En 1977 l'usage du répondeur téléphonique était peu répandu en France. Les premiers messages enregistrés sur le répondeur Sanyo rapporté des USA par Luc Barnier montrent comment les interlocuteurs, déstabilisés par la machine, sont dans l'obligation de l'apprivoiser.
L'ensemble, sauvé grâce au système d'enregistrement sur cassettes audio, une en boucle pour les annonces, l'autre de 30 ou 45 minutes pour les messages laissés, constitue un cut-up dramatique d'une force incroyable. En quelques secondes, parfois quelques minutes, la nécessité d'aller à l'essentiel provoque des saynètes documentaires produisant l'effet de la fiction. Certaines sont énigmatiques, d'autres triviales, de temps en temps un concert intime crée une pause...
À se confier seul dans l'urgence face à une machine sans état d'âme émerge la profondeur analytique. Que l'on identifie les voix n'a pas d'importance, sauf pour ceux qui connaissaient les nombreux disparus qui nous manquent cruellement. Le ton de la voix, un silence, un rire forcé, une confidence... Le divan machine. L'usage généralisé ne permettrait plus aujourd'hui une telle franchise. La puissance évocatrice de cette collection fabuleuse de témoignages où les protagonistes sont livrés au miroir de la parole rappelle à la fois les paysages sociaux des radiophonies que je composais dès 1973, les confrontations godardiennes des Histoire(s) du cinéma et mon goût pour les pièces courtes et dramatiques qu'en musique on appelle vulgairement des morceaux. L'album Brut de répondeur est en écoute et téléchargement gratuits.