On parle parfois d'organe pour évoquer la voix sans que celui-ci soit scientifiquement répertorié. Comment alors évoquer le répertoire de la chanteuse Dominique Fonfrède sans aborder l'organe, étymologiquement, l'instrument, l'outil ? Le public plongeant les yeux fermés dans son gosier y vit sans aucun doute un remake de L'aventure fantastique de Richard Fleischer, voire, avec l'esprit caustique de la cantatrice, son double déjanté, Le voyage intérieur de Joe Dante. Dans ces deux films un être humain miniaturisé est injecté dans le corps d'un autre. C'est le sujet transposé psychologiquement de l'un des délires schizophréniques qu'elle interprète avec un humour dévastateur. Les spectateurs qui ne se tordent pas de rire en restent bouche bée. Le burlesque à la Jacques Tati alterne avec des logorrhées délirantes où les mots dégringolent comme des dominos jusqu'à la mort d'Irène. On frise l'absurde, mais la Fonfrède nous ferait avaler n'importe quoi, ou n'importe qui, la cannibale ! À tour de rôles, elle éructe, minaude, bégaie, transforme son personnage comme Alec Guiness dans Noblesse oblige. Yoyo, elle retombe en enfance ou s'enfonce du côté d'Alzheimer. Au carrefour européen des impossibles on n'a plus le choix, le tête nous tourne, dépoussiérée. Sa voix mise à nu par ses inspirateurs, même.
Françoise Toullec, femme-orchestre à la tête de son piano préparé, jouant sur les rythmes et les timbres, laisse Dominique Fonfrède libre comme l'air d'improviser mélodiquement car son fil est avant tout dramatique, comme toutes les grandes chanteuses. La pianiste appelle son art "brut" quand elle frappe les touches après avoir inséré dans les cordes gommes et baguettes qu'elle retire au fur et à mesure de Dramaticules, spectacle où la voix déborde la parole et le piano son meuble. Lorsque ça s'arrête il y en a partout. On part avec.