L'exposition Jeu Vidéo qui se tient jusqu'au 14 août 2014 à la Cité des Sciences et de l'Industrie à Paris n'est ni une rétrospective nostalgique ni une galerie d'arcades, mais une réflexion ludique et muséographique sur ce nouveau médium qui enthousiasme la jeunesse et laisse parfois les parents perplexes. Le concepteur des dispositifs interactifs, Yassine Slami, a choisi de montrer ou créer les grandes figures du jeu vidéo en les habillant d'une couche supplémentaire qui interroge les pratiques en en réfléchissant les tenants et aboutissants. La scénographie qui nous plonge dans un univers rappelant le film Tron est si immersive que les visiteurs en oublient souvent de regarder les vidéos ou de lire les cartels qui mettent en lumière leur engouement. L'extrême diversité des jeux, choisie par Pierre Duconseille à la tête du commissariat général en accord avec le comité scientifique, permet d'évoquer ce qu'est devenu aujourd'hui le gameplay, la variété des interfaces se trouvant projetées en grand sur les 1000 m² de l'expo construite comme un labyrinthe d'installations originales. Que l'on soit novice ou expert on y trouvera de quoi alimenter ses réflexions en s'amusant.


Avec Sacha Gattino nous sommes concernés au premier chef puisque, ayant gagné le concours sur le design sonore, nous en avons composé la charte pour toute l'exposition, excepté les audiovisuels, et sonorisé de nombreux jeux. Nous inscrivant en faux par rapport aux sons électroniques et aux musiques référentielles habillant tant de jeux, nous avions choisi essentiellement des sons acoustiques qui s'en distinguent et renvoient à l'histoire des jeux de société, des jeux d'adresse et, accessoirement, à quelques jeux d'enfants. Leurs timbres physiques confèrent aux gestes des usagers une sensualité que nous ne voulons jamais perdre de vue, affirmant l'humain face aux machines. Malgré nos intentions de départ nous devons aussi nous adapter aux jeux spécifiques qui peuvent réclamer ici des sonorités plus électroniques, là des musiques de genre, ailleurs un univers météorologique... S'il faut préserver la cohérence artistique globable, le plus difficile est l'équilibre de l'ensemble tant le son a la fâcheuse habitude de se répandre partout. Le choix des timbres, avec leurs attaques et leurs spectres, est crucial, et le réglage des volumes sonores un exercice difficile tant leur perception varie selon les affluences, ici phénoménales. D'autant que nous n’intervenons malheureusement pas en amont avec les scénographes et régisseurs techniques pour concevoir les modes de diffusion et les adapter aux contextes spécifiques de chaque module dans leur environnement acoustique supposé, comme me le fait remarquer Sacha...


À côté de la foule de petits bruits ludiques qui habillent l'ensemble des installations et valident les gestes des joueurs, j'aime me souvenir des constellations sonores des Actualités, des parasites de Communautés créatives, des accords "héroïc fantasy" des Déguisements, des effets de flipper moderne d'Enjeu et contre tout, des sons électroniques de Habileté en jeu, de l'ambiance maritime et des claviers aléatoires de Nouveaux mondes, de la mécanique complexe du Jeu de la vie ou des six ambiances différentes de Gagnez la sortie, propulsion d'un joueur rapetissé dans un univers à taille humaine... Car si l'exposition est réussie elle le doit aussi beaucoup aux changements d'échelles qu'offrent les interfaces originales conçues pour l'occasion.