Scotch se demande vraiment qu'est-ce que c'est que cet engin bizarre qui produit des cris de souris et des craquements de parquet quand je le prends entre mes doigts. La Crackle Box (Kraakdoos) est un instrument électronique rudimentaire inventé par Michel Waisvisz et Geert Hamelberg (STEIM) à la fin des années 60, mais ce modèle unique est un merveilleux cadeau d'Éric Vernhes qui l'a construit spécialement pour moi ! Il me rappelle l'amplificateur de téléphone dont je jouais lorsque j'ai commencé la musique. En approchant le micro-ventouse du haut-parleur on pouvait générer des mélodies distordues par effet Larsen. Je l'utilisai pour la première fois en public lors de l'inauguration de l'exposition Andy Warhol de 1971 à l'ARC, à Paris. Le même soir le Grand Magic Circus, à peine rentré de New York, faisait sa parade dehors, sur le parvis du musée d'art moderne. L'autre accessoire que je détournais pour produire des effets très spéciaux était le bouton "son sur son" de mon magnétophone Sony TC355 qui permettait les réinjections et saturait l'enregistrement. Mais je ne pouvais pas le transporter tandis que l'ampli de téléphone tenait dans ma musette et fonctionnait sur piles. Lorsqu'il avait dix ans, Éric fit la même trouvaille, amplifiant même les sons de toute sa maison en collant la ventouse sur de gros aimants et l'appliquant sur le mur. Le principe de la crackle box provient d'un circuit imprimé instable, le uA709, aujourd'hui très recherché. En y adjoignant des condensateurs, des transistors, une Led et une pile 9V, on obtient un instrument aléatoire et capricieux produisant des sons qu'en général on préfère éviter. Le principe repose sur la conductibilité du corps humain, je risque donc de ne pas pouvoir reproduire les mêmes effets si j'attrape la grippe, si je bois trop ou si la température ambiante me fait suer. J'aimerais l'utiliser samedi prochain pour le spectacle avec le violoncelliste Vincent Segal et les danseuses Claudia Triozzi et Sabine Maisonneuve que nous improviserons dans le cadre du Festival Dodécadanse au Triton, Les Lilas !


Ma Crackle Box possède un volume minuscule qui m'obligera à la présenter devant un microphone pour en faire profiter les spectateurs à moins qu'ils fassent silence et tendent l'oreille... Sur Internet on trouve le schéma de l'objet et maintes contributions musicales de fondus de glitch et de circuit bending comme Mouse on Mars ou Coil. Comme je m'extasie devant mon petit cadeau, Éric Vernhes nous e:ntraîne dans son laboratoire où sont installées ses extraordinaires sculptures sonores réagissant à notre présence, s'adressant à nous via des GPS détournés, composant des images inouïes et des sonorités jamais vues, à tel point que l'on peut se demander ce que fichent les galeristes de ne pas fondre sur l'artiste pour lui organiser quelque exposition ou rétrospective grandiose. Héritier de Nicolas Schöffer, Éric Vernhes sculpte, peint, soude, scie, filme, échafaude, programme, détourne pour créer des objets qui nous renvoient un regard critique sur le monde qui nous entoure et que nous croyons façonner.