70 mars 2014 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

lundi 31 mars 2014

La vie de chien de Moondog


Si j'avais acheté à sa sortie en 1969 l'album qui l'a révélé au grand public j'ignorais presque tout de la vie de Louis Thomas Harlin dit Moondog dit The Bridge dit le Viking de la 6ème Avenue dit le clochard céleste... Avec Young Dynamite je lui avais rendu hommage en participant à la compilation de 2005 que lui avait consacrée Trace Label, évoquant l'explosion du bâton de dynamite qui l'avait rendu aveugle à 16 ans. L'année dernière Sylvain Rifflet proposait à son tour un spectacle fabuleux autour de sa musique, convoquant entre autres un chœur d'une quarantaine d'enfants. J'avais écouté la discographie de Moondog quasi intégrale, soit une vingtaine d'albums sans compter les interprétations diverses de Janis Joplin au Kronos Quartet en passant par sa collaboration avec Julie Andrews, étudiant les influences de Bach, Stravinsky ou Charlie Parker, mais le personnage lui-même restait un mystère. Commencée dans le métro, j'ai terminé d'une traite son incroyable biographie qu'Amaury Cornut vient de publier aux éditions Le Mot et le Reste. Le site de ce fan dévoué est d'ailleurs une mine pour quiconque s'intéresse au compositeur que beaucoup considèrent à son corps défendant comme le premier minimaliste, ayant influencé Terry Riley, Steve Reich, Philip Glass et tant d'autres. On peut y entendre les instruments à cordes et à percussion qu'il inventa tels les dents du dragon, le Hüs, le Oo, le trimba et le Uni !
La vie de Moondog est une tragédie au cours de laquelle l'homme vivra longtemps dans la rue, coupé de sa famille, des femmes qu'il a aimées et de ses filles, vagabond errant bénéficiant ça et là du soutien d'un admirateur qui le sauvera plus d'une fois de la mélancolie, se raccrochant chaque fois à la musique. Il ne serait pas étonnant qu'apparaisse un de ces jours un biopic mettant en scène la poésie de cette solitude qui contraste tant avec l'excitation irrépressible que produisent ses rythmes en 5/4, 5/2, 7/2, 5/8, 9/8 avec la maraca ou la grosse caisse symphonique au cœur battant. De même on découvrira probablement des pièces inédites dans les temps à venir, mais la musique de Moondog est encore mal connue, seules quelques pièces comme Bird's Lament traversant l'obscurité qui l'entoure. Inventeur d'instruments comme Harry Partch, intégrant du field recording (reportage en extérieur) dès 1956, retrouvant dans l'écriture le précieux swing des jazzmen, s'appuyant sur la musique des Indiens d'Amérique, développant le contrepoint que l'atonalité a dissous dans une nouvelle harmonie, adepte du recyclage en faisant du neuf avec du vieux, s'emparant du re-recording pour enregistrer lui-même des dizaines de pistes, composant des madrigaux ou improvisant, Moondog restera un compositeur inclassable, à la fois simple et complexe, que les générations futures découvriront malgré ou grâce aux modes qui se succèdent et s'épuisent les unes après les autres. La dernière partie du livre d'Amaury Cornut suit la chronologie des disques parus, nous permettant ainsi de relire son histoire à la lumière de la musique, comme si nous comprenions le braille.

vendredi 28 mars 2014

L'auto-défense en libre-service


La pub virale qui tombe dans ma boîte mail fait froid dans le dos. Un site français propose toute une gamme d'armes autorisées sous la dénomination "auto-défense". Du paralyseur à 3 200 000 volts (79 euros port inclus) aux bombes lacrymogènes "pour toute la famille" (39,90 euros le pack de 4) vous voilà parés contre toutes les agressions ! Et si cela ne suffit pas vous pouvez toujours vous rabattre sur les revolvers à gaz comprimé avec de vraies balles de 6mm ou sur des arbalètes avec portée de 100 mètres. Si votre budget ne le permet pas, optez pour des lance-pierres sophistiqués dits de compétition. On peut se demander en quoi la cagoule d'intervention 3 trous à 6,90 euros fait partie des vêtements de sécurité et à quoi servent les pelles pliables ou démontables ? Mais c'est surtout les tasers qui me sidèrent. Vous me direz, nous ne vivons pas aux États-Unis où le port d'arme est autorisé voire encouragé, on connaît les dégâts que cela engendre, mais tout de même la législation française laisse passer de drôles d'objets.



En 1983 le Drame avait composé une pièce à partir de témoignages radiophoniques pour nous moquer des fachos qui jouent sur la peur de l'autre, cet autre qui n'est qu'un autre soi-même, l'horreur absolue ! Bernard Vitet était au violon (sous surveillance), Francis Gorgé maniait la guitare électrique et un instrument électronique peu recommandable, en plus de taper ma déposition sur un Bösendorfer je diffusais le son des paranos. Légitime défense faisait partie d'une émission de création de plus de 3 heures commandée par France Musique.
Rien n'a changé. Il y a toujours autant de malades. La brutalité des hommes a toujours été pour moi une énigme. La France joue les redresseurs de tords, mais reste le troisième exportateur d'armes dans le monde, certes loin derrière la Russie et les États-Unis, mais pour 9%. Qui sont les véritables criminels ? Les assassins ou ceux qui les y incitent ? Le capitalisme est d'une rare hypocrisie. Le goût du profit pousse aux pires exactions. La paranoïa s'empare des hommes pour justifier leurs crimes. Il est minuit, bonnes gens, dormez en paix !

jeudi 27 mars 2014

Quand le monde rêvait son avenir


Comment le monde a-t-il pu se dissoudre à ce point ? Comment les peuples ont-ils pu oublier que l'avenir serait révolutionnaire ou ne serait pas ? Qui avait intérêt à les monter les uns contre les autres ? Comme partout 1969 fut une année pleine de promesses. L'Afrique aussi était au diapason de la révolution qui secouait la planète. Le Festival Panafricain d'Alger rassembla tous les pays du continent, du Maghreb à l'Afrique du Sud, du Tchad au Sénégal, du Mali à l'Angola. Musique, théâtre, conférences, spectacles, défilés, affirment que la culture est l'élément primordial de la révolution. Chaque nation envoie à Alger ses artistes et ses intellectuels. Les couleurs explosent sur l'écran. Les costumes ancestraux apparaissent futuristes, les traditions africaines inspireront les nouvelles musiques occidentales tandis que les discours politiques mettent en garde la population contre le colonialisme et le néocolonialisme. Des dizaines de milliers de personnes descendent dans les rues d'Alger pour fêter la future Afrique, une et solidaire. Les mouvements sud-africains et rhodésiens (futur Zimbabwe) dénoncent l'apartheid. Participent à cette première édition du festival Miriam Makeba, Choukri Mesli, Barry White, Manu Dibango, Nina Simone, Ousmane Sembène, Aminata Fall André Salifou... Parmi les jazzmen Chicago Beau, Lester Bowie, Julio Finn, Malachi Flavors, Burton Greene, Philly Joe Jones, Jeanne Lee, Hank Mobley, Grachan Moncur III, Randy Weston… Mais je ne me souvenais que d'Archie Shepp grâce au disque paru chez Byg, concert de free jazz héroïque du 29 juillet 1969 avec pléthore de musiciens algériens ainsi que Dave Burrell, Clifford Thortorn, Alan Silva, Sunny Murray et le poète Ted Joans scandant "We are still back, and we have come back. Nous sommes revenus ! Jazz is a Black Power. Jazz is an African Power. Jazz is an African music !" Il faudra attendre quarante ans pour que le Festival renaisse en 2009, mais William Klein n'est pas là cette fois pour l'immortaliser. Si l'apartheid a été vaincu, l'Angola et le Mozambique libérés du joug portugais, les révolutions ont tourné court. La colonisation à l'ancienne a laissé la place au capitalisme international soutenu par des gouvernements corrompus. Les tentatives de libération ont chaque fois été assassinées comme Thomas Sankara au Burkina Faso.


William Klein est un immense réalisateur, mésestimé, probablement trop inventif. Fiction ou documentaire, chacun de ses films fait preuve d'une indépendance qui continue à coûter cher aux artistes que les marchands ne savent pas ranger dans leurs petites boîtes étriquées. Qui êtes-vous, Polly Maggoo ? (1966), Muhammad Ali, the Greatest (1969), Mister Freedom (1969), Le Couple témoin (1977), Grands soirs & petits matins (1978), The French (1982), la série Contacts (1983) dont il a l'initiative, sont autant d'œuvres à redécouvrir comme ses photographies exemplaires. Chacun de ses mouvements sont des coups de poing assénés à la banalité, des cris de révolte contre la stupidité des hommes, des chants d'espoir aussi où le style effilé et revendicatif tranche avec la mollesse de ceux qui pensent que le moindre sujet polémique est compliqué. Ses images sont cadrées, leur assemblage monté, on appelle cela du cinéma. Les documents d'archives replacent l'actualité dans le sens de l'Histoire. Et William Klein tourne ce Festival Panafricain d'Alger 1969 comme un grand film politique, on l'appellera un "opéra du tiers-monde". Il est plus proche de Jean-Luc Godard que maint cinéaste de la Nouvelle Vague qui renièrent vite leur révolte adolescente. Les cartons rouge et noir interrogent plein cadre : Qu'est-ce que l'Afrique ? Qu'est-ce que le Festival ? Qu'est-ce que la culture ? Le film se clôt avec La culture africaine sera révolutionnaire ou ne sera pas. Cette affirmation n'est-elle pas la clé de toute civilisation ? L'oublier, c'est verser dans la barbarie. Nous n'en sommes pas loin.

Arte a édité le film en DVD, disponible également en VOD, en même temps qu'un autre film de William Klein avec Eldridge Cleaver, Black Panther exilé à Alger.

mercredi 26 mars 2014

Élections ubuesques à Bagnolet


Lorsqu'on dit que chaque voix compte dans une élection ce n'est pas une image. Dimanche dernier Laurent Jamet et la liste Bagnolet Avenir 2014 qui réunit le PCF, la Parti de gauche, la Gauche Unitaire et un Collectif de citoyens sont arrivés en tête (21,26%) avec une voix d'avance sur le PS de Tony di Martino (21,25%). La règle de se désister à gauche pour le mieux placé n'a "évidemment" pas été respectée, non à cause du mince écart, mais parce que le Parti Socialiste tente de mettre la main sur l'intégralité de la Seine-Saint-Denis sous la houlette de Claude Bartolone, actuel président de l'Assemblée Nationale. Bagnolet est un des derniers bastions communistes de l'ancienne banlieue rouge. La droite y a fait un de ses plus mauvais scores (10,23%) ! Pourtant, ou de ce fait, la gauche est totalement divisée, d'abord sous la responsabilité du maire sortant et sorti, le redoutable Marc Everbecq qui décida de se maintenir au 1er tour malgré que le Parti Communiste lui ait retiré son soutien après la gestion désastreuse tant humaine qu'économique de la ville. Une partie de ses anciens colistiers, membres du PCF et du PG, a eu le courage de lui résister en se lançant contre lui pour ces élections municipales. Le but premier des communistes est atteint, Bagnolet en est débarrassé. Comment ensuite ne pas perdre la ville lors du second tour face à un PS très offensif et soutenu en haut lieu ?
Laurent Jamet s'est d'emblée déclaré ouvert au rassemblement de toutes les forces de gauche, hors Everbecq et di Martino évidemment : pas question de s'associer au parti gouvernemental qui défend la politique d'austérité ! Les Bagnoletais ont tout à craindre de cette calamité. En dehors de deux petites listes (3% à elles deux) qui ne veulent pas se prononcer, soit Lutte Ouvrière et le Parti Ouvrier Indépendant, restait en lice Mireille Ferri pour les Verts (18,02%) et Mohamed Hakem pour une liste dite Dynamique Citoyenne (10,41%). Or ces deux listes regroupant des membres extrêmement hétérogènes ont refusé de rejoindre Laurent Jamet sous prétexte qu'il fut le premier adjoint d'Everbecq et bien qu'il s'en soit clairement affranchi et expliqué dans son programme constitué avec des centaines de citoyens. Ferri se maintient donc alors qu'elle a fait le plein de ses voix au 1er tour comme elle l'avait annoncé.
Mais la surprise vient de Mohamed Hakem qui, après avoir joué les révolutionnaires, a décidé de rejoindre le socialiste di Martino au second tour ! C'est à n'y rien comprendre, hormis des tractations secrètes dont nous ignorons tout. Résultat : sa base en est fondamentalement ulcérée. Si Hakem se réclamait jusqu'ici du Front de Gauche puisqu'il était soutenu par la Fase de Clémentine Autain, celle-ci a annoncé d'emblée qu'elle marcherait dans les rues de Bagnolet pour afficher son soutien sans faille à Laurent Jamet ! Hakem, rédacteur émérite du programme de Dynamique Citoyenne, serait-il incapable de contrôler ses troupes parmi lesquelles des personnes plus colériques que constructives ou assistons-nous au marché de l'embauche ? Où la politique et la rigueur morale vont-elles se nicher dans ces volte-faces incompréhensibles ? Comme pour la liste de Mireille Ferri également appelée Citoyenne et où l'on trouve très peu de militants d'Europe Écologie Les Verts, ces deux listes ont la plus grande difficulté à dégager une ligne politique claire et unie. Et voilà donc 4 listes au second tour ! Les électeurs d'Hakem suivront-ils sa trahison au Front de Gauche ? Les abstentionnistes se réveilleront-ils pour faire obstacle au PS ? Les électeurs d'Everbecq (15,87%), communistes fidèles au maire sortant/sorti, devraient logiquement rallier le PCF et le PG, seule liste de rassemblement, faisant fi de la lutte fratricide qui a pénalisé la ville.
Que se passera-t-il dimanche ? Tous les scénarios sont possibles. Le premier tour fut déjà bien croquignolesque. On y reviendra. Quels électeurs de gauche prendront la responsabilité de faire passer le parti de l'austérité sous prétexte de laisser certains candidats confondre politique et ambition personnelle ? À Bagnolet la saison 2 s'annonce palpitante.

mardi 25 mars 2014

Mapplethorpe au Grand Palais


"Nous étions comme deux enfants jouant ensemble, comme le frère et la sœur des Enfants terribles de Cocteau", écrit la poète et chanteuse Patti Smith pour évoquer son ami, le photographe Robert Mapplethorpe. Comment ne pas penser à Jean Cocteau en visitant l'exposition du Grand Palais consacrée à Mapplethorpe ? Sa fascination pour la perfection des corps rappelle celle de Cocteau lui-même pour les sculptures monumentales d'Arno Breker. Et puis il y a des marins, des bites, des fleurs et du latex. Toute l'iconographie gay chère à Kenneth Anger et Fassbinder se retrouve religieusement encadrée. En prenant la photo de son auto-portrait au cran d'arrêt (1983) j'aperçois le reflet d'un gardien, un beau noir comme il les aimait. Plus loin l'éclair de la lame semble s'approcher de Marianne Faithfull (1974) et sur sa poitrine à son tour deux lèvres se réfléchissent.


Si l'exposition présente plus de 250 œuvres de l'artiste new-yorkais mort à 43 ans du Sida en 1989, elle est relativement soft en comparaison des photographies couleurs que j'avais découvertes il y a une vingtaine d'années dans le magazine Nova. Même les textes français des cimaises adoucissent les termes, traduisant cocks par sexes au lieu de bites. Il y en a tout de même quelques unes, mais rien de très choquant. Cela ne profitera ni aux fans de Mapplethorpe, ni aux familles, encore moins aux pudibonds détracteurs d'à poil. L'expo a été expurgée de son Enfer, le S.M. négligé au profit du kitsch chrétien. La plasticité des corps noir et blanc occulte la fascination traumatisante qu'ils pourraient évoquer dans d'autres circonstances.


Les autels de fleurs qui s'étalent en bouquets d'artifices représentent pourtant le sexe des plantes. Tout est donc plus suggéré qu'explicite, malgré les évidences. Les portraits de ses amis sont préservés de ce flou artistique que Mapplethorpe ne pratiquait guère, préférant les contrastes francs sur fond uni : Patti Smith bien sûr, mais aussi Lisa Lyon, Milton Moore, Susan Sarandon, David Hockney, Philip Glass et Bob Wilson, Arnold Schwarzenegger, Iggy Pop, William Burroughs, Cindy Sherman, Richard Gere, Truman Capote, Susan Sontag, Keith Haring, Leo Castelli, Grace Jones, Yoko Ono, Isabella Rosselini, Louise Bourgeois, Roy Lichtenstein, Andy Warhol, etc. L'ensemble de ses sculptures sur papier photographique dresse un portrait du New York branché des années 70-80.

lundi 24 mars 2014

Les chats préfèrent les terrains vierges


Un billet félin avant de reprendre les hostilités ;-)
Comme tout le monde j'ai remarqué que les chats étaient attirés par celles et ceux qui ne les aiment pas, ou qui prétendent du moins ne pas les aimer. Automatiquement les minets vont s'y frotter. L'explication me semble simple. Nos bestioles préfèrent les terrains vierges, car elles peuvent y déposer leurs odeurs sans être perturbées par celles de leurs congénères. Bien que nous fassions semblant de croire qu'il s'agit de câlins, les glandes sudoripares apocrines situées sur le menton, les tempes et la racine de la queue lui permettent de marquer son territoire. Toute incursion le pousse à l'étendre pour ne pas être gêné par des odeurs qui ne sont les siennes. Ce n'est donc nulle infidélité, ni bêtise, mais une manière discrète de s'imposer. Ces mammifères ayant su domestiquer l'homme à son insu, ils profitent, en plus des massages, du gîte et du couvert, où, quand et comme ils veulent. La moindre contrariété peut leur faire avoir un comportement odieux qui n'est que le reflet de leurs angoisses. On peut ne pas apprécier, mais qui sommes-nous pour leur donner des leçons de maintien ? Vivre dans le même habitacle que ces félins nous permet un recul critique de nos us et coutumes que l'analyse comparative procure avec une certaine tendresse.

samedi 22 mars 2014

Un Livre Un Jour


Un Livre 2.0 est un magazine hebdomadaire en ligne qui traite des livres numériques tandis que son grand frère sur France 3 et TV5 est quotidien. Si Un Livre Un Jour existe depuis 22 ans, sa version 2.0 a été lancé en septembre dernier. Après Alain Veinstein, Bernard Pivot, Alain Ménard, Christophe Grossi, Michel Wierviorka... J'ai l'honneur de représenter Les inéditeurs à l'occasion de la publication de mon second roman, USA 1968 deux enfants, intégrant le récit proprement dit, 12 courts métrages, 70 photographies, 75 minutes de son et de musique originale, un light-show dynamique et différentes entrées interactives.

vendredi 21 mars 2014

Remarques faites (ou subies) la tête en bas


Si le Festival Sidération organisé par le Centre National d'Études Spatiales commence aujourd'hui, dimanche sera pour moi une longue et passionnante journée. J'irai voter avant de rejoindre l'écrivain Pierre Senges qui racontera son vol parabolique à bord de l'Airbus Zéro-G lors de la troisième et dernière journée du festival. Nous y interpréterons ensemble Remarques faites (ou subies) la tête en bas. Clavier, Tenori-on, trompette à anche, flûte basse, bendir à billes seront mes instruments. En avant-goût voici quelques notes que l'écrivain rédigea après sa résidence en impesanteur :

« 1. L'impesanteur s'exerce de partout à la fois (pas seulement verticalement des pieds à la tête).
2. Le primo volant se concentre au moment de sa première fois au risque d'échapper à ses propres sensations.

3. En vol, il se demande s'il vaut mieux accorder la préséance aux sensations ou à la réflexion – cette question fait partie de la deuxième catégorie.
4. L'impesanteur ne ressemble pas à ce que l'on peut en dire : ça n'empêche personne de vouloir témoigner après coup de son expérience à ceux qui sont restés à terre.
5. L'impesanteur est une anomalie, mais comme elle advient, elle est envisageable, donc plausible : à l'émerveillement s'ajoute un étrange sentiment de normalité.
6. Il est surprenant de flotter – plus surprenant encore, trois secondes avant l'injection, de se savoir sur le point de flotter.
7. Devient-on dépendant à l'impesanteur ? Oui si on en juge par les débutants, non si on en juge par les vétérans.
8. Le livre intitulé Essais fragiles d'aplomb, qui a subi lui aussi la mise en scène de l'impesanteur au cours des trente et une paraboles, est un éloge de la chute des corps : à ce titre, il accueille avec enthousiasme la définition donnée au cours d'une conférence préparatoire : être en apesanteur = être en chute libre.
9. Si être en apesanteur c'est être en chute libre, est-ce que se mouvoir c'est être immobile ?
10. Il ne restait plus qu'une combinaison xl, trop grande pour moi : l'avantage est d'avoir déjà le sentiment de flotter dans mes vêtements. »

J'espère que Pierre Senges de retour de Montréal atterrira à l'heure, car nous jouons à 16h30, juste après Grand magasin, le Festival (CNES, 2 place Saint-Quentin 75001 Paris / Métro-RER : Châtelet-Les Halles, sortie Place Carrée - Porte Pont Neuf) se terminant à 18h. J'aurai juste le temps de rentrer pour savoir si la liste de Bagnolet Avenir 2014 a bien remporté le premier tour. Nous avons œuvré pour nous débarrasser du maire actuel qui est une catastrophe pour notre ville et nous souhaitons empêcher le Parti Socialiste de mettre la main sur une des dernières villes communistes de l'ancienne banlieue rouge ! Le soir-même Françoise s'envole pour le Chili où elle présentera son dernier film, Baiser d'encre, au Festival de Santiago avec ses deux héros, Ella et Pitr, miraculeusement en résidence là-bas pour trois mois.

jeudi 20 mars 2014

El Paso Tango


J'ignore ce que c'est. La plante en séchant se sera ouverte. J'ai réussi à ne pas la casser depuis que je l'ai ramassée sur la piste d'El Paso dans le désert texan en 1968. Les déménagements sont en général fatals à ce genre de souvenir. Il m'en reste trois, mais celle-ci est la mieux conservée. Je les ai trimballées dans ma valise pendant des semaines, de San Francisco à la Nouvelle-Orléans, de San Antonio à Hartford, Connecticut. Je ne crois pas en avoir parlé dans mon roman USA 1968 deux enfants. Comment les avais-je protégées ? Je ne sais plus. Sa figure de danseur de tango m'a toujours fasciné. J'ai soufflé sur la poussière avant de prendre la photo. Depuis combien de temps était-elle posée sur le sable quand je l'ai trouvée il y a quarante-cinq ans ? Le vent l'avait-il traînée jusque là ? À quoi ressemblait-elle lorsqu'elle était vivante ? J'aimerais connaître son nom.

P.S.: Extraordinaire découverte de mon ami anglais Gary May, journaliste à ImproJazz, mais qui fut jardinier de la Reine pendant de nombreuses années. Cela ne s'invente pas ! Un personnage directement sorti d'Alice au Pays des Merveilles.


Et Gary met le doigt sur un article évoquant mes griffes du Diable ! Les Devil's claws (Proboscidea louisianica ssp. louisianica) y sont présentées comme un des plus étonnants spécimen de la végétation nord-américaine, utilisé par les Indiens pour faire de la vannerie et aux propriétés médicinales antalgiques. Mais le plus hallucinant est leur rôle d'auto-stoppeur, ou plus exactement d'homo-stopper, la gousse de la plante s'accrochant aux rares aventuriers du désert pour aller semer ses graines. Si j'avais su cela plutôt je l'aurais évidemment inséré dans mon dernier roman, cette cousine du sésame ouverte au voyage devenant le symbole de notre incroyable périple (deux enfants livrés à eux-mêmes font le tour des États-Unis pendant trois mois à l'été 1968).

Autre article en français indiqué également par Gary May.

mercredi 19 mars 2014

Porte à porte


La campagne du premier tour des élections municipales s'achève pleine d'espoir pour le candidat que nous avons choisi de soutenir. Jamais encarté, inorganisé pour ne pas dire indiscipliné, je n'avais jamais milité dans un cadre aussi républicain. Devant les déviances de la gauche et de ce qui s'en réclame j'aurais même eu plutôt tendance à glisser dans l'urne un bulletin blanc tant je suis écœuré d'avoir toujours dû voter "contre". L'alternance est une chimère qui laisse aux prétendus socialistes le soin de faire avaler à la population ce que la droite n'a pas su imposer. Même si j'ai participé à quantité de manifestations populaires ou élitaires, mes activités politiques ont toujours été plus intellectuelles que pratiques. Mon travail artistique et ses conséquences actives ont par contre milité sans faille pour les idées généreuses développées au cours de mon enfance et mon adolescence. Libre-penseur je n'ai jamais dû renier la base de mon inspiration, mélange de révolte contre les injustices sociales et la brutalité humaine et de rêves utopiques auxquels on m'opposait une imbécile incrédulité. Fondamentalement expérimental, je suis persuadé qu'en tout domaine rien n'est impossible, le pire comme le meilleur. Il suffit de s'y coller sans relâche pour éviter l'un et partager l'autre. Mais rien ne se fait seul. Les associations sont indispensables.


Prenant la parole au cours de meetings organisés par la liste Bagnolet Avenir 2014 qui regroupe le PCF, le Parti de Gauche, la Gauche Unitaire et un Collectif de Citoyens non encartés mais résolus à chasser le maire actuel pour redonner un visage humain à notre ville, j'expliquai que ma participation à toutes les dernières élections se cantonnaient à glisser un bulletin dans l'urne. Quelques minutes à lire les papiers officiels, quelques secondes dans l'isoloir. Voter était synonyme de démission si j'en restais là. Le pouvoir de la population étant de plus en plus limité à l'image de celui de nos gouvernants, muselés par des lois contre lesquelles nous avons voté massivement et qui ont été promulguées malgré cela (la Constitution Européenne est une honte absolue), les présidentielles et les législatives sont une mascarade que seul un travail de proximité peut espérer renverser. Les municipales sont un excellent exemple de ce travail de proximité. C'est en changeant les rapports à nos voisins, en exprimant notre solidarité avec tous et toutes, que nous pourrons inverser le cours des choses. Dans cette perspective j'ai suggéré à Laurent Jamet, tête de notre liste, une coopérative de compétences. Que jeunes et anciens échangent leurs connaissances, que les communautés se rencontrent et œuvrent ensemble, etc. En tractant, collant, faisant du porte à porte, rencontrant des dizaines d'habitants de mon quartier et d'autres plus éloignés, j'ai fait la connaissance d'un nombre étonnant de gens charmants (pas que !), je me suis fait de nouveaux amis, j'ai appris un nombre de choses époustouflantes sur la vie d'une municipalité, sur la pratique de la politique en général, sur la corruption et le clientélisme, sur les actions primordiales, sur le gâchis, sur l'absurdité de l'administration française, sur la générosité de certains militants aussi.
Je reviendrai probablement sur tout cela après le 30 mars, préférant ne pas divulguer mon journal de campagne au jour le jour pour profiter du recul critique. Mon engagement citoyen est motivé par une vigilance nécessaire avant, pendant, mais surtout après les élections ! Pour autant, pendant ces nombreuses semaines, figurant moi-même avec Françoise sur la liste, je suis heureux d'avoir soutenu Laurent Jamet, candidat sincère dont le programme m'a semblé le plus juste et le plus ouvert.

mardi 18 mars 2014

J'ai vu le squelette de mon crâne


Pourquoi la mort s'invite-t-elle dans mes rêves ces dernières nuits ? Depuis mon adolescence mon besoin de dormir est limité. Quatre ou cinq heures me suffisent généralement pour déployer ensuite une suractivité sans fatigue. Je m'endors comme un bébé et je me réveille excité par le jour qui s'annonce. Entre temps j'avais l'habitude de me reposer, or depuis quelque jours j'ai l'impression que mes nuits sont perturbées. Je me demande si je n'ai pas toujours assimilé inconsciemment le sommeil à la mort. Si le soir je ne crains pas de sombrer dans les bras de Morphée aurais-je peur de ne pas me réveiller le lendemain matin ? C'est idiot, car ce serait la manière la plus douce de m'en aller. L'idée ne me plaît pourtant pas tant que cela, ma curiosité me poussant à souhaiter ardemment la vieillesse. J'en prendrais bien encore pour quarante ans, avec tous les inconvénients qui accompagneraient ce voyage. On verra bien en route s'il est préférable d'abréger mes souffrances ou ma lassitude, mais j'en suis encore loin. On me dit que les petits dormeurs vivent souvent vieux. Ce serait double bénef ! Il n'empêche que je ne pense pas assez craindre la mort pour qu'elle m'empêche de dormir. Je n'irais pas non plus jusqu'à affirmer que je l'attends de pied ferme. Un temps pour tout. Mais pourquoi donc mes rêves la convoquent elle, sous des formes plutôt lointaines, touchant des êtres qui ne me sont pas particulièrement proches ? L'apprivoiser ? J'y travaille. Encore une raison de ne pas m'assoupir...
Il y a quelques jours j'ai subi une opération dentaire particulièrement intéressante. Deux heures sur le fauteuil pour des implants dont un réclame de relever mon sinus. Le praticien m'a prévenu de l'effet impressionnant lorsqu'il taperait avec une sorte de marteau sur mon maxillaire supérieur. Je suis servi. Chaque coup remonte dans mon arcade sourcilière pour se propager ensuite dans tout mon crâne. La résonance me permet de percevoir son squelette intégral comme dans une vanité. Ma connaissance des instruments de percussion offre à mon esprit le soin de vagabonder sur le sujet plutôt que de me polariser sur l'aspect médiéval de l'opération. Je dois préciser que j'ai toute confiance en mon jeune dentiste qui a déployé plus de précautions o(pé)ratoires que je n'en reçus jamais dans ce domaine : explications scientifiques précises, scanner hyper-net, champ opératoire désinfecté au-delà de ce qui peut sembler nécessaire, blouse et chaussures en papier, préparation médicamenteuse, recommandations de ses collègues, etc. Il n'empêche que les vertiges potentiels annoncés, l'impossibilité de mâcher des deux côtés pendant plusieurs semaines, et surtout la méconnaissance des troubles ostéopathiques que les coups de marteau n'auront pas manquer de générer sollicitent ma vigilance. D'où le rendez-vous indispensable avec un ostéopathe crânien qui vérifie que mes os sont bien en place après avoir joué des castagnettes.
Vanitas vanitatis, me voilà à chercher une photographie de crâne qui ressemble au mien tel que je l'ai perçu pendant le solo de percussion préhistorique de mon dentiste. Aucune ne faisant l'affaire, je me tourne vers les vanités que tant de peintres immortalisèrent (ici un Edward Collier de 1663). Devant leur accumulation je suis surpris d'y voir autant d'instruments de musique. Parmi les biens terrestres ils feraient partie des plaisirs avec pipes, vin, patates, fromage, jambon, et jeux quand d'autres objets évoquent le caractère transitoire de la vie humaine ou les symboles de la résurrection et de la vie éternelle. Mon crâne appartient évidemment à la seconde catégorie et je ne suis guère convaincu par les images de la troisième. Sonnez hautbois, résonnez musettes ! Il serait temps que ce qui se cache sous mon crâne me laisse roupiller pour continuer à jouir des plaisirs de la chair et de la musique aussitôt le réveil sonné. Ce n'est qu'une image, je n'ai jamais digéré celui que j'ai avalé, cause gastrique, cette fois plus probable, de mes agitations insomniaques...

lundi 17 mars 2014

Utopia, la série qui tue


Couleurs éclatantes, musique électro pimpante, scénario extravagant, la série britannique Utopia devrait faire le buzz parmi les amateurs. Un complot eugéniste est caché dans un roman graphique recherchée par une puissante organisation prête à tout pour s'en emparer. Une petite bande d'internautes fans de BD tente de comprendre pourquoi Le Réseau les poursuit. Un tueur sans limites répète sans cesse la question "Où est Jessica Hyde ?". La violence de certaines scènes semble avoir été censurée pour la diffusion sur Canal+. La première scène n'est pourtant pas piquée des hannetons. On vogue dans le politiquement incorrect. Le monde est cruel et les enfants en font les frais. Et si toutes les théories conspirationnistes camouflaient quelque chose d'encore plus gros ? Utopia se range évidemment dans la grande tradition des fictions dystopiques avec Nous autres, Metropolis, Le Meilleur des mondes, 1984, Fahrenheit 451, Atlas Shrugged (La grève), La Planète des singes, Alphaville, Bienvenue à Gattaca ou Children of Men (Les fils de l'homme)... La science-fiction ne porte jamais aussi bien son nom que dans les œuvres d'anticipation !


Le scénariste Dennis Kelly jongle avec d'incessants rebondissements où les personnages jouent souvent double ou triple jeu comme dans les meilleurs romans d'espionnage. Le chef opérateur Ole Bratt Birkeland a soigné la lumière et le cadre pour chaque plan des six épisodes. Le compositeur Cristobal Tapia de Veer a imaginé une partition qui échappe aux conventions du genre en optant pour un contrepied humoristique qui nous autorise à prendre du recul face à l'action. J'en viendrais presque à commander le CD de la BO, sorte d'exotica moderne, ce qui n'est vraiment pas mon habitude. Le site de Channel 4 (à tester seulement après avoir vu la série) propose des tests (en anglais) pour évaluer notre potentiel à nous échapper si la société de contrôle qui nous surveille réellement venait à mettre en pratique ce que tous les lanceurs d'alerte n'arrêtent pas de dénoncer. Une question de minutes seulement... Entre mon blog et les réseaux sociaux que je fréquente je ne donne pas chère de ma peau ! Que nous réserve la saison 2 ? Et déjà, comme pour House of Cards dont la version initiale britannique était brillante, la chaîne américaine HBO a commandé un remake d'Utopia à David Fincher !

vendredi 14 mars 2014

Un drame musical instantané, le retour


Ça y est, c'est officiel. Un drame musical instantané se reformera d'ici la fin de l'année ! Il manquera évidemment Bernard Vitet disparu le 3 juillet dernier, mais Francis Gorgé et Hélène Sage me rejoindront pour un concert exceptionnel au Studio Berthelot lors de la Semaine du Bizarre. Référence historique, la salle montreuilloise accueillit plusieurs créations du grand orchestre du Drame et en petite formation dans les années 80. Notre trio en profitera pour inviter quelques camarades pour qui le Drame a "conté" dans leur vie. Il y aura des chansons et des compositions instantanées, des instruments étranges et comme toujours une mise en ondes théâtrale dansant d'un pied sur l'autre, entre réel et imaginaire, mélange d'acoustique et d'électronique, un espace de création où sont conviés tous les possibles. De quoi en voir de toutes les couleurs !

jeudi 13 mars 2014

Sur le front des séries TV


La série télévisée n'est devenue rien d'autre qu'un très long métrage, la mini-série se cantonnant à des durées un peu moins pharaoniques, découpé en épisodes comme il était coutume de publier les romans dans la presse du XIXème siècle et du début du XXème. Encore aujourd'hui rares sont les lecteurs à s'avaler un bouquin d'une traite ! Le découpage en chapitres structure la lecture comme les épisodes télévisés, qu'on les découvre un par un au gré de leur diffusion ou plusieurs coup sur coup si, impatient, l'on préfère concentrer son plaisir.
En attendant l'ultime saison de Mad Men qui débutera le 13 avril aux USA, la série dont on parle le plus actuellement est sans nul doute True Detective, produite par HBO et diffusée en France sur OCS City. Enquête policière torturée et poisseuse dans de magnifiques paysages de Louisiane dévastée par l’ouragan Katrina, la première saison met en scène deux flics, écœurés par la bêtise de leur administration face au meurtre d'une jeune femme qui semble avoir été victime d'un culte satanique. L'action se situe en 1995 et 2012, tissant une trame complexe entre les deux époques, avec les deux protagonistes transformés par les coups durs de la vie. L'interprétation ténébreuse de Matthew McConaughey (héros du très beau film Dallas Buyers Club) est exceptionnelle et Woody Harrelson joue merveilleusement le faire-valoir buté. Si Nic Pizzolatto est en train d'écrire la prochaine saison, le casting sera chaque fois différent, et Cary Joji Fukunaga (Sin Nombre) n'en sera pas le seul réalisateur contrairement à la première constituée de huit épisodes.


La lenteur exigée par le naturalisme glauque du sud des États-Unis ne sied pas à tous les sujets. Agnieszka Holland (auteure d'une douzaine de longs métrages), qui avait réalisé plusieurs épisodes de The Wire, Treme et The Killing, se perd dans des détails domestiques peu signifiants lors de son évocation de la mort de l'étudiant tchèque Jan Palach qui s'était immolé par le feu en 1969 pour protester contre la présence des troupes soviétiques après le Printemps de Prague. Le réalisme devient alors un piège, diluant l'action et l'analyse dans un pathos qui fait probablement vibrer le peuple tchèque, mais nous endort au long des trois fois 80 minutes de Sacrifice, mini-série éditée en DVD par les Éditions Montparnasse. L'intrigue aurait pu ouvrir sur d'autres perspectives, fouiller plus sérieusement les motivations politiques des uns et des autres, car on ne peut pas appliquer les mêmes recettes à un polar, une enquête sociale ou un évènement historique (surtout lorsqu'on connaît l'Histoire).


La série britannique Hit and Miss créée par Paul Abbott met en scène une tueuse à gages transgenre interprétée par Chloë Sevigny devant jouer les mères de famille adoptive contre son gré. La fille en a, comme on dit vulgairement, rebelle provocant(e) à la double vie. Comme dans les deux autres séries citées plus haut, les paysages sont travaillés et la réalisation extrêmement soignée. Pourtant il n'y aura pas de suite. La loi de l'audimat est cruelle. Chaque série se doit de distiller une ambiance originale, sortir du cadre claustrophobique qu'imposait le petit écran (la taille des écrans plats et des vidéoprojections a changé la donne), et les meilleures n'ont rien à envier au cinéma hollywoodien. Quelques unes arrivent à imposer un style explosant le genre, mais rares sont les producteurs assez ambitieux pour marcher sur les pas du déjanté Twin Peaks. Pas de dynamitage des conventions cinématographiques traditionnelles, même chez Jane Campion, Todd Haynes, James Cameron, Alan Ball lorsqu'ils tournent Top of The Lake, Mildred Pierce, Dark Angel ou Six Feet Under... Au vu de la qualité des scénarios, de la réalisation, de l'interprétation, et des budgets qui leur sont alloués, on peut imaginer que certains cinéastes indépendants finiront par s'emparer du médium et inventer quelque chose qui n'a jamais existé, que ce soit dans l'économie de moyens ou dans une excellence qui gagnerait tous les ingrédients du film. À ce propos le travail de la bande-son reste entièrement à réfléchir, car même les meilleures séries sont aussi embourbées que les films dans une illustration musicale illustrative des plus conventionnelles, banalisant leurs efforts à se distinguer.

Des petites marguerites sur la tombe de Věra Chytilová


La mort hante mes rêves depuis deux nuits. Comme Muriel d'Alain Resnais, Les petites marguerites font partie de mes 10 films préférés. Deux des plus belles partitions sonores de l'Histoire du Cinéma. La cinéaste tchèque Věra Chytilová vient de mourir à 85 ans. Triste réveil.

mercredi 12 mars 2014

Birgé-Risser-Mienniel tirent les cartes


La presse spécialisée n'en parlera pas, car les journalistes des magazines papier de jazz et assimilés boycottent les albums qui sortent seulement sur Internet. À la traîne, ils y viendront pourtant forcément (s'ils ne disparaissent pas avant, faute de lecteurs plus au top de ce qui se fait aujourd'hui) alors qu'ils devraient être à l'affût du moindre mouvement de ce qui se trame artistiquement, économiquement, politiquement.
L'an passé GRRR avait produit 11 albums, tous gratuits en écoute et téléchargement sur le site drame.org. Game Bling est le premier à être mis en ligne en 2014 et le 77ème du label GRRR depuis 1975, en comptant vinyles et CD.
Pour fêter le printemps qui s'annonce, la pianiste Ève Risser et le flûtiste Joce Mienniel me rejoignent dans le studio où nous enregistrons 15 improvisations dans la plus grande liberté. La seule contrainte nous est offerte par le jeu de cartes Oblique Strategies conçu par Brian Eno et Peter Schmidt. À tour de rôle nous tirons une carte. L'énoncé de cette partition conceptuelle fournit les titres, excepté le rappel tendancieux marqué par les paroles d'Ève !
Comme je ne possède qu'un piano droit elle doit préparer mon grand U3 d'une manière forcément différente de ceux à queue. Elle en profite pour m'emprunter un petit Casio vintage, un piano-jouet et un mélodica. De son côté Joce a apporté, en plus de sa flûte et de sa flûte basse, un synthétiseur Korg MS-20 tout aussi vintage. Quant à moi, je joue essentiellement de mes trois claviers avec apparitions de la trompette à anche et du Tenori-on. J'interprète la pièce Courage! en me servant pour la première fois d'une flûte basse construite par Nicolas Bras, sorte de nœud spectaculaire en PVC.
Lorsqu'on travaille ainsi on sait si l'on a passé une bonne journée, mais l'on ignore la qualité de la musique. Évoquer la qualité ne consiste pas en une évaluation, mais nous ignorons précisément à quoi l'ensemble des pièces ressemblera. Seule l'écoute critique a posteriori livre ses secrets. Ma première surprise est le son homogène du trio, en particulier le U3 capté avec un couple de Neumann. C'est encore une première, car j'enregistre rarement avec des pianistes. Joce utilise deux micros, un en direct, l'autre transformé par une série de pédales d'effets. Son MS-20 délivre enfin un signal mono tandis que j'envahis comme d'habitude tout l'espace stéréophonique. Les deux jours qui suivent la séance je mixe le tout avec très peu de corrections. Tout ce qu'on peut dire, c'est que nous nous entendons comme larrons en foire, même si nous sommes sérieux comme des papes sur la photo prise par Françoise. Tiens, on aurait pu appeler ce nouvel album Larrons en foire ou Sérieux comme des papes plutôt que Game Bling, mais c'est trop tard, les dés sont jetés ! Comme je ne sais pas comment conclure, je tire une dernière carte. Il y est imprimé "Do the words need changing? (Doit-on changer les mots ?)". La surprise de la découverte m'empêche là de trouver les mots pour évoquer la musique...

mardi 11 mars 2014

Médo(s), portrait filmé d'un fou furieux de musique


Les illusions prennent forme sur l'écran comme à la scène. Entendre que la magie d'un concert en direct n'a rien à envier à celle du cinéma. Dans tous les cas on nous raconte des histoires. S'approcher de la vérité exigerait que le réalisateur abandonne toute sympathie pour son modèle, qu'il creuse toujours plus profond les mobiles enfouis dans l'enfance. Les facéties virtuoses de Médéric Collignon cachent un artiste écorché, fragile, qui s'est forgé un rôle de trublion fou furieux pour camoufler son extrême sensibilité. En nous étourdissant voudrait-il nous faire croire qu'il est plusieurs comme l'indique Médo(s), le titre du film de Josselin Carré ? Or Médo est unique, entier. Trompettiste lyrique, chanteur onomatopique, compositeur reconnaissant, acteur comique sont les facettes du même personnage.
Sa rapidité de réagir au moindre accident, y compris ceux qu'il provoque lui-même, font de Médo un jongleur extraordinaire capable de rattraper toutes les balles, même les plus vicieuses. Son scat zappé ressemble au montage cinématographique, sorte de bande-annonce passée en accéléré. Au même âge il me rappelle Bernard Lubat dans les années 70, feu d'artifice incontrôlable. Virtuose du bout des lèvres, Médo ne rechigne pas à y mettre la langue, rapeuse, zappeuse, blagueuse. Le numéro est époustouflant. C'est un jeu très physique qui attaque pour ne jamais se retrouver sur la défensive. Autour du roi nu, son équipe ressemble à des statues de sel.
Si le film de Josselin Carré est un documentaire classique alternant témoignages et extraits de concert ou de studio, il fait la part belle à la musique. On échappe à la frustration des confetti que maints réalisateurs ont la fâcheuse tendance à disséminer dans leurs verbeux longs métrages. Ici Jacques Bonnafé, Boris Charmatz, Dgiz, Andy Emler, Philippe Gleizes, David Lescot, Thomas de Pourquery, André Minvielle, Louis Sclavis, Bernard Lubat, Frank Woeste, Yan Robillard, Maxime Delpierre, François Merville donnent la réplique à l'énergumène... Comme Claude Barthélémy que j'avais vu à Vandœuvre-les-Nancy en 1998 avec un orchestre formidable au sein duquel le jeune Collignon se distinguait entre tous. Médo(s) a le mérite de fixer un moment d'un artiste au mieux de sa forme, quadragénaire à la veille d'une nouvelle révolution, du moins l'espère-t-il. On lui souhaite de tout cœur, car la tentation de se figer dans ce rôle de clown musical virtuose qui plaît au public est le pire des risques pour un artiste qui aime plonger la tête la première dans l'inconnu et renouveler les expériences pour renaître des petites morts qu'il s'inflige.

P.S. : avant première du film mardi 25 mars au Cinéma Étoiles, Porte des Lilas (Paris).

lundi 10 mars 2014

L'Acoustic Lousadzak de Claude Tchamitchian


Pour son nouveau projet d'orchestre non amplifié, Claude Tchamitchian a composé trois suites orchestrales merveilleuses de chacune trois mouvements pour voix et orchestre de neuf musiciens. Samedi soir à l'Atelier du Plateau l'interprétation était à son image, riche, précise et diablement envoûtante. Tels Charlie Mingus ou Charlie Haden, les contrebassistes passés à l'écriture structurent souvent leur langage en le revêtant d'une couche dramatique qui donne des airs d'opéra à leurs œuvres instrumentales. Et la voix y trouve naturellement sa place.


La chanteuse contemporaine Géraldine Keller use de la sienne comme d'un instrument cinglant et haletant d'où émergent par ci par là des mots que le public peut attraper au vol comme lorsqu'on lance des bonbons à la foule lors de certains carnavals. Les musiciens de jazz français s'affranchissent de plus en plus du modèle américain pour se réconcilier avec leurs propres racines. La musique française du début du XXe siècle retrouve une seconde jeunesse, mais l'on peut reconnaître aussi quelques réminiscences arméniennes ou références zappiennes qui viennent se greffer à tout ce qui fut aimé et pratiqué pendant de nombreuses années.


Les associations de timbres sont des plus réussies, et les cordes de l'Acoustic Lousadzak s'en donnent à cœur joie. Le violoniste Régis Huby et l'altiste Guillaume Roy jouent depuis si longtemps ensemble que leur duo est rompu au dialogue simultané. On les voit ici avec le guitariste Rémi Charmasson qui avec le maître et le pianiste Stéphan Oliva sonnent plus orchestre que quintet. Tous formidables musiciens comme la section de vents composée de Catherine Delaunay et Roland Pinsard aux clarinettes, et du trompettiste Fabrice Martinez, récemment entendu au sein de l'excellent Supersonic de Thomas de Pourquery, auquel participait également le dernier arrivé dans l'Acoustic Lousadzac, le batteur Edward Perraud qui trouve une nouvelle complicité avec Tchamitchian, particulièrement en forme malgré une fatigue imperceptible, après de longues journées de répétition, tant la musique le porte.

vendredi 7 mars 2014

Freaks


Oyez, oyez, bonnes gens ! Que dis-je "oyez" du verbe ouïr lorsqu'il s'agit de voir ? De voir le monstre simiesque écartelé... Entrez dans le palais des miracles, exostoses les plus extraordinaires qu'admirèrent maints orthodontistes depuis que je les découvris moi-même un matin ! Les véritables couleurs étaient si gore que j'ai fait passer la tirette de Photoshop du rouge au cyan. Mais il est déjà trop tard. Combien de temps le rouge cyan de cette vision cauchemardesque vous hantera-t-il ? Combien de dents dans cette bouche sanguine de bavard invétéré compterez-vous ? Car j'ai les mêmes en bas. Approchez, approchez ! Comme deux rangées de dents supplémentaires cachant tout ce qu'on voudra à la frontière. Valise à double-fond. Passez muscade. La mue du vampire, insatiable sybarite avide de goûter toutes les saveurs d'un arc-en-bouche créé par la rencontre de la lumière et d'une inondation de salive. Quiconque d'autre dans la famille disparaîtrait face au miroir. Mais ici on voit tout. Mon père avait probablement les mêmes, car je suis le seul à savoir reproduire sa grimace de lapin féroce. Je fais de l'os, en, veux-tu en voilà, quand ma sœur en manque cruellement. Cela fait peur. J'en ris. C'est sans danger ! répétait Laurence Olivier.

jeudi 6 mars 2014

Game Bling


Le temps file. Pas une minute pour écrire mon blog tandis que nous enregistrons un nouvel album avec Ève Risser et Jocelyn Mienniel. Joce est venu avec ses flûtes et un synthétiseur analogique vintage, le Korg MS20. Ève a préparé le grand piano droit avec ses petits accessoires rigolos.


Mes camarades m'empruntent parfois des instruments pour répondre aux cartes que nous tirons chacun notre tour. Brian Eno et Peter Schmidt ont conçu le jeu des Oblique Strategies pour décoincer des situations embarrassantes, mais nous les utilisons comme partitions à nos improvisations.


Seize morceaux plus tard nous sommes lessivés, mais contents comme des garnements qui ont passé une journée formidable. Il me reste à écouter tout cela et mixer avant de publier ce que nous avons appelé Game Bling, décontraction ludique sur les jeux de hasard. Il est tard. Je n'ai aucune idée sur la qualité de ce que nous avons enregistré. Edward Perraud nous cueille au moment où nous avons terminé de ranger le matériel. Juste le temps de choisir la photo qui servira de pochette.

mercredi 5 mars 2014

Le solo du Drame à Mouffetard


Prenons de la hauteur en retournant en 1977. Jac Berrocal organise une Nuit des Solos au Théâtre Mouffetard. Francis Gorgé, Bernard Vitet et moi avons fondé Un Drame Musical Instantané un an auparavant et nous entendons imposer le trio partout où nous jouons. À l'époque les concerts se succèdent jour après jour. Trois semaines à La Vieille Grille, trois semaines au Riverbop, une semaine à Dunois, etc. Notre manie de détourner les programmes nous donne l'idée de composer un solo à trois. Bernard fabrique un saxophone à rallonge à partir de mon alto. J'actionnerai les clefs pendant qu'il soufflera dans le bec, caché sous le manteau dont Francis nous a drapés. Pierre Bastien me rappellera souvent cette performance au cours de cette soirée où il présentera pour la première fois une de ses machines en Meccano. Jusque là il jouait essentiellement de la contrebasse, que ce soit au sein de Nu Creative Methods ou dans Opération Rhino pour lequel nous nous étions rencontrés. J'ai retrouvé récemment des photos d'Horace immortalisant nos facéties de géant soliste...

mardi 4 mars 2014

Bill Viola au Grand Palais


Au vu de la quantité des œuvres vidéographiques présentées au Grand Palais et du temps qu'elles exigent pour en goûter tout le suc, la rétrospective Bill Viola mériterait d'être moins concentrée, avec de confortables fauteuils qui manquent cruellement le long de la fascinante exposition. Les films jouant sur la transformation dans la durée (10, 18, 23, 36 minutes...) il est tout à fait absurde de picorer sans pouvoir s'installer. Malgré cela la scénographie de Bobby Jablonski et Gaëlle Seltzer qui nous plonge dans l'obscurité est élégante et épurée, avec une technique la plus discrète possible, sans cartels explicatifs qui casseraient l'approche sensible. On se laisse fasciner par les mutations des êtres et des évènements qu'ils traversent.


Lors de la conférence de presse, Bill Viola, secondé par son épouse et collaboratrice Kira Perov, déversa généreusement un sympathique charabia métaphysique simpliste, du style "vous avez d'un côté The Unborn (pas encore nés), à l'autre extrémité The Dead ("qui n'a pas quelqu'un de proche qui est mort ?") et Us (nous) au milieu." Opposant notre temps limité face à l'éternité, l'artiste nous suggère de laisser quelque chose derrière nous, de même que nous avons hérité des anciens ! Ce rêveur revendiquant son manque d'organisation (laissée à sa compagne, commissaire de l'exposition avec Jérôme Neutres) aurait-il besoin de se rassurer par ses notes humanistes et des aphorismes hérités de ses maîtres tel Ananda Kumara Swami ("Au delà du concept d'Art Visuel toutes les œuvres d'art représentent des choses invisibles"). Heureusement un humour salvateur s'échappe de temps en temps de sa philosophie mystique très américaine new age.


Lorsque Bill Viola évoque son expérience de la mort à 6 ans où il faillit se noyer, s'éclairent d'une lumière électronique les scènes subaquatiques où des acteurs sortent lentement de l'eau comme aspirés par l'oxygène de la surface. La transformation d'un état à l'autre est la clef de tout son travail. Il insiste d'ailleurs sur le pouvoir de chacun à changer sa trajectoire.


Jusqu'au 21 juillet, la rétrospective du Grand Palais rassemble 20 œuvres importantes qui jalonnent le parcours de Bill Viola de 1977 à nos jours, de The Reflecting Pool à The Dreamers (deux dernières photos ci-dessus). Vous pourrez admirer des films vidéos (Chott El Djerid - A Portrait in Light and Heat, 1979), des installations monumentales (The Sleep of Reason, 1988), des portraits sur écrans plasma (The Quintet of The Astonished, 2000), des pièces sonores (Presence, 1995), des sculptures vidéos (Heaven and Earth, 1992), des superproductions (Going Forth By Day, 2002)... Les œuvres les plus célèbres sont là telles Angels for a Millenium - Ascension (2000), des Passions (Catherine's Room, 2001), le projet pour l'opéra Tristan et Iseult (Fire Woman et Tristan's Ascension, 2005), des Transfigurations (Three Women, 2008, en photo en haut de l'article), des Mirages (The Encounter, 2012), etc. La visite est structurée en trois parties : Je suis né en même temps que la vidéo (BV) / Le paysage est le lien entre notre moi extérieur et notre moi intérieur (BV) / Si les portes de la perception étaient ouvertes, alors tout apparaitrait tel quel - infini (William Blake) !
Le discours et les titres ont beau ressembler à un bouddhisme de bazar, il n'empêche que cette philosophie rudimentaire a permis à l'artiste de créer des œuvres contemplatives extrêmement belles et profondes dont il n'est hélas pas certain qu'il reste grand chose aux heures de grande affluence. Si les explications sont réductrices, les images et les sons offrent suffisamment d'interprétations pour nous ravir, pour peu qu'on laisse le temps reprendre son cours. Toute l'œuvre de Bill Viola lutte contre le syndrome de la vitesse qui formate nos vies. Jouant sur la lenteur, elle nous laisse le temps de réfléchir à ce que nous sommes, où nous sommes et où nous allons. Argh, voilà que je parle comme Bill Viola !

lundi 3 mars 2014

Chacun cherche son chat


Joli début de semaine à fêter le retour de Gezi disparue pendant six jours et six nuits ! J'avais la garde d'une jeune chatte de six mois pendant la semaine où ses maîtres (ou ses domestiques, selon la conscience que l'on a des félins qui vivent avec nous) étaient en vacances en Turquie. Armagan et Christophe étaient souvent venus à la maison avec Gezi, du nom du parc où se réunissait la résistance stambouliote, histoire qu'elle fasse connaissance avec le vieux Scotch. Une amitié était née entre les deux bestioles. Scotch plaquait de temps en temps au sol l'excitée lorsqu'il en avait marre de jouer au judo, prise facile avec son poids huit fois celui de la demoiselle. Et la câline de ronronner dans mes bras jusqu'à ce qu'un matin, ayant découvert deux jours plus tôt le passage secret qui mène à la rue, elle disparut. Panique à bord ! Je cherchai dans tout le quartier, appelai la vétérinaire, la Maison du Chat, sonnai chez les voisins, arpentai les rues... Sans succès. Ma première nuit fut blanche comme je sursautais au moindre bruit. J'étais malade d'annoncer à mes amis la nouvelle. Ils la prirent plutôt bien, connaissant mon tendre dévouement et comprenant que, vu l'époque de l'année, la jeune chatte avait probablement eu ses premières chaleurs et était partie courir le guilledou. On avait beau nous raconter que tel chat était revenu au bout de dix jours, un mois, trois mois, six mois (sic), nous cherchions Gezi partout comme des fous. Armagan et Christophe collaient des dizaines d'affiches, Françoise rentrée de La Ciotat appelait partout elle aussi l'animal, les voisins s'y mettaient, mais nous faisions chou blanc. Momo trouva même un gros lapin bélier sur le chemin ! Il faut tout de même préciser que Gezi est particulièrement tendre et jolie, et surtout très jeune. J'aurais fermé le soupirail si Armagan m'avait appelé d'Istanbul après qu'on lui ait lu dans le marc de café un problème avec son chat. Heureusement la sixième nuit des petits miaulements aigus me réveillèrent. Gezi, excitée comme une puce, se frottait le long du lit. Scotch lui renifla le derrière pendant que nous réveillions nos amis qui malgré l'heure tardive (ou très matinale) rappliquèrent dare-dare en pyjamas. Tout est bien qui commence bien, mais ces six jours n'avaient pas été des plus joyeux. Comme pour Scat qui disparaissait tous les week-ends on ne saura jamais où Gezi est passée pendant sa fugue. Seul peut-être Scotch en a les clefs, mais il ne cafte pas. Ce qu'on peut être bête parfois !