Sabine Maisonneuve que nous improviserons dans le cadre du Festival Dodécadanse au Triton, Les Lilas !


Ma Crackle Box possède un volume minuscule qui m'obligera à la présenter devant un microphone pour en faire profiter les spectateurs à moins qu'ils fassent silence et tendent l'oreille... Sur Internet on trouve le schéma de l'objet et maintes contributions musicales de fondus de glitch et de circuit bending comme Mouse on Mars ou Coil. Comme je m'extasie devant mon petit cadeau, Éric Vernhes nous e:ntraîne dans son laboratoire où sont installées ses extraordinaires sculptures sonores réagissant à notre présence, s'adressant à nous via des GPS détournés, composant des images inouïes et des sonorités jamais vues, à tel point que l'on peut se demander ce que fichent les galeristes de ne pas fondre sur l'artiste pour lui organiser quelque exposition ou rétrospective grandiose. Héritier de Nicolas Schöffer, Éric Vernhes sculpte, peint, soude, scie, filme, échafaude, programme, détourne pour créer des objets qui nous renvoient un regard critique sur le monde qui nous entoure et que nous croyons façonner.

samedi 19 mai 2012

La corde à linge en promo à 0,99


François Bon l'annonce sur son site Le Tiers Livre : jusqu'à lundi soir, mon premier roman (augmenté d'images et de son) La corde à linge est en promo exceptionnelle à 0,99 sur publie.net. [Déréférencé depuis]. Multi-formats, il est décliné sous quatre versions, iPhone / iPad (ePub), Amazon Kindle (Mobipocket), imprimable (PDF) et web, mais seuls l'ePub et la lecture en ligne permettent d'entendre la musique qui y est associée. Pas grave, c'est d'abord un roman où les images participent déjà à la fiction.
François Bon écrit :
ce serait si dommage de rester à côté de ce qui bouge (...)
Jean-Jacques Birgé, La corde à linge : puisque figurez-vous que Jean-Jacques Birgé a conçu ce livre comme il conçoit ses films, concerts, productions, en artiste qui conçoit ses projets globalement, mais convoque aux manettes ceux qui savent les pousser à l’extrême. Là, bon, c’est Gwen qui joue de l’epub. Mais Jean-Jacques a invité des musiciens à jouer pour le livre, et fierté d’y retrouver Vincent Segal rien moins, parmi d’autres. Donc une de nos premières expériences (avec Alain François, François Bonneau, Louise Imagine) que nous avons nommée Hors collection. C’est sur l’iPad que La corde à linge prendra toute sa dimension, audio, images... Mais c’est d’abord un récit et une réflexion. Nous comptons bien continuer ces expériences. Je vous incite donc vraiment de vraiment à tenter l’aventure, manière aussi d’annoncer le 2ème projet avec Jean-Jacques, à l’approche... Et bien sûr, un des blogs les plus étonnants, opiniâtres, anciens : drame.org au quotidien.
Zinedine de Lilian Bathelot, Cacao de Michèle Kahn, Mais qui lira le dernier poème ? de Éric Dubois et Un mariage de Marcel Duchamp de François Bon bénéficient de la même promotion à 0,99, une bonne façon d'entrer dans le monde des éditions numériques ! Avec La corde à linge, si vous possédez un iPad, c'est le moment de sauter le pas. À 0,99 € vous ne prenez pas de gros risque, si ce n'est celui de l'étonnement !

vendredi 18 mai 2012

Mieux que le réel ?


Pendant des années j'ai défendu les instruments virtuels pour des raisons économiques. Lorsque le budget le permettait nous avions recours à un ensemble de musiciens, voire un orchestre symphonique, plutôt qu'à des clones électroniques. Certains projets le justifient encore, mais les avancées technologiques offrent des possibilités qu'aucune formation vivante ne permet. Quel compositeur n'a jamais rêvé de diriger un orchestre au doigt et à l'œil, mieux, d'entendre sa musique au fur et à mesure qu'il l'imagine ? Dans la vie réelle les deux sont impossibles à conjuguer. On peut toujours faire jouer des partitions, mais il est impossible d'improviser avec un gamelan au grand complet, un orchestre symphonique ou un big band de jazz. Aujourd'hui les instruments sont soigneusement échantillonnés par des virtuoses assistés par des ingénieurs du son chevronnés au point de créer l'illusion du vrai. Ce n'est évidemment qu'une chimère, car pour retrouver l'humanité du jeu il faut compter avec l'imperfection que la machine ignore. Sa programmation exige d'introduire quantité de petites erreurs ou de variations, on choisira le terme approprié selon sa propre approche philosophique. Les ensembles et certains instruments se prêtent mieux au subterfuge que d'autres. Si les claviers et les percussions supportent souvent la supercherie, la plupart des solistes ne sont pas prêts de perdre leur travail. N'essayez pas de remplacer un trompettiste ou un violoniste, vous courriez au massacre. Par contre les masses orchestrales offrent des alliages inédits que nos budgets en peau de chagrin ne permettent plus de créer à l'ancienne. Et, surtout, nous pouvons créer dans l'instant des sons qui nous étaient interdits jusqu'ici. On ne le répétera jamais assez, à chaque support correspond un type d'œuvre et chaque œuvre justifie tel ou tel choix d'outils.


Des applications informatiques telles UVI ou Kontakt sont des moteurs pour lesquels différentes sociétés fabriquent des instruments virtuels époustouflants. Les instruments de l'IRCAM et les jouets musicaux sont abrités par l'UVI Workstation tandis que Kontakt (Native Instruments) héberge quantité d'instruments étonnants, ensemble baroque, gamelan, Array Mbira, KIM, Morpheus, steel drum, piano préparé (SonicCouture), instruments du monde entier, pianos mythiques, etc. Si ces clones ont été échantillonnés d'après des instruments se jouant de manières fort diverses, ils ont l'avantage de pouvoir se jouer au clavier ou programmés par un séquenceur. Certains modes de jeu en deviennent accessibles ; par exemple, on ne pourrait autrement jouer des tiges d'un piano électrique EP73 à l'archet. Tous les mélanges sont possibles, le musicien bidouillant ses programmes comme il les entend.


Remercions ici les virtuoses qui ont enregistré chaque note de leur instrument pour les partager avec d'autres, pervertissant leurs outils comme il est souvent pratiqué en musique contemporaine, proposant quantité de modes de jeu que l'utilisateur peut régler à sa guise. Ainsi Thomas Bloch échantillonna son glass armonica mozartien, ses ondes Martenot, son cristal Baschet, le Birmingham Conservatoire livre ses clavecins, théorbes, psaltérions, le Keswick Museum son lithophone... Si aujourd'hui je peux faire semblant de jouer des ondes Martenot, je sais pourtant que rien ne vaudra jamais le plaisir de partager des instants musicaux avec Thomas comme lors de l'enregistrement de Nightmare avec Lindsay Cooper pour Sarajevo Suite à Londres en 1994. Plus je pianote sur ses merveilleuses machines folles en studio, plus je reviens vers les instruments acoustiques lorsque je me produis en concert !

jeudi 17 mai 2012

Vidé


Ma tête ressemble à une maracas. Tous les grains finissent par se mélanger. Dans un sablier comment reconnaît-on l'envers de l'endroit ? Le temps de le retourner et mes yeux sont trop cuits. Ordres et contrordres. De quoi devenir chèvre, mais pas d'en faire un fromage. Demain il faudra remplacer le cristal Baschet par des métaux plus doux. Je jongle avec les horaires des trains et le planning d'octobre de mes camarades pour réunir tout le monde en perm' à Nantes. En Arles le casting de juillet vole en éclat au gré des permutations. Si j'étais Leonardo je me prendrais pour Chaminade et j'irais voir sur Mars si j'y suis. Ça s'étudie. Le gyroscope et l'accéléromètre me collent le tournis. Des fantômes traversent le studio. Les lapins doivent réviser leur partition. Je travaille mon grand écart en prévision du 26 mai. Le téléphone n'arrête pas de sonner. Pour la bonne cause. Les problèmes de robinet ne sont plus de saison. Il y a de la couleur derrière le verre dépoli. C'est donc ainsi que l'on sait que les affaires reprennent ?

mercredi 16 mai 2012

Trois yeux sur canapé pour petit déjeuner


Le concerto ornithologique débute vers cinq heures du matin. C'est bon signe si je le rate ou si j'arrive à me rendormir. Une heure plus tard j'ouvre mon premier œil, pas toujours le même, cela dépend de quel côté ma figure était appuyée sur l'oreiller. Parfois j'arrive à tenir encore une heure, alléluia ! Une ou deux minutes plus tard le second s'ouvre sur la boîte aux lettres où le livreur a glissé le journal. Routine. Me voici d'attaque, mais je passe par la cuisine couper quelques tranches de pain aux céréales que je dévore sec ou avec un peu de miel rapporté de La Ciotat ou de quelque campagne traversée par les amis que nous hébergeons. Entre deux bouchées je sirote une ampoule de ginseng. La tasse de thé, c'est pour plus tard, pas de mon fait, souvent bu froid quand j'y repense. Le chat râle ou patiente, car j'attends un peu avant de le nourrir pour qu'il ne me réveille pas demain en sautant sur mes orteils. Si je me fie au troisième œil il est temps d'aller travailler. D'autres fois je m'allonge sur le sofa et parcours les nouvelles avant de regagner le studio. En réalité je tricote entre ces diverses activités, une tartine, une page de journal, un mail, le blog, etc. Si je pars en piqué sur un projet j'en ai jusqu'à la fin de la matinée avant d'aller me faire couler un bain. Break. Une seconde journée débute alors...
D'autres jours je taille les arbres du jardin. J'ai ramassé avec tristesse l'œuf de la merlette que le vent a fait culbuter. Nidifier dans les bambous n'était pas une si bonne idée. Les moineaux les utilisent plus astucieusement comme balançoire et accessoirement en salade. Ma pause petit déjeuner est terminée. La partition sonore de 2025 exnatura m'appelle, charte cristalline où les évènements d'aujourd'hui ont la légèreté de l'adolescence quand la sanction du temps sonnera autrement plus grave... C'est ce qui m'a empêché de me rendormir ce matin, je ressassais gling-respiration-glauque, trois mots mnémotechniques résumant le programme des réjouissances musicales. Je me comprenais, mais étais-je certain de m'en souvenir ou de décrypter le message au réveil ?

P.S. : le ginseng a fini par me donner des palpitations, mais j'avais exagérément prolongé la prise !

mardi 15 mai 2012

Disque physique contre album virtuel


Le titre de mon article induirait qu'il existe un antagonisme alors que les deux se complètent en ne répondant pas aux mêmes désirs ni aux mêmes besoins. Désir du consommateur de tenir entre ses doigts un objet peaufiné, création graphique, livret bourré d'informations, qualité sonore dite haute-fidélité. Besoin de l'artiste de publier rapidement ses créations à moindre coût en arrosant la planète sans intermédiaire. Nécessité de défendre et protéger la filière discographique du distributeur au diffuseur, l'un et l'autre offrant un éventail des plus variés où le conseil permet d'aiguiller l'acheteur dans la jungle de l'inouï et de l'inconnu. Au milieu du chaos la presse spécialisée est totalement défaillante, prenant fait et cause pour l'industrie du disque au détriment des pratiques de la jeunesse ; elle protège les rares annonceurs (la pub) soutenant son économie déficitaire. Là où Internet et la presse papier pourraient se renvoyer la balle les journalistes supposés professionnels, les blogueurs revendiqués amateurs et les artistes indépendants cherchant de nouveaux terrains de diffusion s'ignorent dramatiquement. Nous vivons en dépit du bon sens.

Pour qu'un album physique mérite l'achat il faudrait déjà que sa présentation soit à la hauteur de l'objet-disque. En cela le vinyle, en vogue chez les véritables audiophiles, dynamique aidant, a l'avantage sur le boîtier riquiqui en plastoc mochedingue du CD. Les éditions digipack à la couverture cartonnée ont le mérite de s'approcher d'un livre, échappant au manque d'intérêt que suscite le disque argenté. Sur une pochette 30x30cm un artiste graphique a la surface pour s'exprimer et le producteur peut même imaginer de le faire intervenir sur le disque lui-même ou le macaron central pour que l'ensemble fasse unité.

En publiant 38 albums inédits le label GRRR ne vend pas moins d'albums physiques que par le passé. À la trentaine de 33 tours et de CD soigneusement fabriqués depuis 1975, s'ajoutent 92 heures de musique inédite. Si les premiers bénéficient d'un soin graphique et d'une qualité sonore exceptionnels les plus récents ne sont accessibles qu'en mp3 128k, mais ils sont offerts gratuitement en écoute et téléchargement ! S'il s'agit d'écouter sur un baladeur ou son ordinateur c'est franchement suffisant, et cela peut donner envie d'acquérir les objets matérialisés vendus sur le site. Cela a surtout l'avantage de ne "rien" coûter en fabrication pour le producteur, en plaisir pour l'auditeur. Le rayonnement est immédiat, planétaire, ajoutant un ou deux zéros au nombre d'auditeurs.

Pendant que les artistes entreprenants s'affranchissent un peu plus de la lenteur et des défaillances de leurs interlocuteurs historiques, les producteurs courent les subventions ou accumulent les dettes, les petits distributeurs sont à la merci des gros diffuseurs, les magasins indépendants leur tirent dans les pattes en traitant directement avec les labels, les musiciens vendent leurs disques à la fin des concerts et la presse continue de ne pas faire son boulot de défricheur en assurant la promotion des sempiternelles locomotives qui ne tirent derrière elles plus aucun train.

Dans le dernier numéro de mai 2012 d'ImproJazz le journaliste Gary May est le premier à évoquer le sujet, posant d'intéressantes questions et suggérant à ses lecteurs d'apporter leur témoignage :

Un album virtuel est toujours un album... par Gary May

Depuis un certain temps la vente de disques est globalement en chute libre. Je ne vais pas me lancer ici dans une analyse du comment et du pourquoi de cette situation. Partons simplement du constat, pour mettre tout le monde d'accord au moins sur ce point. L'internet, et l'échange, plus ou moins légal, de fichiers, pose des questions importantes sur les habitudes des gens, et la façon dont les artistes peuvent réagir à cette nouvelle donne. La démarche 'officielle', (Hadopi ou autres structures similaires), semble être très peu adaptée à la réalité technologique, sociologique et économique de notre époque. Regardons donc comment un artiste, Jean-Jacques Birgé, a choisi d'agir, et essayons de voir si sa solution s'applique ailleurs.

Jean-Jacques, toujours à l'affût des nouvelles technologies, a choisi de mettre sa production en ligne gratuitement, et en même temps de continuer à vendre les stocks de CD et vinyles restant. Il a déjà mis sur son site une quantité impressionnante de musique inédite du passé (Le Drame Musical Instantané, évidemment, mais aussi Bernard Vitet, Thurston Moore, Birgé en solo, Aki Onda, Alexandra Grimal...) et aussi des projets récents et flambant neufs, citons juste un trio génial avec Birgé, Birgitte Lyregaard et Sacha Gattino, nommé El Strøm, et qui a joué pour la première fois sur scène récemment au Triton, et aussi un duo très original : Birgé et le violoncelliste Vincent Segal. Je recommande à chacun d'aller sur www.drame.org et de se laisser tenter par le choix des œuvres. Sur son blog Jean-Jacques a expliqué les raisons de sa démarche. Je le cite "La majorité des musiciens enregistrent des albums pour entériner leurs avancées artistiques et par souci de communication. Ils gagnent leur vie grâce au spectacle vivant ou à des commandes de musique appliquée (cinéma, théâtre, ballet, etc.), extrêmement rarement des royalties qui leur sont consenties sur les supports matériels. Hors les grosses ventes style variétés, entre les exemplaires donnés, les envois et les frais divers, un disque coûte la plupart du temps plus cher qu'il ne rapporte.... La publication numérique en ligne que nous proposons ... est gratuite, donc accessible à tous, et peut rayonner jusqu'aux confins de la planète. Nous touchons donc plus d'auditeurs pour un coût considérablement moindre, voire quasi nul." Jusqu'ici, tous va bien. Saluons une démarche généreuse, démocratique et faite dans un esprit positif et constructif.

Mais cela pose aussi des vraies questions; quid des disquaires, relais précieux depuis toujours, et de leur rôle de conseil, de lieux de rencontre et de lien sociaux; et quid des artistes qui n'ont pas un catalogue impressionnant dans lequel piocher pour créer une vitrine aussi alléchante que celle de Jean-Jacques; comment rémunérer les artistes qui participent aux disques si tout devient gratuit; comment ne pas vouer aux oubliettes le public 'traditionnel', acheteurs et collectionneurs, pour lequel l'objet physique a encore du sens, pour lesquels le virtuel reste 'virtuel' et qui, à mon sens, semble être souvent peu ou pas adapté à l'ordinateur et à l'internet ? Et enfin, la qualité du son dans tout ça... le mp3 reste assez minable comme qualité; est-ce qu'une solution 'audiophile' est envisagée/envisageable ? Sur son blog, Jean-Jacques a déjà formulé quelques éléments de réponse, par exemple "Lorsque j'ai créé le label GRRR en 1975 les ventes de disques se portaient bien parce que l'offre était moins large. Il y avait dix fois moins de musiciens en France." ou "La qualité d'un mp3 est à peine meilleure qu'une copie sur mini-cassette. Si la reproduction est plus simple techniquement, elle pousse à l'accumulation, mais de toute manière jamais ces jeunes "pirates" n'auraient acheté tout ce que leur baladeur ou leur ordinateur abritent. La circulation des œuvres est plus importante que leur protection". Mais je ne vais certainement pas répondent à sa place à mes (et pourquoi pas vos) interrogations. L'idée de cette article est double; premièrement parler de la musique de Jean Jacques, disponible en ligne, et qui mérite amplement d'être chroniquée au même titre que les CD et vinyles (je vais me lancer mais j'espère que d'autre chroniqueurs d'Improjazz vont m'emboîter le pas...!), et deuxièmement, de poser ces questions, ouvrir un débat, un échange, et de susciter des réactions. Alors, à vous de réagir, soit en écrivant à Improjazz, soit en passant directement par les commentaires sur le blog de J.J. Birgé. Je reste partagé entre le désir de saluer une solution démocratique et originale à un vrai problème, mais aussi la tristesse de voir disparaître l'objet musical, la pochette, le dilemme du choix (on ne peut pas tout acheter, alors il faut choisir où mettre son budget...).

Quelque part je ne peux pas m'empêcher de penser que tout avoir gratuitement revient à ne rien avoir du tout, et que finalement, c'est le choix qui devient virtuel.

Les questions posées par Gary May méritent que l'on s'y penche, mais ce billet est déjà assez long pour aujourd'hui ! Une bonne façon de faire son choix est tout de même d'écouter la musique, que ce soit en magasin ou sur site. Le label GRRR offre un espace de découverte avec sa radio aléatoire Radio Drame pour écouter près de 100 heures de musique non-stop !

lundi 14 mai 2012

Les ballets quantiques d'Antoine Schmitt


Est-ce son passé de night-clubber qui entraîne Antoine Schmitt dans la danse ? Son nouveau cantique des quantiques renvoie-t-il à son Christ mourant sans cesse et profane en diable ? Le danseur projeté au rez-de-chaussée de la Galerie Charlot (jusqu'au 16 juin), tronc composé de seulement huit segments, subit un autre martyre de ne pouvoir s'arrêter qu'à l'extinction des feux, rappelant Le Masque de Maupassant filmé par Ophüls et Les chaussons rouges d'Andersen par Michael Powell. Condamné à vivre éternellement sous la loi du code informatique, il danse, il danse selon et contre toute logique. Au sous-sol de la galerie les créatures comportementales qui sont chair (virtuelle) à Antoine Schmitt se multiplient sur les écrans et se rassemblent comme le Christ articulé de Salvador Dali au Musée de Figueras. Le même algorithme quantique anime les quatre écrans des Ballets quantiques où les danseurs sont réduits au plus simple appareil, le pixel, avec Le pixel blanc originel de toute l'œuvre de l'artiste projeté en grand à côté d'une photo noir et blanc d'un instantané figé de la chorégraphie. À regarder dans le silence ces mouvements infinis réglés par l'indétermination, on se prend à y deviner des portés lorsque les points s'empilent ou des chassés lorsque leur nombre explose. Antoine Schmitt suggère "des forces invisibles à l’œuvre derrière les systèmes complexes, comme les particules, les peuples, les sociétés". Ses travaux jouent du va-et-vient entre le réel et le virtuel, le concept et sa réalisation imaginaire, l'inconscient de l'individu et les mouvements de masse... Le mystère de la création doit composer avec la trivialité de la moindre interprétation.

vendredi 11 mai 2012

Un petit coup de pouce


Odeia joue au Triton (Métro Mairie des Lilas) ce soir à 21h dans le cadre du Festival Unis Sons 93 consacré cette année aux cordes. Avec ce quartet les cordes vocales de la chanteuse vibrent en sympathie avec les trois archetiers.
J'ai déjà écrit tout le bien que j'en pensais, indépendamment du fait qu'Elsa est ma fille. Elle n'en fait pas mystère, même si s'appeler Birgé comme son papa l'ennuie lorsqu'il s'agit de négocier avec cette nouvelle notoriété. Avec une mère également musicienne elle avait sagement, et passionnément, choisi la voie circassienne pour se démarquer de ses deux parents, mais la carrière d'une contorsionniste sur trapèze est de relative courte durée. La voilà donc revenir à ses amours (en)chantées qu'elle n'a jamais quittées depuis qu'à quelques mois elle pleurait déjà dans le ton ! Son interprétation de ¡ Vivan las Utopias ! dans le cultissime album dédié à Buenaventura Durruti (nato) est devenue un classique pour beaucoup. Elle n'avait que onze ans lorsqu'elle ouvrit ce disque en lisant Héritage de l'anarchiste espagnol. Aujourd'hui elle partage le goût de trois garçons pour les musiques qu'on dit du monde comme s'il en existait d'autres qui n'en soient pas, et monte un spectacle pour enfants avec sa mère, l'accordéoniste Michèle Buirette, et la percussionniste Linda Edsjö. Ça s'appelle Comment ça va sur la Terre ? et c'est drôle et enjoué.
La musique d'Odeia est plus grave, plus sombre, elle nous remue profondément. Le violoniste Lucien Alfonso, le violoncelliste-guitariste Karsten Hochapfel et le contrebassiste Pierre-Yves Le Jeune forment quatuor avec le timbre étendu de la voix d'Elsa. Le grave étonne quand l'aigu incarne la légèreté. Les langues des chansons sont souvent celles de la Méditerranée, italien, sicilien, espagnol, ladino, grec, français, mais il arrive que l'âme slave pointe son nez avec les ruses du russe. On me demande souvent si je suis fier. Drôle de question. C'est un sentiment que j'ignore. Je suis heureux qu'elle fasse ce qui lui plaît. Je vais bien de la savoir heureuse. Pour le reste, ce n'est que de la chance et du travail. Venez écouter Odeia au Triton (tarif réduit sur présentation du flyer ci-dessus), j'y serai aussi. C'est drôlement bien et je ne dis pas cela uniquement parce que c'est ma fille ;-) Les mélodies sont magnifiques et j'en ai toujours pincé pour les cordes. Ces quatre-là en ont plus d'une à leur arc.

jeudi 10 mai 2012

Coupez !


Voilà des lustres que je suis à couteaux tirés avec les lames de la cuisine. Lorsque Sacha m'a parlé de son aiguiseur de couteaux professionnel je me suis dit que je n'y couperais pas. Le fusil en métal d'Ikéa a fini par ressembler au crâne de Yul Brynner et je me débrouille comme un manche avec la pierre en oxyde d'aluminium achetée à ChinaTown. Sans vouloir remuer le couteau dans la plaie leur usage demande un réel apprentissage car il s'agit de repousser l'acier. La pierre, indispensable pour les lames japonaises trop dures pour le fusil, s'humidifie grandement et ne doit jamais être lavée.
Dépendre du rémouleur qui passe et repasse dans la rue tous les deux ou trois ans ne me convient pas non plus, d'autant que si je compte le nombre d'émoussés cela coûterait drôlement cher.
Mon camarade fin cuisinier, comme on dit fine lame, m'assure donc qu'avec l'affûteur universel l'affaire est tranchée et que l'objet n'est pas prêt de s'user. Pas non plus de machin électrique inutile. L'expérience se réalise sous le robinet pour que les meules en céramique ne s'échauffent pas, mais il suffirait de mettre de l'eau dans l'affûteur. Je suis donc allé acheter ce merveilleux outil japonais chez Mora, rue Montmartre, et je suis rentré à la maison pour retrouver le fil du rasoir. C'est tout simplement épatant, car faire la cuisine avec des couteaux mal aiguisés est un jeu de massacre qui ne coupera que l'appétit. Lorsque les lames auront retrouvé leur tranchant on évitera évidemment d'y mettre les doigts. Je retrouve le plaisir de l'émincé. C'est bon pour aujourd'hui, coupez !

mercredi 9 mai 2012

Gloria Coates, compositrice américaine


Le DJ saturait les enceintes. Ma tête ressemblait à une citrouille. Je suis descendu dans le jardin rejoindre les fumeurs, quitte à attraper la crève. C'est fait. Au clair de lune, devant les bambous, je rencontre Alex qui partage mon goût pour Ives, Ligeti, Scelsi et quelques autres atypiques... En rupture d'avec ses études classiques il a plongé dans la composition instinctive. Ma démarche aboutit au même point, mais en passant par le terrain ! Dans la conversation il évoque une compositrice américaine dont il est fan et dont je n'ai jamais entendu parler, Gloria Coates (autre site).


Née en 1938 dans le Wisconsin, vivant aujourd'hui à Munich, Gloria Coates affectionne particulièrement les glissandi chers à Penderecki (première période) et Xenakis, les timbales venant souvent donner du gras aux cordes. Sa musique n'a pas la froideur des férus de mathématiques. Les sentiments dramatiques flottent au-dessus d'un océan lugubre. Les pièces pour orchestre, à la fois minimalistes et aux textures insaisissables, conviennent particulièrement à sa critique du monde. Gloria Coates joue des dissonances, quarts de ton, canons et palindromes sans ne jamais négliger de susciter de fortes émotions. On pense au Hongrois et à l'Italien évoqués plus haut ainsi qu'aux Américains qu'elle se charge de faire connaître en Allemagne. À son actif, quinze symphonies, neuf quatuors, des pièces vocales et chorales, de la musique électronique, quantité d'autres alliages et les tableaux qui ornent ses pochettes. Je me suis fié à mon interlocuteur et j'ai commandé tout ce qui était disponible. S'annonce un festival Coates en ma demeure.


Tandis que je remplis mon panier j'en profite pour y ajouter un nouvel album de pièces de Fausto Romitelli (1963-2004) interprétées par l'Ensemble Musiques Nouvelles dirigé par Jean-Paul Dessy, mais je n'ai pas le même choc qu'avec Professor Bad Trip ou An Index of Metal. Y sont réunies Amok Koma, Flowing Down Too Slow, Domeniche alla periferia dell'impero, nell'alto dei giorni immobili et The Nameless City. On retrouve néanmoins tout ce qui nous fascinait, liberté totale de ton et d'emprunt sans ne jamais perdre son propre style, maîtrise des timbres, l'oreille absolue pour son temps, à savoir que d'être capable de tout entendre lui ouvre la voie des découvertes...
Enfin le nouveau Kronos Quartet est consacré à Vladimir Martynov, né en 1946, qui passe ici Mahler et Schubert à la loupe et au ralentisseur ! Musique répétitive à la russe où le tempo est détendu jusqu'au point mort, la contemplation musicale naissant de cette abstraction figurative, transposition probable de rites orthodoxes, démarche classique en regard de celle de Romitelli... Pour le Schubert-Quintet (Unfinished), l'ancienne violoncelliste du Kronos, Joan Jeanrenaud, rejoint ses anciens camarades. C'est évidemment plus léger que la gravité de Gloria Coates, mais à chaque moment de la journée, à chaque humeur correspond la musique adéquate.

mardi 8 mai 2012

L'humain d'abord à L'Épée de Bois


La même force émane de la pièce Illuminations d'Ahmed Madani et de l'installation Terres arbitraires de Nicolas Clauss, le portrait des hommes présents sur la scène et sur les écrans. De jeunes hommes issus de l'immigration, des hommes qui transpirent d'humanité, des hommes qui tombent le masque. Ce masque n'est pas le leur, mais celui que la société défaillante leur a collé sur le visage. Sans fard, Clauss et Madani font craquer les préjugés. En les regardant bouger sur scène, en scrutant leurs sourires projetés en grand, j'ai pensé aux sourires radieux des Haoukas à la fin des Maîtres fous de Jean Rouch. Le succès tient au réel. Le réel envahit les écrans de Terres arbitraires sous la direction du plasticien, il conquiert à son tour la performance-spectacle qui se joue au Théâtre de l'Épée de Bois jusqu'au 3 juin (Cartoucherie de Vincennes, sauf le lundi).


S'inspirant de l'installation vidéo immersive de Nicolas Clauss, le metteur en scène Ahmed Madani a écrit la pièce pour dix jeunes hommes du Val Fourré à Mantes-la-Jolie. Ils se nomment Boumes, Abdérahim Boutrassi, Yassine Chati, Abdelghani El Barroud, Mohamed El Ghazi, Kalifa Konate, Eric Kun-Mogne, Romain Roy, Issam Rachyq-Ahrad, Hassan Elbaz. Lorsque l'un d'eux confesse qu'il a la chance de ne pas ressembler à un Arabe ou à un Noir, il s'excuserait presque d'échapper au délit de faciès. Ce ne sont pas des comédiens amateurs, mais des habitants des tours qui se prêtent au jeu. La salle tombe sous le charme. Fondamentalement brechtien, le théâtre épique de Madani interroge les faux-semblants, tord le cou aux idées reçues et nous oblige à réfléchir autant à la vie qu'au théâtre. Le quasi anonymat de tous ces Lakhdar crée la distance nécessaire pour faire exister les hommes derrière les acteurs. La scénographie rappelle l'accumulation des moniteurs vidéo et les grands écrans de Terres arbitraires. On entre en effet d'abord dans une exposition, un quart d'heure d'introduction que l'on peut d'ailleurs admirer sans compter tous les après-midis de 14h à 18h (entrée libre).


Le soir, le spectacle commence dès que l'on a déchiré votre billet, mais vous n'en savez encore rien. Tout participe à la mise en condition, musique, lumière, énergie débordante des garçons qui jouent leur propre rôle. Un pan d'histoire de l'Algérie et de la France se déplie. Les citations, exploitées sèchement, font parfois verser le pathos dans la comédie musicale. La chorégraphie fait exister l'ombre et les flammes. S'il est un spectacle d'actualité, le voici ! Retour d'un théâtre du sens et du bon sens, utilisation intelligente et sensible des nouvelles technologies, et surtout "L'humain d'abord !"

Photos 1/2 © François-Louis Athénas - Photo 3 © Nicolas Clauss

lundi 7 mai 2012

Résistance


Qu'ajouter au concert de klaxons ? Espérer la prison à la bande de malfrats qui avait kidnappé notre pays ? Ils ont le nez dans leurs valises. Mais de fête, impossible ! J'avais joué les rabat-joie le 10 mai 1981 alors que François Mitterrand rimait avec nationalisations, abrogation de la peine de mort, 1% du budget à la culture, etc. On en est si loin avec François Hollande, voire son double, François Bayrou. François, François et François. À croire que leurs parents les destinaient tous les trois à servir la république. La sociale-démocratie m'a toujours débecté. Je ne peux me réjouir du résultat des urnes. Tout le travail reste à faire. Ces élections n'auront été qu'un réajustement logique des forces en présence. La crise qui s'avance demandera des solutions plus radicales. Les décisions se prendront dans la rue et les révolutions devront germer sous les crânes. La création est une des manières de répondre aux métastases qui ont gagné les cerveaux les moins informés, ou les plus désinformés, en tout cas déformés.


En addendum au billet de jeudi voici une nouvelle vidéo de la "musique d'ameublement" improvisée lors de l'inauguration du Grand Réinventaire le 18 avril 2012 au Triton. J'ai réalisé ce petit montage de cinq minutes à partir de ce que Françoise Romand avait filmé. Merci à Ève Risser et Antonin-Tri Hoang de m'avoir rejoint ce soir-là pour imaginer une musique qui s'échappe des chemins officiels. Pour que les idées se transforment il faut aussi s'attaquer aux formes. Rêver est l'une des composantes du succès. La libération passera par l'éclatement des consciences. Avec l'accès au savoir, la poésie en est la meilleure garante. Démystifiant les discours les plus convenus elle fait entrer l'impossible dans le réel.

vendredi 4 mai 2012

Médicament miracle


Il y a six ans j'avais évoqué ici un film russe de Gennadi Kazansky intitulé Grand-père miracle projeté dans mon école communale à la fin des années 50. Le vieux magicien y est aussi merveilleux que maladroit ; resté trop longtemps enfermé dans une bouteille, il ignore tout de la vie moderne et multiplie les impairs. Il y a toujours un décalage entre les miracles et le temps où nous croyons vivre. Le mystère et la science se courent après. Le futur n'est jamais à la hauteur du passé s'il s'agit de rêver, car les perspectives y sont dramatiquement ramassées.

Pour peu que l'on soit un peu curieux ou fatigué d'être pris pour une bonne poire par l'industrie pharmaceutique et lobotomisé par les prétentions du progrès consumériste, il arrive que l'on redécouvre les remèdes de bonne femme de nos grand-mères comme le savoir ancestral des tribus d'Amérique et d'Afrique. Pas de querelle ici entre allopathie, homéopathie, acuponcture, médecine chinoise, soins par les plantes, chirurgie, etc. À chaque cas correspond une ou plusieurs réponses adéquates, mais il serait dommage de se priver du voyage lorsque les solutions proposées échouent ou que les effets secondaires sont trop pénibles. Je connais certains médecins, et non des moindres, qui prescrivent du coca-cola, mais je crains que cela doive rester secret !

Car en médecine il n'y a que les miracles qui méritent que les patients s'y attachent. Un médicament miracle, c'est un médicament qui marche à tous les coups sans qu'on n'en comprenne la raison ; c'est d'autant plus drôle quand certains médecins vous regardent avec des yeux ahuris lorsque vous leur annoncez que vous avez été guéris sans suivre le protocole imposé par l'Ordre ou, plus étonnamment, en vous fiant scrupuleusement à leur prescription. Si l'effet placébo est invoqué c'est alors tout l'exercice de la médecine qui en jouit, et tant mieux ! Le seul fait d'aller consulter un praticien et les malades sont déjà à moitié sauvés... Mon père jouait les sorciers en fabriquant des boulettes de mie de pain qui faisaient leur effet lorsque ce n'était pas bien grave. Sérieusement, nombreux médicaments de notre pharmacopée font partie de la panoplie du magicien. Mais si le médicament relève de la pharmacopée chinoise, alors la suspicion renvoie les mystères de l'Orient au Moyen-Âge. Comme si nous n'étions pas fait de la même chair, comme si la Chine millénaire n'avait révélé ses secrets depuis que les marins les ont rapportés sur leurs navires marchands...

Madame Ji, originaire de la province de Guangxi, me voyant me tordre sous les crampes intestinales, sort de son sac une petite fiole en articulant avec un immense sourire "médicament miracle", pour le ventre, le rhume, la nausée, la migraine, etc. Le Spasfon n'est pas mal non plus, mais il n'est pas aussi polyvalent. Je verse la potion noirâtre dans une cuillère en porcelaine. Madame Ji me prévient que le liquide a mauvais goût parce qu'elle imagine que je vais froncer le nez en l'avalant, mais en réalité c'est simplement bizarre. Une demi-heure plus tard tous les spasmes ont disparu. Mon ami Sun Sun me traduit les inscriptions en chinois simplifié de la boîte importée du Setchuan. Ce n'est pas facile, car l'approche médicale est très différente des Occidentaux. Il est question d'énergie, de saturation, de fluidité...

jeudi 3 mai 2012

Musique d'ameublement révolutionnaire


4h45. Les oiseaux n'ont pas encore commencé leur concert matinal que Hélène Collon met en ligne un petit extrait de notre enrobage de la soirée du Grand Réinventaire au Triton le 18 avril dernier. Lorsque Raymond Macherel me proposa de jouer ce soir-là j'acceptai à condition que ce soit "freestyle" et de pouvoir accompagner les orateurs de façon aussi impertinente que pertinente. L'option festive des défilés et meetings me semblait inadéquate avec le niveau élevé des sujets abordés par tous les intervenants soutenant le Front de Gauche. Trouver une forme qui convienne au fond fait partie du travail du compositeur lorsqu'il s'agit de mettre la musique au service d'un projet quel qu'il soit. Devenu art appliqué, elle se confond aussitôt avec l'organisation de la soirée, son architecture, son ton et les surprises qu'elle doit générer pour que les trois heures de débat passent comme une lettre à la poste.
Clémentine Autain assura brillamment le rôle de meneuse de revue, MC improvisée ravissant l'auditoire. Pour soutenir les interventions parlées avec tact et élégance il fallait rassembler des musiciens incisifs qui sachent réagir au quart de seconde à un mot, le propre du Grand Réinventaire, de faire oublier les longueurs, d'oser un trait d'humour sans craindre de froisser, d'insister sur une sentence et de s'imposer sans ne jamais faire perdre le sens de la soirée éminemment politique. La pianiste Ève Risser et le saxophoniste Antonin-Tri Hoang furent des compagnons de jeu idéaux pour ce marathon dont la durée s'oublia ainsi grâce aux ponctuations discrètes et aux sept courts intermèdes permettant au public de reprendre sa respiration avant que sa concentration soit à nouveau sollicitée. Antonin passa à la clarinette basse pour les questions graves, Ève joua de l'électrophone tel que l'humour soit toujours présent dans notre exercice d'ameublement critique, ceux deux-là s'entendant à merveille comme lors de leur splendide duo intitulé Le Grand Bazar. J'avais déjà joué avec l'une et l'autre, mais nous n'avions jamais encore formé trio. Nous y avons pris goût. Pour cette chaude soirée je m'habillai léger, passant allègrement du Tenori-on rythmiquement audiovisuel à la trompette à anche sévère, d'un harmonica tendre aux mots articulés dans la guimbarde.


Pourtant notre principale intervention consista le plus souvent à ne rien faire, l'attention permanente nous ordonnant de pratiquer le silence pour que notre présence s'efface devant la rigueur des propos filmés par Alain Siciliano et Raymond Macherel et ceux tenus dans la salle du Triton. Les deux petits extraits capturés par Hélène Collon font partie des intermèdes mettant en valeur les cinq thématiques : crise du capitalisme, écologie et partage, justice et égalité, luttes sociales, culture et politique.
Les événements politiques méritent d'être traités comme il se doit, soit autrement ! Brisant avec le ronron de la télévision manipulatrice, Jacques Rebotier propose ce soir au Triton un nouvel épisode de sa Revue de Presse, cette fois avec Joëlle Léandre. Jeanne Added assure la première partie en solo. Le 7 juin je serai à mon tour le dernier invité de Rebotier.

mercredi 2 mai 2012

Le son monte à la tête


D'où vient cette manie de faire hurler la musique dans les fêtes ?
Si c'est pour se défoncer il y a des substances plus douces et plus rigolotes. Saturer les enceintes d'aigus stridents ne fait que déformer le son, rajouter arbitrairement des sub-basses relève d'une même logique de l'absurde. Cette surenchère a commencé avec la compression qu'impose le flux radiophonique, égalisation des niveaux supposée ne rien perdre des détails et aboutissant à une homogénéisation de toute la production musicale. Les oreilles des fêtards en prennent pour leur grade, mais les acouphènes n'apparaîtront fort douloureusement que des années plus tard. Si les lésions auditives sont irréversibles les extinctions de voix ne seront heureusement que passagères. Le plus étonnant est la faute de goût fondamentale que représente l'invasion totale et exclusive de tout l'espace. Car l'espace sonore submerge l'espace à proprement parlé et tout mode d'échange. La surenchère de décibels laisse croire qu'on en prend plein la vue et que tout le monde communie quand il ne s'agit que d'une uniformisation au rouleau compresseur. La communion factice ne fait hélas jamais office de communication. À l'instar des restaurants qui imaginent meubler le silence en faisant monter le bruit d'ambiance, le volume sonore empêche les conversations et les rencontres. Seuls les danseurs en transe y trouvent leur bonheur quand tous les autres convives subissent en silence un mutisme imposé. Il existe parfois un coin fumeur à l'écart où l'on attrape la crève parmi les courants d'air, ou la cuisine, si elle est isolée, où se réfugieront les plus critiques, soulagés de pouvoir échanger quelques mots.
Le mystère reste entier sur les raisons profondes de cette coutume contemporaine. Les DJ autoproclamés ne savent plus ménager temps forts et temps faibles, le bulldozer rappelle plutôt une offensive guerrière qu'une danse de séduction. Les morceaux langoureux et les nappes planantes sont réservées aux backrooms généralement inexistantes faute de place dans les soirées privées. Quand on n'a rien à se dire cette destruction systématique de l'échange, du conduit auditif et de la musique peut se comprendre. Nombreux convives se plaignent du gâchis, mais ne savent pas comment déroger à cette nouvelle coutume qu'aucun ne s'explique, que tous subissent, baillonnés par le volume assourdissant.

mardi 1 mai 2012

L'esprit de l'escalier


Les filles avaient envie de regarder un bon thriller. Comme les comédies, ce genre de demande est de plus en plus difficile à satisfaire. On a presque tout vu, du moins parmi les meilleurs. Il faut trouver un film que personne ne connaît. J'ai proposé The Staircase de Jean-Xavier de Lestrade (DVD ed. Montparnasse), un feuilleton documentaire en huit épisodes, en tout six heures certes un peu étirées, mais le suspense et les coups de théâtre nous ont tenus en haleine depuis la découverte du corps jusqu'au verdict. Tiré de 650 heures de rushes, tourné jusqu'à trois caméras, le film ne comporte aucun commentaire.


Crime ou accident ? Pas question de révéler ici quoi que ce soit de cette affaire qui a pourtant été énormément couverte par les médias, en particulier grâce au film, et dont de nouveaux épisodes sont en cours de tournage et montage, plus de dix ans après les faits, car les rebondissements n'ont pas cessé depuis le verdict. Juste situer la mort de Kathleen Peterson en bas d’un escalier de sa maison le 9 décembre 2001 à Durham, Caroline du Nord, un état du sud des États Unis particulièrement réactionnaire. Son mari, Michael Peterson, romancier à succès et personnage public, est suspecté l'avoir assassinée. Très vite, la morale devient le véritable mobile, non pas de la mort, mais du procès en sorcellerie que l'accusation déballe au fur et à mesure. Le procureur s'acharne. La bataille des avocats dure des mois...
Je voulais titrer "Le mauvais esprit de l'escalier", mais les deux jeux de mots imbriqués compliquaient les choses. L'esprit de l'escalier, propre à tout long procès, descendait de Lestrade quand le mauvais esprit incombait au procureur et à sa coéquipière tentant de convaincre les jurés de la culpabilité de Peterson non sur ses actes supposés, mais sur ses inclinations sexuelles sans rapport avec le sujet. Et l'esprit de l'escalier ne sera découvert que des années plus tard. Mystère. En 2002 le réalisateur avait reçu un Oscar pour Un coupable idéal, un jeune noir accusé à tort, mais The Staircase (traduit Soupçons en français) me fait plutôt penser à Capturing The Friedmans, chef d'œuvre d'Andrew Jarecki (DVD mk2) pour ses ramifications morales et l'usage de la vidéo, ici caméra à l'épaule omniprésente, chez Jarecki home-movies exceptionnels constituant une sorte de tournage parallèle.