Françoise m'a demandé de sonoriser trois petites séquences animalières qu'elle a tournées au début du mois à San Pedro dans le désert d'Atacama au Chili. Pas question d'illustrer platement les flamants roses. Quitte à rajouter une musique, autant qu'elle apporte du sens ! Toute référence à l'éléphant de Slon Tango était vouée à l'échec, le fabuleux court métrage de Chris Marker reposant sur le long plan séquence d'un animal dressé dont la mémoire chorégraphique exprime probablement le stress. J'ai bien essayé. Aucune danse ne collait au jeu de jambes des échassiers. Les illusionnistes savent que l'on ne recommence jamais deux fois le même tour. Il fallait mieux chercher quelque chose d'exogène, rencontre du troisième type, comme si les animaux venaient de la planète Mars. C'est d'ailleurs ici que la NASA teste ses véhicules extraterrestres.


Gloria des Them tournait sur la platine à l'étage du dessous. Nous aurions pu être tentés par du rock, mais j'ai collé un duo improvisé avec Hélène Sage en 1981. L'archet de sa contrebasse se fond à mon dispositif électro-acoustique comme une partie de ping-pong. Les évènements disparates participent au synchronisme accidentel en faisant ressortir quantité de détails discrets comme ces étranges petits reptiles qui se faufilent sur le salar, l'un des plus grands gisements de lithium du monde. La bluette des flamants devient une scène inquiétante où le danger est suggéré par le traitement dramatique de la partition sonore. Sur la fin, en observant la courte phrase mélodique d'un grand ensemble j'ai pensé au projet inabouti de Buñuel de placer un orchestre symphonique aux fenêtres d'un immeuble en construction dans Los Olvidados.


La séquence des becs, est plus mignonne. Je me suis contenté de traiter le son synchrone avec le H3000. Les percussions, étirées, deviennent une sorte de chœur à la seconde entrée de champ des moineaux, mais surtout, à la fin, les piaillements et les coups de becs des pique-assiettes de plus en plus synthétiques rappellent avec humour un caquetage humain. Picos et Atacama font écho à Portée, un autre film de Françoise avec des petits oiseaux sur des fils téléphoniques. Pour la troisième séquence intitulée Salar, qui tient plus des souvenirs de vacances, j'ai ajouté au son direct une version instrumentale de la chanson La peste et le choléra écrite avec Bernard Vitet en 1992 pour l'album Carton, rien de très original, juste une couleur sud-américaine... Trois manières de traiter le réel pour se rapprocher de la fiction : en prenant un contrepied radical, en soulignant une allusion, en collant du papier peint...