La nuit tombe sur Nørrebrogade comme une toile peinte derrière un décor de carton-pâte. Nous sortons d'un étonnant spectacle de la troupe We Go. Le titre de sa nouvelle création est explicite : Music From Movement. La musique découle directement des gestes des danseurs qui s'y collent tandis que les musiciens bougent comme des fous. La fusion diabolique apporte un humour ravageur aux mondes du concert rock et du ballet qui en prennent pour leur grade. Les rythmes mécaniques et les facéties acrobatiques rappellent un peu la première période de Frank Zappa. L'excitation et le plaisir des interprètes sont communicatifs.


La compagnie We Go, fondée à Copenhague en 2004 par le compositeur Niels Bjerg et la chorégraphe Kirstine Kyhl Andersen, est composée d'une dizaine de protagonistes d'un peu partout en Europe. Une aubaine pour les organisateurs de spectacles désirant renouveler leur programmation ! La photographie des haricots sauteurs est d'Anna van Kooij. J'évite de prendre des photos si cela risque de gêner les acteurs ou les spectateurs. Sur scène ils sont sept en justaucorps rouge avec autant de guitares, plus percussion et petits instruments électroniques portables.


Nous passons toute la journée du lendemain à Louisiana, magnifique musée d'art moderne et contemporain situé à trente minutes au nord de Copenhague. Dans un théâtre de verdure, plusieurs bâtiments à l'architecture astucieuse abritent une collection d'œuvres remarquablement choisies. On entre, on sort, on s'y perd et s'y retrouve. Le panorama offre une vue imprenable sur la mer baltique et la Suède. Les plus grands sculpteurs sont exposés au milieu de la nature, entourés d'oiseaux.
Pink Caviar présente les acquisitions 2009-2011, mais c'est Five Car Stud qui me fait la plus grosse impression. Je suis un fan d'Edward Kienholz depuis 1970, mais cette œuvre déterminante est légèrement postérieure à la rétrospective du CNAC rue Berryer qui me marqua alors si fort. Cet artiste dont il est difficile de voir les œuvres et même de trouver des livres qui lui sont consacrés est pourtant une clef pour comprendre les années 60. J'écrirai probablement bientôt un article sur cette installation montrant un groupe de blancs lynchant un noir éclairés par les phares de cinq voitures, le castrant devant un jeune garçon et une femme restés à l'écart. Le public traînant ses chaussures dans le sable fait figure de témoin passif devant la scène abominable. J'en fais des cauchemars la nuit suivante.