Ma tante Arlette Martin a récemment reçu une commande de porte en marqueterie qu'elle ne pourra pas honorer. Au delà du fait qu'elle manque aujourd'hui un peu de place pour réaliser de grandes surfaces, les sous-traitants auxquels elle avait recours ont disparu. Les entreprises qui s'occupaient de plaquage ne répondent pas. Plus moyen de trouver un bon vernisseur et, pire, les bois exotiques comme le palissandre et l'ébène de Macassar qu'elle utilisait sont interdits d'importation ou inaccessibles. À 87 ans elle doit se faire une raison, l'art de la marqueterie est de l'histoire ancienne.
Les artisans disparaissent, la transmission se perd. Le commerce de l'ivoire ou la déforestation sont évidemment criminels. Il n'y a pas que le virtuel à subir les assauts du marché. Tandis que l'évolution des techniques rend les œuvres informatiques rapidement inaccessibles, les objets physiques deviennent les vestiges d'un temps passé où les compétences s'évanouissent de manière absurde. Les premières, obsolètes, perdent toute valeur, ni les pouvoirs publics ni les musées se préoccupant de leur pérennité, tandis que les seconds sont rangés au rayon des objet rares. L'art contemporain accède au statut patrimonial du vivant des artistes sans que cela leur profite. Un beau gâchis.