Que l'on m'envoie un disque, un film ou un livre on préférerait toujours ne susciter que des réactions dithyrambiques voire inconditionnelles. Et moi donc ? Comme Diaghilev s'adressant au jeune Cocteau un soir Place de la Concorde je rêve d'être étonné. Et à mon tour de devoir étonner lorsque mes œuvres sont sur la sellette. Pourtant le contenu d'une chronique est moins capital que signifier l'existence de l'œuvre critiquée. Il n'existe rien de pire que l'indifférence. Combien de destinataires font la sourde oreille et ne prennent pas la peine de répondre aux nombreuses sollicitations qui les assaillent quotidiennement ? On les comprend et l'on enrage. Ils sont débordés, les pauvres, assaillis par les propositions que leur poste occasionne.
Dans une chronique les sous-entendus sont parfois plus importants que les superlatifs, encore faut-il savoir les lire ! La critique parle toujours d'abord de celui ou celle qui l'a écrite avant la description de l'objet. Les journalistes qui l'ignorent nous endorment.
Les artistes et autres faiseurs devraient anticiper les réactions de ceux à qui ils s'adressent en connaissance de la production des sollicités... Combien de jeunes artistes ou producteurs envoient leurs disques ou appellent sans s'être préoccupé de savoir qui sont leurs interlocuteurs et ce qu'ils produisent ! Ils perdent à la fois leur temps et leur argent, s'exposant à la déconvenue voire à la dépression. Mieux vaut ne s'adresser qu'à quatre ou cinq personnes dont on aime le travail et le leur exprimer tout en suggérant que ce que l'on fabrique vibre en sympathie avec eux. Apprenons à être aimé par ceux et celles que nous aimons et à aimer celles et ceux qui nous aiment au lieu de nous battre contre des moulins à vent ! Jean Renoir prétendait que l'on ne convainc jamais personne qui ne veut être convaincu...