La première fois qu'Elsa se lança sur son trapèze avec La Caravane Passe, c'était il y a dix ans au Lavoir Moderne Parisien. Retour aux sources. Anniversaire. Pour aujourd'hui, fêter la sortie du CD du groupe Odeia distribué par L'Autre Distribution. La dernière fois que je les ai vus, c'était en novembre à Montreuil dans l'Usine Frapal où Judith Gueyfier, illustratrice de leur album Escales, les accueillait. Clément Alfonso a récemment réalisé deux clips avec le quatuor.
Le premier, Liouba, est chanté en tsigane russe. Noir et blanc, écrans multiples, les gestes apparemment simples reflètent des situations complexes, sous les doigts des musiciens les tranches de vie deviennent des tranches de gâteau, l'image découpe le quotidien comme si le jour ne devait jamais se lever, pourquoi les Slaves doivent-ils toujours souffrir et sublimer leurs âmes meurtries dans des mélodies aussi craquantes ?


Le second film, plus classique, est une chanson de Mouloudji sur une musique de Georges Van Parys. "Un jour tu verras, on se rencontrera, quelque part, n'importe où, guidés par le hasard..." Lorsque Odeia voyage ils nous emportent dans leurs bagages. Nous partons pour Athènes, Syracuse, Gorizia ou Caracas sans quitter nos fauteuils, planant au-dessus de la houle du large, portés par les envolées lyriques du violon de Lucien Alfonso, flèches légères qui filent droit vers les nuages, par les inventions harmoniques de Karsten Hochapfel au violoncelle ou à la guitare, folle boussole dont l'attraction terrestre est plus grave qu'il n'en a l'air, par l'assurance de la contrebasse de Pierre-Yves Lejeune dont le manche est un gouvernail permettant à l'orchestre d'arriver à bon port. S'il est une fille dans chacun, Elsa Birgé les incarne toutes. Polyglotte, elle peut être la bonne étoile qui guide les marins ou le feu des naufrageurs qui les damne à jamais. Tessiture incroyable, basses profondes qui vous retournent le ventre, aigus angéliques qui vous tirent les larmes, sa voix réfléchit la lumière.


Leurs arrangements d'une rare délicatesse confèrent à Odeia une grâce légère qui tranche avec les mixtures écœurantes de la world music. Chaque note est à sa place sur le compas de ces navigateurs infatigables dont le voyage ne fait que commencer. Sorti il y a une semaine, leur disque Escales est déjà Coup de cœur BFM-TV et Élu Citizen Jazz. Ils sont ce soir à 20h30 au Lavoir Moderne Parisien, 35 rue Léon dans le 18ème (12/10€).